[Interview] Sheraf

Débarqué en juin dernier, Sheraf n’est pas du genre sentimental, mais plutôt de ceux qui cherchent la baston si on vient les taquiner. Il faut dire qu’il aime traîner dans les bars la nuit, au milieu de la fumée des soirées bien arrosées. Quant à sa science des alcools (très) forts, on lui fait confiance.
Rencontre avec la bande au complet : Tucker au chant, Stw à la guitare, Chris à la basse et Nerlov derrières les fûts, prêts à donner des coups de latte dans le rock sage et complaisant des radios nationales. Qui veut prendre sa claque ?

crédit : Chris Taylor
crédit : Chris Taylor
  • Ça fait un bail que vous faites de la musique à Angers, je me trompe ?

Stw : Oui, on est tous angevins et on fait tous de la musique depuis longtemps, dans de nombreux groupes.

Tucker : Avec Nerlov, on jouait dans H-ora quand on avait 18 ans ; moi je chantais, lui était à la basse. J’ai fait de la batterie dans Money Time à un moment, un groupe de hardcore old school.

Chris : Moi, je faisais un peu de musique…

Tucker : …dans le bayou !

Stw : Moi, je fais de la musique depuis que je suis gamin dans des groupes.

Nerlov : La légende voudrait qu’il ait commencé la guitare à deux ans (rires).

Stw : J’ai commencé la guitare avant de savoir marcher en fait ! J’ai fabriqué ma première guitare avec une scie sauteuse et les boyaux de mon chat !

  • Si on parlait un peu du premier EP. Du chant, déjà.

Tucker : Johnny Cash a été une grosse influence (rires).

Nerlov : La légende voudrait que…

Tucker : …Johnny Cash soit mon grand-père !

Stw : Tucker serait la réincarnation de Johnny Cash, ou alors il aurait donné des cours de chant à Johnny, on ne sait pas trop…

Tucker : Non, à la base, j’essayais plus de m’orienter vers un timbre de voix à la Ian Curtis, c’est plus là-dessus que j’ai essayé de travailler, en fonction de ce que tu ressens ; il n’y a pas vraiment de choix de ma part.

  • Et puis, il y a cette fameuse reverb sur la voix, comme beaucoup de groupes typés psyché actuellement…

Stw : Comme beaucoup de groupes tout court…

  • Et concernant les textes, c’est réfléchi comment ?

Tucker : Je n’écris pas les paroles avant la musique ; on compose tous ensemble, et après je rajoute le chant. C’est plus le texte qui s’accommode de la musique, du genre : « Tiens, ça, là ça collerait bien avec cette chanson ». Ce n’est pas préétabli.

  • « Real Home », ça parle de vos fréquentations ?

Tucker : Ouais, c’est ça, ça parle beaucoup de vie, d’instants présents, de beuveries, surtout des choses que tu n’apprends pas à l’école. Des trucs qu’on te conseille de ne pas faire, mais qu’il faut absolument expérimenter !

  • Avec votre réseau, on vous voit jouer dans pas mal de lieux d’Angers. Dernièrement, c’était à l’Asso Paï Paï et j’ai entendu parler d’un set prévu chez Fishbrain (atelier de sérigraphie)…

Tucker : Oui, il y a pas mal de monde qui nous connaît sur Angers.

Stw : On n’a pas que des copains ! (rires)

Tucker : Non, sérieusement, je pense que c’est Angers qui veut ça ; c’est une petite ville, il y a une multitude de groupes, donc tout le monde se connaît un peu de vue. On va aux mêmes concerts, on côtoie les mêmes lieux, même dans des styles de musique complètement différents.

Chris : On pourrait même dire qu’il y a plus de groupes que d’habitants sur Angers.

Stw : Angers, 300 000 groupes… pour 200 000 habitants !

  • Le son de ce 1er EP sonne très live, il y a un côté instantané, sans prise de tête. À l’image de vos concerts,

Stw : L’EP a été enregistré en live, effectivement.

Tucker : Nous, c’est le son qu’’on recherchait, quand on a décidé de former le groupe ici (au Donald’s Pub) ; après avoir descendu quelques pintes, on s’est dit : « OK, mais alors on se prend pas la tête, on fait un truc cash, rock’n’roll et basta ! ». Quand on compose, il n’y a pas de fioriture, chacun amène ses idées. Si ça passe, c’est cool ; sinon, on ne se prend pas la tête. Le nouveau morceau que l’on a joué à Paï Paï, on l’avait composé quatre jours avant. On fait dans le spontané. C’est pour ça qu’il y a des gens à qui ça va plaire et d’autres qui vont dire : « Ah merde, ce n’est pas assez travaillé, ça mérite d’être bossé, c’est dommage ! ».

  • Moi, ce que j’ai apprécié les deux fois ou je vous ai vu en live, au Donald’s Pub et à Paï Paï, c’est vraiment ce côté brut et spontané.

Stw : Ouais, c’est ça, c’est brut, c’est spontané ; ça rejoint ce que l’on disait sur les paroles, c’est lié à la musique, aux textes, c’est ça que l’on veut exprimer. C’est notre créneau.

  • J’ai une question pour toi Stw. Je t’ai vu jouer dans un de tes autres groupes, San Carol, au Joker’s Pub, et on sent bien quand on te voit sur scène que tu as un jeu instinctif, on te sent bien à l’aise au niveau de la gestuelle. Il y a beaucoup de recherche au niveau de la texture du son ?

Stw : Moi, j’ai toujours beaucoup aimé travailler sur mon instrument, et sur la recherche d’un son. Après, je n’ai pas le même son dans tous les groupes dans lesquels je joue, mais il y a quand même une unité quelque part.

  • On te sent bien dans ton monde quand tu joues…

Stw : Ouais, carrément … Ce n’est pas forcément réfléchi, j’essaye de partager avec les autres membres du groupe et puis avec le public, c’est ma façon de voir le jeu. Quand tu joues un morceau pour la quarantième fois, il faut que le public le voie et l’entende comme si c’était la première fois que tu le jouais. Si il n’y a plus le petit truc qui te donne du plaisir à le jouer, ça ne sert à rien de le faire.

  • D’ailleurs, ce côté instinctif, je le relève chez toi, mais il s’applique à vous quatre, même si on sent bien qu’il y a une forte cohésion dans le groupe.

Tucker : Une osmose !

  • Voilà, merci !

Stw : Osmose, c’est quand on boit trop de lait, non ?

Tucker : Ouais c’est ça, et là tu es saturé !

(Rires)

Nerlov : Oui, on se rend bien compte que c’est assez naturel de jouer tous les quatre, on est vraiment sur la même longueur d’onde.

Tucker : Oui, c’est ça qui est assez incroyable.

Nerlov : Ce qui est vraiment appréciable, c’est que c’est vraiment rare qu’un des membres arrive avec une idée musicale et que ça ne colle pas ou qu’elle ne soit pas exploitée.

  • L’inévitable question des influences : elles sont communes ?

Chris : Des musiques où l’on peut prendre beaucoup de drogues (rires).

Nerlov : On a tous un peu découvert ce que l’on écoute aujourd’hui l’année dernière au Psych Fest à Angers, on a bien été retourné par ce que l’on a vu.

Tucker : Oui, d’ailleurs, c’est de là qu’est venue l’idée de monter Sheraf.

Nerlov : Donc, oui, on écoute un peu tous les mêmes choses.

  • Est-ce que ça vous intéresserait de balancer de la vidéo pendant vos concerts ? Je trouve que votre musique fait pas mal voyager, ça pourrait orienter le public vers des choses que vous voudriez montrer.

Stw : Non, moi je ne suis pas persuadé que ça serait efficace.

Tucker : On l’avait fait sur un concert privé, juste après notre résidence à Tostaky. On avait balancé les images de « Easy Rider » de Dennis Hopper, c’était marrant.

Stw : Mais l’ambiance voulait ça aussi.

Tucker : Nous, ce qu’on préfère, c’est une lumière stagnante : tac, on se pose, un peu de fumée, on boit des bières, on fume des clopes et on joue, sans chercher à avoir un jeu de lumière de fous, un truc simple et posé.

  • Un mot sur le clip de « C&Speed » ?

Stw : C’est Chris qui a fait les images, et j’ai monté la vidéo. On aime bien se débrouiller par nous-mêmes. C’est vraiment la politique du groupe, faire les choses par nous-mêmes (Stw fait également les affiches pour les concerts). Pour l’enregistrement, on a fait pareil, on a eu un coup de main de Fab, mais on a fait beaucoup de choses nous-mêmes.

  • Des projets, dans un futur proche ?

Tucker : On travaille sur un autre clip (toujours avec Chris aux images …), on aimerait sortir l’EP en vinyle d’ici quelques mois sur un label suisse, et faire un split vinyle avec Death Gazer, enregistrer des nouveaux titres et faire une face chacun.

Stw : Et puis on a de belles dates à venir, celle au Joker’s Pub avec Rendez-Vous et puis celle au Chabada avec Meatbodies le 26 février 2015, où il y aura un after ici au Donald’s Pub après le concert et pendant lequel on passera des galettes.

Tucker : Mais ouais, c’est ça aussi Sheraf : on ne se limite pas au concept du groupe rock de base, on a envie de faire des choses différentes, on a peut-être un set acoustique de prévu chez Fishbrain.
On a envie de faire des mixes, on se débrouille de nos propres mains, et c’est ça qui est drôle. Les gens nous demandent : « Vous jouez quand, vous jouez où ? » et nous on leur répond : « Bah non, ce soir on passe juste des disques à tel endroit ! ». Et c’est ça qu’on trouve marrant, ne pas nous limiter à juste une formation carrée de base qui fait des concerts sans voir plus loin. Plus on peut s’ouvrir, plus on va s’ouvrir… Attention, je te dis pas qu’on va faire un sound system reggae dans quelques mois !!!

Nerlov : On pensait aussi monter un restau, un petit restau tranquille…

  • J’espère qu’il y aura des gambas…

Tucker : Mais ouais, carrément !

Stw : Un restau où on répare également des motos. Il y aura un barbier, aussi…

  • Vous voulez rester avec un côté autonome, dans l’absolu ? Stw, c’est toi qui a fait l’affiche pour le concert au Chabada avec Meatbodies il me semble ?
crédit : Stw
crédit : Stw

Stw : Ouais, après on fait tous des trucs, il n’y a rien de limité : Tucker fait des photos, moi je fais des visuels.

Tucker : Généralement, c’est soit Chris, soit Stw qui s’occupent de ce qui est visuel. On fait nos propres affiches.

Stw : C’est un peu le fonctionnement des groupes de punk, le DIY, et ça fonctionne très bien pour un groupe de rock’n’roll ; on se débrouille seul, après s’il y a des gens comme le label qui veulent nous filer un coup de main, on est preneurs, on n’est pas fermés à de l’aide extérieure. On n’attend pas qu’on nous prenne par la main, donc on préfère partir de choses que l’on fait nous-mêmes. On s’occupe de notre son, de nos visuels, on essaye de faire sortir les gens de chez eux pour leur offrir des choses nouvelles et de qualité.

Nerlov : Ça fait partie de notre état d’esprit.


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