Découvert au hasard de l’une de nos virées bien tardives sur Bandcamp, les premiers extraits divulgués de l’album « Humor » de Russell Louder nous avaient fait forte impression. D’abord, une grande voix évoquant la rencontre fabuleuse entre l’incandescence de La Roux, la grâce d’Hannah Reid et la grandeur de Florence Welch. Le groove irrésistible de « Light of the Moon » ou la fougue électronique impeccablement balayée de « Hello Stranger » s’imposaient alors déjà comme des incontournables de son futur premier album. Tant et si bien que nous avions conservé précieusement dans nos marques pages le lien menant au disques quelques mois avant la sortie du disque, et nous étions promis d’y revenir vite. Alors que la sortie de l’album s’approchait, l’impatience grandissait d’elle-même et nous ne pouvions plus attendre un instant de plus. Un message au label et le précieux Graal s’offrait à nous, dans la fraîche primeur de l’hiver. Nos premières écoutes n’étaient point galvaudées, tant du long de ses neufs titres accrocheurs et fusionnels, le chanteur et musicien de Charlottetown impose son identité arty et libérée, avec flamboyance et passion, à l’instar du sublime «Outside » que vous découvrirez très bientôt. Curieux de découvrir les disques qui ont façonné la culture musicale du jeune artiste canadien, Russell Louder replonge pour indiemusic dans ses meilleurs souvenirs discographiques, dans ses incontournables.
Laurie Anderson – Mister Heartbreak
C’est l’un des albums qui a eu un impact vraiment formateur sur mon paysage musical intérieur quand j’étais enfant. J’ai grandi avec des parents divorcés et pendant quelques années, ma mère a vécu dans l’ouest de l’Île-du-Prince-Édouard (NDLR : l’une des provinces maritimes de l’est du Canada) tandis que mon père vivait à deux heures de route à l’est – ce qui signifiait pour moi un trajet de deux heures deux fois par semaine entre mes 7 et 9 ans. Lorsque mon père me conduisait, la seule musique sur laquelle nous pouvions vraiment nous accorder était la cassette « Mister Heartbreak » de Laurie Anderson. C’est l’un des premiers albums que j’ai pu écouter en imaginant mes propres histoires, se faufilant entre les paroles et les récits déjà intégrés dans l’écriture des chansons. Nous l’avons joué jusqu’à ce que la bande se casse. Plus tard, vers mes 17 ou 18 ans, j’ai commencé à pratiquer l’art performatif et l’intermédia et je suis revenu à cet album, sans même savoir que Laurie Anderson était une performeuse. Ce souvenir revient constamment dans ma vie et chaque fois que je pense à « Mister Heartbreak », je me dis que j’ai fait le bon choix.
This was one of the albums that had a really formative impact on my internal musical landscape as a child. I grew up with divorced parents and for a few years, my mom lived on the west side of Prince Edward Island while my father lived two hours east – so that meant a 2-hour commute twice a week for me between the ages of 7 and 9. When my dad drove me, the only music we could really agree on was a tape of Laurie Anderson’s Mister Heartbreak. It was one of the first albums I could listen to and imagine stories, weaving in and out of the lyrics and storytelling already embedded in the songwriting. We played it until the ribbon broke. Later on, when I was about 17 or 18, I was establishing a performance art and intermedia art practice and came back to this album, not even knowing that Laurie Anderson was a performance artist. It kept coming up in my life and every time I go back to Mister Heartbreak, it feels relevant.
Grace Jones – Warm Leatherette
J’ai écouté de manière considérable la musique de Grace Jones, surtout quand j’ai créé mon style. Je ne pense pas avoir été directement influencé par sa musique dans mon propre travail, mais je me souviens avoir écouté « Warm Leatherette » en boucle et de m’être couvert le visage de perles et de paillettes pour une soirée à Charlottetown, Î.-P.-É., quand j’avais 20 ans, et avoir regardé des interviews d’elle. J’étais vraiment étonné de la façon dont elle maîtrisait l’espace scénique. L’élément que je préfère dans cet album est probablement l’expression théâtrale qui se cache derrière – Grace Jones a cette voix parlante très imposante qui ancre la musique d’une manière très rock’n’roll – bien que je pense que « Warm Leatherette « en transcende le style.
The music of Grace Jones was something I was listening to a lot particularly when I was stepping into my style. I don’t think I was directly influenced by her music in my own work, but I remember putting Warm Leatherette on repeat to cover my face in pearls or sequins for a night out in Charlottetown, PEI when I was 20 and watching interviews with her. I was really amazed with how she commanded space. My favourite element of this album is probably the theatre behind it – Grace Jones has this very commanding speak-singing voice that anchors the music in a way that is very rock ’n’ roll – though I think warm leatherette transcends genre.
Jean-Michel Jarre – Zoolook
En 2015, j’avais 19 ans, je venais de rentrer au Canada après quelques mois difficiles en Islande. Mon frère Leon, ma cousine Alison et moi étions en voyage en Indiana pour assister aux funérailles de notre grand-mère. Leon a mis cet album dans la voiture et cela m’a époustouflé. En Islande, j’avais appris à produire ma musique moi-même et je créais des partitions instrumentales de cinéma expérimental avec des voix et des synthétiseurs déformés, alors « Zoolook » correspondait vraiment aux critères de ce qui m’intéressait à l’époque. Les vidéoclips valent aussi vraiment la peine d’être regardés.
2015 – I was 19, I had just returned to Canada after a few brutal months in Iceland. My brother, Leon, Cousin Alison and I were on a road trip to Indiana to our grandmother’s funeral. Leon put this album on in the car and it blew my mind. In Iceland, I had taught myself how to produce and was creating experimental cinematic instrumental scores with vocal chops and warped synthesisers so ‘Zoolook’ really fit the criteria of what I was interested in at the time. The music videos are also definitely worth a watch.
Gossip – Music for Men
Je suis fasciné par cet album depuis que j’ai environ 15 ans. Je me souviens qu’il a donné le ton à cette musique queer punk-dance-disco-pop que je voulais entendre. Je suis très impressionné par chaque élément de cet album – le style vocal punk à la Dolly Parton de Beth Ditto, le solide jeu de batterie d’Hannah Blilie et le jeu de guitare latéral et innovant de Brace Pain. La production est tellement intelligente – elle est lumineuse, mais pas tape-à-l’œil. On peut vraiment entendre une brillante alchimie des compétences et des pouvoirs de chacun.
I have been obsessed with this album since I was about 15. I remember it setting this queer punk-dance-disco-pop tone for what music I wanted to be hearing. I’m so impressed by every element of this album – Beth Ditto’s punk dolly parton vocal style, Hannah Blilie’s clean yet complex strong backbone drumming, Brace Pain’s sideways and innovative guitar-playing. The production is so smart – it’s shiny, but not flashy. You can really hear a brilliant alchemization of everyone’s skills and powers.
Sun Ra – Lanquidity
C’est un autre album que mon frère m’a recommandé. Tous ceux qui ont entendu un album de Sun Ra vous diront probablement que cela a changé leur façon d’écouter la musique. Je vais donc prendre le train en marche et dire publiquement que « Lanquidity » a changé ma façon d’écouter la musique. C’est une de ces œuvres que l’on peut réécouter et où l’on découvre toujours quelque chose de nouveau – des histoires au-delà des mots, des mondes au-delà de l’espace.
This was another album that my brother recommended to me. Anyone who has heard any Sun Ra album will probably tell you that it changed the way they listened to music so I’m just going to hop on the train and publicly say that Lanquidity changed the way I listen to music. It’s one of those works that you can go back to hear and always find something new – stories beyond words, worlds beyond space.
« Humor » de Russell Louder, sortie le 26 février 2021 chez Lisbon Lux Records.
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