Dans les ailes de Pegase

C’est dans une petite maison du centre-ville d’Angers que je me rends pour rencontrer Raphaël d’Hervez aka Pegase et les membres de son groupe, à l’occasion de leur concert ce 20 septembre au Chabada, veille de leur live au festival Scopitone de Nantes.
Raphaël, Émile, Romain, Thibaud et Jordan nous donnent la chance d’en savoir plus sur Pégase, et répondent avec une vérité touchante aux questions posées.

  • Raphaël, peux-tu me présenter Pegase en quelques mots ?

Pegase, c’est un projet solo né en même temps que moi. J’ai commencé la musique très jeune, mais j’ai toujours fait de la musique avec des amis.
J’ai également beaucoup composé seul, mais je n’avais jamais eu l’occasion de faire écouter ma musique à d’autres qu’à mon cercle de potes.

  • Qu’est-ce qui t’a donné l’envie d’arrêter Minitel Rose pour te lancer dans une carrière solo ?

Un jour, j’étais assez loin de chez moi, à Berlin, où je faisais un concert avec mon groupe Minitel Rose – minitelrose.tv.
Dans notre loge, il y avait un piano et je ne sais toujours pas ce qu’il faisait là, car il était complètement à l’abandon.
Et je me suis mis à jouer une mélodie que j’avais en tête alors que les membres de mon groupe n’y prêtaient pas attention, et c’était quelque chose de très différent de ce que faisait le groupe qui est sorti.
Quand je suis rentré chez moi à Nantes, j’avais ce son-là dans la tête et j’ai décidé d’enregistrer le morceau à toute vitesse, en une journée. C’était une démo.
Je l’ai fini et waouh, ce n’était pas Minitel Rose, j’avais vraiment l’impression de faire quelque chose qui me ressemblait, quelque chose de très personnel, tu vois.
Je sentais que quand j’allais le faire écouter, mes amis allaient vraiment me reconnaitre dedans, j’avais vraiment l’impression de livrer des choses. C’était en 2008.
Mais pour autant, Minitel Rose, ce n’est pas terminé, c’est ce qui se dit ! Pour le moment c’est cryogénisé, et on le décryogénisera un jour.
Pegase et Minitel Rose se rejoignent un peu dans le sens où Romain est le claviériste de Pegase, et Quentin travaille avec nous également en temps que producteur et bookeur.

  • Et comment a-t-il démarré Pegase ?

Tout est parti de MySpace où j’ai posté cette chanson, puis j’ai fait 3-4 démos, que j’ai également postés.
J’avais mon autre groupe, donc c’était juste pour mes amis, et c’était un peu une manière de montrer que j’existais tout seul et pas seulement dans une formation de groupe.
Puis, je ne m’en suis pas trop occupé, mais il y a pas mal de blogs ; notamment des blogs étrangers – dont beaucoup de blogs américains – qui les ont postées et je me suis retrouvé sur des trucs assez gros alors que je n’avais qu’un MySpace.
En un an, j’ai dû avoir près de 100 000 vues, ce qui était vraiment pas mal pour l’époque, tout ça sans faire de promos ou de concerts.
J’ai même commencé à recevoir plein de mails de maisons de disque d’Angleterre, de gens qui me proposaient des concerts.
Mais puisque je travaillais sur d’autres projets, je n’avais pas envie de tout précipiter.
Comme c’était un projet solo, je n’étais pas pressé par le temps et je voulais essayer de faire mûrir les choses pour y revenir à un moment plus propice.
J’ai fini ma dernière tournée avec Minitel Rose et j’ai commencé à m’y remettre sérieusement.

Je n’avais pas arrêté pendant tout ce temps d’écrire de nouveaux morceaux, et une occasion s’est présentée par un ami chez qui j’ai enregistré des titres en studio.
Avant ça, j’avais commencé à me dire « tiens, qu’est ce que ça pourrait donner en live », parce que même s’il s’agit d’un projet solo, je ne peux pas être tout seul sur scène. Ça me paraissait ridicule de faire un Dj Set, c’était trop pop !
Je produis d’autres groupes, et je venais de faire signer Rhum for Pauline sur mon label « Fvtvr » créé en 2008 : http://www.futur-records.com/. Du coup, ils sont venus vers moi en me disant « Si jamais tu veux des musiciens pour voir ce que ça donne en live, nous on est partant ».
J’étais hyper content. J’ai commencé à réarranger mes morceaux par rapport à leur formation qui était assez classique, c’est-à-dire clavier-basse-guitare-batterie, alors que moi à la base je suis beaucoup plus synthé, un peu de guitares, mais c’est vraiment de l’électro donc il n’y avait pas trop de notions de groupe.
Donc, j’ai commencé à travailler sur le live, ça m’a un peu influencé en studio, car ça m’a donné envie de revenir un peu aux bases ; afin que le premier EP, quitte à décevoir les fans des premières heures, il fallait que je revienne à des choses assez simples.
En somme, de la basse, guitare, batterie, quelques claviers, pour une musique assez minimaliste, mais très travaillée, qu’il y ait une grosse recherche. Quelque chose de brut pour que ce soit un vrai départ, histoire de vraiment officialiser la chose.
Pour mon EP (Without Reasons, sorti en 2012 : soundcloud.com/pegase/sets/without-reasons-ep), je n’ai gardé que deux morceaux ; le plus vieux, « Without Reasons », composé à Berlin, et le plus récent, « The Bad Side of Love ». Puis j’y ai ajouté des remix.

Grâce à cet EP, on a fait une quinzaine de concerts. C’était des concerts assez expérimentaux, c’est-à-dire qu’à chaque représentation, on changeait l’ordre des chansons et on n’a pas fait deux concerts à l’identique.
Mais ça ne s’est pas trop débloqué. On a fait un dernier concert qui n’était vraiment pas une bonne chose (dans La Chapelle à Paris).
Après ça, pendant un mois et demi, je me suis isolé, j’ai composé de nouveaux morceaux en essayant de me libérer de la contrainte de « comment on va faire sur scène ».
J’ai donc beaucoup réfléchi, préparé de nouvelles chansons, en vue d’un prochain EP (qui sortira au mois de novembre si tout va bien, et qui sera aussi un premier pas vers un album).
J’ai aussi travaillé la configuration live ; c’était un gros pari car assez compliqué.
Et ça a marché !
Je suis à un stade où je suis super heureux parce que mes nouveaux morceaux sont à 95% sur scène comme ils sont en studio, sauf qu’évidemment il y a la magie du live, et ça, c’est encore mieux !

  • Pourquoi as-tu choisi ce nom, Pegase ?

Quand j’ai dû trouver un nom, c’est venu tout de suite.
Quand j’étais petit, j’étais hyper fan des Chevaliers du Zodiaque, dont le héros s’appelle Pégase. Ça m’a marqué parce que ma mère m’interdisait de regarder TF1 et je devais regarder la télé un peu en cachette.
Et puis également parce que j’adore la mythologie, et Pégase, c’est pas juste un cheval ailé à la con, c’est celui qui fait le lien entre le monde des vivants et le ciel.
Je considère ma musique comme étant très aérienne, pour le coup, ça collait parfaitement.

  • Justement, comment réussis-tu à donner ce côté bipolaire à tes chansons, comment fais-tu pour qu’en fonction de notre état d’esprit au moment où on écoute ta musique, la ton paraisse différent ?
    Pourquoi lorsque l’on écoute ça dans un moment de tristesse, on ressent de la tristesse dans le morceau, et à l’inverse, lorsque tout va bien, finalement on le vit comme un titre très joyeux ?

Je suis content que tu me poses cette question.
J’ai une seule directive lorsque je compose, celle de ne pas imposer un état d’esprit aux gens.
J’essaie de faire le vide à fond et de laisser libre cours à mon imagination et pour cela, il faut que ce soit spontané, tu vois. Si tu réfléchis trop, tu perds de la spontanéité, et les gens sont très sensibles à ça.
Je compose avec des mots directement, c’est-à-dire que la mélodie me vient des mots. Je ne garde que les mots importants pour les mettre dans mes textes, mais sans trop y réfléchir. Si ça te vient au moment précis où tu y penses, c’est qu’il y a forcément une raison, non ?
Comme je n’ai pas un niveau d’anglais de fou, ce sont des textes plutôt simples, mais qui veulent tous dire quelque chose.
Par contre, il n’y a pas de message particulier, ce sont des textes sans prétention. Moi même, lorsque je compose, je ne me rends pas tout de suite compte de ce que livrent les paroles, il faut que j’attende un peu pour « comprendre » ce que j’ai écrit.

  • Au niveau du groupe, j’aimerai savoir quelles sensations vous apportent la scène ?

Romain : Ça fait du bien, c’est libérateur ! C’est un lieu d’expression vraiment privilégié. C’est surtout hyper jouissif de chanter des morceaux que tu as passé des heures à bosser chez toi, que tu as monté chez toi, que tu as retravaillé, rodé, réarrangé, etc. Un concert c’est quarante-cinq minutes de set, mais parfois t’as une trentaine d’heures de boulot derrière.

Thibaud : C’est cool !

Émile : Contrairement à Raph qui a une vraie expérience du live, nous sommes venus à la scène par le studio, alors que la plupart des groupes arrivent de la scène, puis passent ensuite en studio. Nous, on fait de la musique pour faire de la scène.

Romain : Aujourd’hui, quand on arrive sur scène, c’est vraiment cool ; c’est un endroit où tu passes très peu de temps par rapport aux mois que tu as passés à bosser.

Jordan : C’est libérateur, certes, mais ce que les gars n’ont pas dit, c’est que c’est quand même quelque chose de cool à partager avec les musiciens. Moi ce que j’aime, c’est jouer avec mes potes tu vois !

Romain : Ce qui est chouette, c’est ce côté où c’est hyper fort sur scène, mais il y a aussi le fait qu’on soit ensemble jusqu’au bout.

Raphaël : S’il y a une chose assez simple, c’est le simple fait de faire des dates avec des potes, c’est super !
Quand je vois Jordan qui a rejoint le groupe récemment ; bon, c’était un pote avant, on se voyait tout le temps, mais partir faire une date ensemble, voyager, découvrir des choses, ça renforce les liens !
C’est rare de voyager avec ses potes. Là c’est ça, tu vis des moments hyper forts, en bien ou en mal. Rien qu’en un concert, il se passe plus de choses qu’en six mois d’amitié classique !
Et quand tu es capable de supporter des gens, parce que parfois ce sont des conditions difficiles, si tu es capable de franchir ce cap-là, eh bien il se construit une amitié super forte. Il y a plein d’amis que je ne supporterai pas trois heures dans un tour bus.

  • Et au niveau du travail sur scène ?

Romain : On est cinq à jouer dans Pégase sur scène, mais c’est impossible de switcher le projet en session acoustique. On n’a donc pas le droit à l’erreur quand on joue, sinon ça s’entend tout de suite. Tu dois vraiment être calé sur la bande.

Raphaël : Tout le monde fait des choses assez minimalistes en fait, mais s’il y en a un seul qui se trompe…

Jordan : Rien que dans mon jeu de guitare, chaque note a sa place.

  • Quel a été le moment le plus marquant pour Pégase ?

Émile : Quand on a joué à Barcelone (au Razzmatazz) vu qu’en fait Romain, Thibaud et moi on joue dans un autre groupe (Rhum for Pauline) avec peu de concerts, et qu’on n’avait jamais eu le sentiment d’être « à l’aise » comme un groupe qui répète tout le temps et qui fait plein de concerts.
Il a fallu qu’on bouge jusqu’en Espagne pour retrouver des sensations, pour commencer à retrouver des marques.

Raphaël : Quand tu joues sur une petite scène, tu ne sais pas ce que la musique donne sur une grosse scène.
On a vraiment eu cette sensation de puissance ! T’avais une grande sono, une grande pièce qui résonne, et là tu joues juste. T’as bien plus de puissance que d’habitude. Et, ça marche.
On a eu des réactions super chaleureuses d’un public vraiment éclectique.
C’est vraiment intense.

Romain : Il avait vraiment du monde !

Émile : Après si tu veux, par rapport à notre projet, c’est depuis septembre que c’est le vrai début du truc. C’est l’officialisation auprès de tout le monde.

Raphaël : Pour des gens, c’est un aboutissement, mais pour nous c’est juste un commencement.


En effet, entre un second EP prévu pour cet automne, son concert à Scopitone le 21 septembre, et sa participation aux Transmusicales de Rennes en décembre, Pegase ne peut qu’avoir l’impression de commencer à s’envoler.
En attendant, j’ai eu la chance de pouvoir assister à leur concert au Chabada d’Angers ce 20 septembre.

Il est 19h00 et il fait beau dehors. Pourtant le bar du Chabada est rempli.
Le noir se fait ; Romain, Émile, Jordan, Thibaud et Raphaël arrivent sur scène. Les premières notes de « The Bad Side of Love » retentissent, et c’est parti. Eux, qui la veille me disaient ne pas être prêts, j’assiste à un concert très réussi, qui serait absolument parfait sur une grande scène, et j’ai du coup du mal à croire leurs paroles.
Pegase se définit par la dream pop, on en a la preuve en live. C’est planant, les musiciens sont heureux et ça se voit, et on est tout aussi enchantés avec eux.
Leur présence sur scène est manifeste ; c’est un spectacle très agréable à regarder et à entendre.
Nous avons même la chance d’écouter quelques morceaux de leur prochain EP, et sincèrement c’est un régal sonore.

Vivement novembre !


Une dernière question en passant

Un ressenti sur cette représentation ?

Romain : Ça s’est très bien passé ; c’est la première fois qu’on jouait certains morceaux, et le public a plutôt bien réagi. En plus, vu l’heure à laquelle était le concert, on ne s’attendait pas à ce que la salle soit remplie. C’est de bon augure pour la suite !

pegase.bandcamp.com
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Rhum for Pauline : facebook.com/rhumforpauline
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