[Live] La Route du Rock 2014, jour 2

En ce 2e jour de festival, les dieux météo semblent mieux disposés. Ciel clément sur un site encore spongieux, labouré, et recouvert de paille en de nombreux endroits. Ça absorbe, ça assèche, mais ça pue.

Article écrit à quatre mains par Sébastien Michaud et Yann Puron.

crédit : Gaëlle Evellin
crédit : Gaëlle Evellin

12 000 spectateurs étaient initialement attendus pour ce vendredi, mais la direction a préféré jouer la carte de la sécurité et du confort pour les festivaliers, se refusant à vendre les 1000 billets encore disponibles. Choix judicieux, bien plus en tous cas que celui de retarder l’ouverture du site alors que les Londoniens de Cheatahs ont déjà débuté leur show sur la scène des remparts… ça fait quoi de jouer devant un parterre quasi vide les gars ?

Cheatahs - crédit : Gaëlle Evellin
Cheatahs – crédit : Gaëlle Evellin

Une heure plus tard, en revanche, c’est la grande foule pour Anna Calvi. Sur la grande scène, la Londonienne d’origine italienne parvient à capter sans trop de difficulté l’attention du public.

Anna Calvi - crédit : Gaëlle Evellin
Anna Calvi – crédit : Gaëlle Evellin

Joué en début de set, le tube « Eliza » met tout le monde d’accord : une voix puissante, un jeu de guitare incisif et un joli minois… Rien de révolutionnaire dans tout cela, mais un moment presque rare à l’heure de la déferlante shoegaze-psyché actuelle.

Pour la première grande claque de la soirée (et il y en aura d’autres), il faudra néanmoins attendre le set des Américains de Protomartyr. Sur la scène des remparts, le combo de Detroit déroule un post-punk rock tribal, martial, sans fioritures. Pilonnage en règle du duo basse-batterie et chant éructé façon Joe Strummer. Rejeton des Clashs en version plus noisy, Protomartyr témoigne d’une colère sourde parfaitement maitrisée, à l’image de son chanteur Joe Casey, raide comme la justice, stoïque, laissant patiemment le mur du son érigé par ses acolytes effectuer son travail de sape. Grand moment.

Protomartyr - crédit : Sébastien Michaud
Protomartyr – crédit : Sébastien Michaud

Bien moins violent, mais tout aussi fort, le comeback très attendu de Slowdive : grande figue du mouvement shoegaze dans les années 90, aux côtés des Ride, My Bloody Valentine et autres Chapterhouse, le groupe de Reading n’a aucun mal à arracher quelques larmes aux quarantenaires des premiers rangs. Spirales de guitares, arpèges cristallins et transe sonore parfaitement maitrisée : le son (parfait ce soir) de Slowdive n’a pas pris une ride.

Leur rock vaporeux ne donne pas l’envie de contempler ses pompes (comme le veut la fameuse expression « shoegaze »), mais bien de lever les yeux vers le ciel. À l’image du sourire affiché durant tout le concert par la chanteuse Rachel Goswell, on sent chez eux une vraie joie de jouer et l’envie sincère d’écrire le nouveau chapitre d’une histoire qui s’était peut-être trop vite achevée…

Slowdive - crédit : Gaëlle Evellin
Slowdive – crédit : Gaëlle Evellin

Faire plus fort et plus beau, telle était la mission de Portishead une heure et demie plus tard… Tête d’affiche incontestable de cette édition 2014, le groupe de Bristol tient toutes ses promesses. Portishead confirme ce soir, s’il en était encore besoin, que le terme de trip hop auquel il est invariablement associé est finalement bien réducteur… Ce groupe est inclassable et surtout intemporel. Ses armes ? D’abord une facilité désarmante à brouiller les pistes, à effacer les genres et les influences pour simplement laisser parler les sons et l’émotion… Et puis cette voix… Celle de Beth Gibbons. La décrire et expliquer son pouvoir tient de l’impossible. Alors que dire de ce concert ? Que leur version du célèbre « Glory Box » restera longtemps dans les mémoires, et surtout que le spectacle, autant sonore que visuel, aura été total.

Portishead - crédit : Gaëlle Evellin
Portishead – crédit : Gaëlle Evellin

Placé au fond de la scène, un écran géant offre une alternative au statisme des musiciens : captations noir et blanc de la scène volontairement saccadée, plans fixes sur le visage de Gibbons, travellings préenregistrés dans des couloirs glauques, dessins d’enfants sous forme de film d’animation : chaque titre interprété ce soir est une histoire à lui seul, une expérience, un frisson, un étonnement. « Nous avons joué ici il y a seize ans ! », lance un des musiciens à la foule. Seize années durant lesquelles rien ne semble avoir changé. Un groupe a la classe folle, toujours aussi exigeant et au respect immense pour son public, à l’image de Beth Gibbons descendant en fin de concert aux premiers rangs, serrant des dizaines de mains, puis disparaissant sans doute à bord de quelques vaisseaux extra-terrestres…

METZ - crédit : Gaëlle Evellin
METZ – crédit : Gaëlle Evellin

Rude tâche dès lors pour les derniers artistes de la soirée… Passé le rêve éveillé de Portishead, sur la scène des remparts, les Canadiens de METZ parviennent néanmoins à remplir leur rôle d’électrochoc noisy. Un rock bouillonnant, volcanique, digne héritier de Sonic Youth et Fugazi, auquel succède sur la grande scène les New-Yorkais de Liars.

Liars - crédit : Gaëlle Evellin
Liars – crédit : Gaëlle Evellin

Arrivé sur scène masqué d’un foulard, Angus Andrew joue d’emblée les terroristes électro-punk à grand renfort de danses volontairement désordonnées.
Rythmes tribaux, basses synthétiques martelées et dissonances à tous les étages : la vraie folie des Liars réussit malgré l’heure tardive à provoquer un pogo aux 1ers rangs, dernier sursaut rock avant le final 100% électro, à 3h00 du matin, du super-collectif Berlinois Moderat. Demain, ce sera café bien corsé…

Moderat - crédit : Gaëlle Evellin
Moderat – crédit : Gaëlle Evellin

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Un grand merci à Gaëlle Evellin pour ses photos.
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Sébastien Michaud

Journaliste radio sur Angers depuis une quinzaine d'années, auteur de biographies rock aux éditions du Camion Blanc et animateur de l'émission Rocking Angers sur Angers Télé