[Live] La Route du Rock 2014, jour 3

Grand soleil, enfin, pour cette 3e et dernière journée du festival.

Article écrit à quatre mains par Sébastien Michaud et Yann Puron.

Pour fêter l’événement, les Américains de Perfect Pussy prennent d’assaut la scène des remparts pour 30 minutes de guitares saturées et de larsens (hello Sonic Youth !).

Perfect Pussy - crédit : Sébastien Michaud
Perfect Pussy – crédit : Sébastien Michaud

Le public, lui, s’est déjà rassemblé en masse devant la grande scène pour Mac DeMarco, phénomène du moment ou vraie énigme, selon les goûts… L’ex-montréalais vaut bien à lui tout seul une petite rubrique « Pour et Contre » !

Pour > Yann Puron :

Annoncé sur scène par son propre batteur, Mac DeMarco justifie d’entrée sa réputation de gros déconneur en déboulant canettes de bières à la main. « Je viens de me réveiller ! », prévient le Canadien, grand sourire aux lèvres, avant d’entamer le show par « Salad Days », chanson éponyme du dernier album. S’ensuivent « Ode to Viceroy », éloge tubesque de la fameuse marque de cigarettes low cost ou encore la superbement rétro « Chamber of Reflection », idéale sur fond de soleil couchant… Affublé d’un T-shirt des Simpsons, casquette Viceroy vissée sur la tête, jean sale, mal rasé, Mac DeMarco incarne le style « normcore » dans toute sa splendeur. Une décontraction que certains jugeront sans doute énervante, insolente… Peu importe.

Mac DeMarco - crédit : Yann Puron
Mac DeMarco – crédit : Yann Puron

S’il ne se prend jamais au sérieux (et encore moins dans ses clips), notre homme sait néanmoins parfaitement mettre en valeur son répertoire. Bon chanteur, bon musicien (mais cette fois-ci sans sa bonne vieille guitare, achetée pour 30 dollars à l’époque du lycée !), Mac DeMarco offre sur scène des relectures fidèles de ses titres sans jamais se départir d’une bonne humeur forcément communicative. Sans doute un peu plus sage qu’à l’accoutumée (ce sont surtout ses musiciens, ce soir, qui se chargent de la partie « stand-up »), le Canadien termine son show par un bain de foule, cigarette au bout des doigts, l’œil mi-clos, remontant brièvement sur scène pour un salut au public autant emprunt de simplicité que de chaleur…

Contre > Sébastien Michaud :

On décernerait bien à Mac DeMarco, ce soir, le titre d’artiste le plus « surestimé » de cette 24e Route du rock… Une gueule de mec sympa associée à des dents du bonheur (après tout c’est aussi le cas de Yannick Noah), ne suffit pas… Encore faut-il produire derrière quelque chose d’excitant. Et c’est là que le bât blesse : Mac DeMarco nous sert sur scène une pop fraîche, sans prétention, que l’on devine sincère, mais franchement trop ronronnante. Un rock gentillet, en pilotage automatique, ni bon ni mauvais, juste « middle of the road »… Pour imposer ce concept de pop décontractée, bricolée dans sa chambrette, le Canadien a la réputation de jouer à fond sur scène la carte de la déconne, de l’autodérision… Parfait.

Mac DeMarco - crédit : Rod Maurice
Mac DeMarco – crédit : Rod Maurice

Seulement ce soir, à quelques exceptions près, ce sont surtout ses musiciens qui font le show, sans parvenir d’ailleurs à nous faire tordre de rire… L’extrait d’un morceau de Coldplay joué pendant que le boss accorde sa guitare ? Déjà fait lors de précédents concerts… Serait-ce en plus un show « rodé » ??? En dépit de quelques brefs passages un peu plus déglingués ou dissonants, rien ne décolle, ne dérape ou ne surprend… Ah si ! La montgolfière survolant le site, à l’instant même où notre ami entame une croonerie tiède à souhait, propre à réhabiliter dans les milieux rock branchés le « Careless Whispers », de Wham ! Allez, on ne va pas se quitter sans un petit stage-diving… Après 50 minutes de concert, l’image de Mac Demarco surélevé par des centaines de bras est belle. Pour ce qui est du son, en revanche…

Après la décontraction canadienne, place à l’élégance britannique : à 21h, Baxter Dury et ses musiciens prennent place sur la grande scène. Dans la lignée de ses compatriotes Morrissey ou Nick Cave, notre homme incarne à la perfection le « songwrting » made in UK. Du travail d’orfèvre où le poids des mots importe tout autant que celui de la musique. Appuyé par un backing band impeccable, l’auteur de « Happy Soup » (gros succès outre-Manche en 2011) distille des chansons simples et douces amères, jamais pompeuses, au charme discret, fleurant bon la bière des pubs, les fins d’après-midi grises et les murs de briques. « C’est curieux d’ailleurs que mes disques marchent en France, confiera le chanteur quelques heures plus tard ; car beaucoup de gens ne doivent pas comprendre ce que j’y raconte… ».

Baxter Dury - crédit : Gaëlle Evellin
Baxter Dury – crédit : Gaëlle Evellin

Une pop aisément traçable qui ne l’empêche pourtant pas de jongler avec les styles avec une aisance déconcertante, crooner désabusé sur fond de claviers vaguement 80’s ou vieux briscard rock’n’roll aboyant à la tombée de la nuit, guitares 60s à l’appui… Vieux briscard certes (quoiqu’à 41 ans…), mais homme posé : la chanson « Cocaïne Man », délivrée en toute fin de set, sonne comme un avertissement à cette Angleterre toujours prompte à se mettre la tête à l’envers : « la cocaïne, mon père en prenait (le chanteur rock Ian Dury, auteur de la célèbre maxime « Sex, Drugs and Rock’n’roll »). C’est quelque chose de très anglais cette culture de la drogue. Cette chanson dénonce un peu tout ça, mais elle a été mal interprétée ! ».

22h00 : suite de l’épisode british de cette dernière journée avec Toy. Difficile d’accéder à la scène des remparts, le quintet de Brighton fait le plein ce soir. On avait vaguement évoqué Joy Division à leurs débuts, mais la référence semble désormais plus qu’hasardeuse… Punk psychédélique ? Heavy shoegaze ? Sans doute les deux… Toy mise sur l’hypnose, joue fort, excellant dans l’art de faire mugir ses guitares sur fond de rythmique de plomb. L’énergie des Ramones façon « space rock »…

Toy - crédit : Gaëlle Evellin
Toy – crédit : Gaëlle Evellin

Du psychédélique ? Du vrai de vrai ? Demandez Temples ! Depuis un an et demi, les quatre Anglais exportent les chansons de leur 1er album aux quatre coins du globe. « On n’est pas pressés d’enregistrer le 2e, nous confiait le groupe quelques heures auparavant ; c’est cool pour l’instant de se concentrer sur le live, et puis nous sommes trop fatigués pour composer en tournée… ».

Temples - crédit : Gaëlle Evellin
Temples – crédit : Gaëlle Evellin

Ce soir, leur pop 60-70s sous forte influence Byrds, Beatles et Syd Barett fonctionne encore à plein régime. Hormi un light show splendide, le concert ne réserve pas de grandes surprises, mais a le mérite de mettre une fois de plus en évidence l’incroyable qualité de chaque titre et la justesse d’interprétation dont ils bénéficient. Reste désormais à gérer la pression inévitablement générée par ce tant attendu 2e album. Pas facile quand vos plus grands fans anglais se nomment Noël Gallagher et Johnny Marr… « Mais Morrissey a dit qu’il nous détestait, se marre le groupe backstage ; normal puisque Johnny Marr nous aime ! »

Minuit : sur la scène des remparts, les Parisiens de Cheveu entament leur set garage-électro rock devant une foule compacte. Faut-il absolument aller voir un groupe qui se nomme Cheveu (!!) ??? La réponse est non. (Pour les messages d’insultes, envoyez un mail à indiemusic.fr qui transmettra…)

Jamie XX - crédit : Gaëlle Evellin
Jamie XX – crédit : Gaëlle Evellin

Comme lors des deux soirées précédentes, place à l’électro pour la dernière ligne droite… Sur la grande scène, Jamie XX se fend d’un DJ set aussi efficace qu’éclectique. Sous une énorme boule à facettes, sans ordinateur et au moyen de deux platines, le bidouilleur en chef de The XX (à quand le 3e album ?) jongle avec brio entre électro, techno, disco et world music… Passage de témoin idéal pour Todd Terje. Rare en France et considéré par le magazine Rolling Stones comme l’un des DJs actuels les plus influents au monde, le norvégien entame timidement son set par une vague de sonorités electronica sous forte influence Röyksopp, puis sort l’artillerie lourde par le biais de son tube « Delorean Dynamite », heureuse conclusion d’une 24e Route du Rock à la programmation une nouvelle fois explosive.

Bilan de ces 3 jours : 26 500 spectateurs et un rayon bottes en rupture de stock chez Décathlon.

crédit : Gaëlle Evellin
crédit : Gaëlle Evellin

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Un grand merci à Gaëlle Evellin pour ses photos.
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Sébastien Michaud

Journaliste radio sur Angers depuis une quinzaine d'années, auteur de biographies rock aux éditions du Camion Blanc et animateur de l'émission Rocking Angers sur Angers Télé