[Live] La Route du Rock 2014, jour 1

« Des rives boueuses de la Wishkah » (« From the muddy banks of the Wishkah »), s’intitulait le second album live posthume de Nirvana en 1996. De quoi donner des idées aux artistes programmés au 1er soir de cette 24e Route du Rock, si l’un d’eux avait décidé d’y enregistrer sa prestation… Titres possibles : « Dans la bouillasse épaisse du Fort St-Père », ou encore « Live in the bourbier breton ».

Conséquence des pluies diluviennes de ces dernières 24 heures, deux types de spectateurs se distinguent ce soir : ceux équipés de ponchos et de bottes… Et les autres, simplement soucieux de conserver leur équilibre sur un terrain que l’on qualifiera poliment de « marécageux »…

crédit : Gaëlle Evellin
crédit : Gaëlle Evellin

Mention spéciale également aux navettes trop rares assurant la navette St-Malo – Fort St Père et aux dernières centaines de mètres « amazoniennes » donnant accès au site : deux détails me permettant de justifier avec un zeste de mauvaise foi mon premier grand rendez-vous manqué du festival, The War On Drugs. Pas vu et à peine entendus. Dommage, car leur prestation en mai dernier au Austin Psych Festival m’avait plutôt convaincu.

The War On Drugs - crédit : Gaëlle Evellin
The War On Drugs – crédit : Gaëlle Evellin

Simple fait du hasard de la programmation ? 25 minutes plus tard, déboule sur la même scène le fondateur de The War On Drugs… Kurt Vile, artiste solo depuis 2008, distille avec son groupe The Violators un rock sous forte influence Neil Young-Bob Dylan.

Kurt Vile - crédit : Gaëlle Evellin
Kurt Vile – crédit : Gaëlle Evellin

Bâillements de rigueur face à ce double hommage un peu trop appuyé. Heureusement, la fin du set gagne en muscles et en hargne. Planqué quelque part dans les nuages bretons, un autre Kurt apprécie en connaisseur…

Real Estate - crédit : Gaëlle Evellin
Real Estate – crédit : Gaëlle Evellin

À quelques encablures de la scène des Remparts, où les Américains de Real Estate jouent la carte d’une pop douce et ensoleillée (et ce soir ce n’est pas un luxe), les piliers d’un bar VIP surpeuplé jouent des coudes en attendant l’arrivée de Thee Oh Sees.

Thee Oh Sees - crédit : Gaëlle Evellin
Thee Oh Sees – crédit : Gaëlle Evellin

Les Californiens déboulent sur la grande scène peu avant 23h00 et prouvent d’emblée que leur réputation de bêtes de scène est loin d’être usurpée. Leur rock garage fiévreux fait battre plusieurs milliers de semelles. On pense aux Cramps bien sûr, ou encore aux Texans de Night Beats. En short long et constamment traversé par un courant 220 Volts (un cauchemar pour les photographes), le leader-guitariste John Dwyer joue les Angus Young psyché, clôturant momentanément la partie américaine de la soirée par un show pro, ultra rodé, sans faille et sans respiration.

Pour la partie moins pro (au sens business et promo du terme), place aux Londoniens de The Fat White Family : « On s’attendait à des Anglais sales, affreux et méchants et on pas été déçus ! », confiaient 2 jours plus tard, tout sourire, les organisateurs. Avant son concert, le gang de Brixton n’a pas hésité à sécher deux conférences de presse d’affilée avant de s’évaporer sur le site du festival, injoignable, au grand dam du staff de l’espace presse… Mais à minuit pile, sur la scène des remparts, « le plus excitant jeune groupe d’Angleterre » (dixit le magazine Q), remplit haut la main son contrat. Lias Saoudi, grand échalas à bouclettes et bouteille de liquide translucide à la main (de l’Évian à coup sûr), n’a pas besoin d’en faire des tonnes pour nous faire comprendre que là, c’est du sérieux… Du brut, du vrai, du sans esbroufe, du 100% branleur qui ne fait pas semblant.

The Fat White Family - crédit : Gaëlle Evellin
The Fat White Family – crédit : Gaëlle Evellin

The Fat White Family navigue quelque part entre le rock déglingué de The Fall et celui plus abrasif des Cramps, décidément très à l’honneur. Le son est lourd, quasi-stoogien. Dans son rôle d’Iggy Pop de pub crasseux (torse nu of course), Saoudi est parfait, authentique brailleur punk dans la grande tradition des Sex Pistols et autres Libertines, poussant le vice jusqu’à agiter sa main quelques instants sous le pantalon. Concert orgasmique donc. Pour lui comme pour nous.

Difficile dans ces conditions, en clôture de ce 1er jour, d’apprécier à leur juste valeur les nettement plus cérébraux Caribou et Darkside. Sur la grande scène, l’électro rock des Canadiens et des New-Yorkais fourmille d’inventivité (mention spéciale au cultissime « Sun » de Caribou, géniale redescente d’acide, évoquant davantage les petits matins d’Ibiza que la fraicheur des nuits malouines), mais se montre parfois un poil trop expérimentale pour les derniers profanes du genre, tympans flattés, mais pieds définitivement englués…

Caribou - crédit : Gaëlle Evellin
Caribou – crédit : Gaëlle Evellin

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Un grand merci à Gaëlle Evellin pour ses photos.
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Sébastien Michaud

Journaliste radio sur Angers depuis une quinzaine d'années, auteur de biographies rock aux éditions du Camion Blanc et animateur de l'émission Rocking Angers sur Angers Télé