Après nous avoir fait découvrir les instrus hip-hop et R’n’B planantes et langoureuses de BRNFKD le mois dernier, Nowadays Records est de retour avec « Nomade », le second EP de sa nouvelle recrue Jumo. À la frontière du trip-hop et de la future beat, ce nouveau projet dessine les contours d’une atmosphère entêtante et rêveuse.
Il y a deux ans, ce jeune artiste pluridisciplinaire, membre du collectif Cela (qui allie son, vidéo, graphisme et animation), s’aventurait en solo du côté de la musique, avec un premier EP baptisé « Hylé », paru chez Yunizon Records et masterisé par Arcade Studio, structure derrière laquelle se cache Atom du quatuor C2C. Le revoilà aujourd’hui, après un an de production, avec « Nomade », projet d’un beatmaker aventureux, qui conjugue les rythmes et les sonorités du futur avec virtuosité. Laissons de côté l’emphase et disons-le clairement : ce mini-album (31 minutes) incarne une nouvelle facette de la future beat.
Souvent utilisé à tort et à travers, le terme « génie » est aujourd’hui bien trop galvaudé pour signifier encore quoi que ce soit. Pourtant, force est de constater que, dans sa catégorie, Jumo est un outsider talentueux. Alors que son premier EP était de bonne facture, mais encore assez timoré, « Nomade » nous emporte dans les ressacs d’un océan de beats, de drops et de nappes brillantes. Dès les premières secondes de « Un », nous pénétrons dans un univers cristallin, qui raffine les soundscapes les plus délicats et les plus vastes. « Aléa » s’apparente davantage à un exercice de style de future beat taillé pour le dancefloor. Une production de bonne facture, qui agence efficacement les combines et gimmicks du style.
Et si « The Wind » semble encore un peu fébrile, à cause de textures et harmonies déstructurées qui se mêlent non sans mal aux échos lancinants du chant d’Awir Léon (membre du trio Unno, également chez Nowadays Records), on retourne bien vite vers l’onirisme haut de gamme, grâce à un titre éponyme où chaque brisure, aussi délicieuse qu’insidieuse, s’enlace et tisse les contours d’un voyage post-romantique nourri de quelques effets propres à la world music. « Isora » développe un alliage sonore plus lourd, à même de remuer les corps et les esprits avec ses beats toutes en résonance.
« Désert » entrecroise mélancolie et lyrisme au sein d’une construction future beat vespérale. Arrive alors ce qui m’a décidé à écrire ce papier : l’écoute du morceau « Pli » ! Véritable cross-over musical où fusionnent electronica, future beat et house, nous voilà en présence d’une conclusion épique du plus bel effet. Le timbre de chaque note se love doucement dans nos esprits, alors que les claviers diffusent des nappes finement ciselées et des beats métronomiques assez épais. Découpé en trois parties distinctes, le mix est réalisé sans fausse note et le morceau ne souffre à aucun moment d’incohérence rythmique ou autre.
Jumo trace le sillon d’une musique aux atmosphères variées et toujours très directes, dialoguant avec l’intime. Injectant une touche d’electronica dans les arrangements, l’artiste croise les styles et donne une interprétation tout à fait personnelle de la future beat. Nos corps et nos esprits sont pilotés à travers l’inlassable oscillation d’un imaginaire en pleine effervescence. À l’encontre de productions américaines un peu trop promptes à récupérer, note pour note, l’héritage de Flume ou à s’acoquiner avec le RnB, l’EDM ou la trap, le Français nous montre qu’il est possible de s’ouvrir à d’autres horizons. Il nous laisse entrevoir un vrai potentiel malgré quelques maladresses, que nous avons hâte de voir germer sur d’autres productions. En faisant confiance à Jumo et son épatant second EP, Nowadays Records se positionne clairement comme la structure française la plus intéressante en matière de future beat.
« Nomade » de Jumo, sortie le 20 mai 2016 chez Nowadays Records.
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