Une ambiance sourde, minérale et sinueuse, absolutrice même. Une conversation de mammifères marins, de célérités sous-marines. Un crescendo, comme une marée que l’on ne sent pas monter. « Le calme avant la tempête », dirons-nous. Les images ne manquent pas pour décrire l’univers de cette enchanteresse. La musique de Josin se jauge au silence, à la nature de ses pauses. Elle se mesure à l’intensité qui se trame, non loin d’une électronique qui ne demande qu’à cracher sa puissance. Minérale et organique, son « Epilogue » sonne en contre-sens le début d’une mélancolie hybride et outrageusement élégante.
Sa mère est coréenne, son père est allemand. Josin naît à Cologne sous le feu de deux parents chanteurs d’opéra. Sa langue maternelle est l’allemand – le coréen ne suit pas mais lui apporte des traits exotiques admirables. Enfant, elle part vivre dans le sud de la France. Sa langue apprend donc le français et reprend plus tard sa forme germanique pour finir ses études à Hambourg. « La musique a toujours été présente dans ma vie – bien sûr, plus classique », dit-elle. « J’ai eu des leçons de piano jusqu’à mes 14 ans, mais je n’ai jamais eu de cours de chant. Mes maigres expériences avec la musique pop ont été réalisées à travers des CDs que j’ai empruntés dans la collection de mon parrain. Et c’était toujours le même processus : en emprunter un et l’écouter jusqu’à ce que les oreilles saignent. Et ainsi de suite. J’ai donc eu la chance d’écouter un mélange de Björk, Sade, The Beatles, Michael Jackson et beaucoup d’opéra comme une forcenée quand j’étais enfant. »
Cette diversité de sons et de genres a permis à l’artiste de décapsuler une fibre créatrice déjà bien imbibée par le bain de son entourage. Comme un vœu d’allégeance, JOSIN ne pouvait contenir cette envie d’échafauder son propre univers, de se soumettre et d’obéir à sa vraie nature. De fil en aiguille – ou, plutôt, de note en son -, JOSIN s’enivre en autodidacte et presque en autarcie. Elle compose en son for intérieur et puise dans l’environnement ce dont elle a besoin : simplicité, authenticité et hostilité. « Je commence toujours par la musique, puis je chante des mélodies et les paroles à la fin. Je sens tout de même que les mots sont de plus en plus importants et j’aimerais essayer de commencer avec les paroles. Être en pleine nature est le meilleur endroit pour moi afin de composer. Pas directement à l’extérieur, mais dans une cabine ou un camping-car, entourée d’une nature intacte. Le mauvais temps m’aide aussi beaucoup – j’aime le soleil et les bruits d’un été grésillant. Ils sont si distrayants. »
L’an dernier, le prometteur double single « Oceans Wait » sortait sous les auspices lumineux du label suédois Dumont Dumont, habitué de la fine fleur indépendante de la scène émotionnelle. De par leur dépouillement sonore, ces deux titres, dont « Midnight Sun », s’érigent contre le tumulte terrestre, préférant plonger dans des eaux non moins sombres mais promues à une méditation protectrice.
L’EP « Epilogue » pourrait être la chronologie de ce plongeon. Surplombant tout d’abord les eaux troubles, l’acoustique formelle et simpliste de « Oh Boy » nous ramène aux fondamentaux du minimalisme instrumental, à la captation des pauses que le morceau nous montre entre deux accords de piano. Volatile et déchirante, cette introduction est l’ouverture au bouillonnement électronique de la belle : « Midnight Sun » sonde les lieux qu’il ne connaît pas encore – le piano est toujours là, mais s’accompagne désormais de célérités sous-marines à l’écho , « The One (Epilogue) » reconnaît et affirme la part des douces ténèbres qui l’entoure – des cordes mélancoliques s’y déploient. S’ensuit la fatalité de « Feral Thing », un hymne à l’hostilité et au monde sauvage pour enfin se relâcher, trépasser et ressusciter dans l’ode élégiaque de « Evaporation », qui ne peut que bien porter son nom.
L’histoire d’une noyade. Peut-être. Ou, sinon, celle d’une résurrection, d’une dévotion à laquelle Josin nous joint sa voix enchantée, troublée, passionnée. Ses rêves sont aussi ses démons, lieux oniriques d’où l’artiste arrive inexorablement à s’extirper pour nous faire part de son expérience, de la vue de son au-delà. Elle y épouse une sérénité revêche mais contemplative et décuplée en cinq titres qui s’ouvrent sur un épilogue amplement rêveur et s’achèvent sur une divine synergie hors-sol. Un au-delà limpide et surnaturel. Comme une mer d’huile que ne riderait au souffle.
« Epilogue » de Josin est disponible depuis le 2 juin 207 chez Dumont Dumont.
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