[EP] Israël Regardie – Tu n’es personne

Il y a trois ans, un groupe de rock bien trempé sortait un premier EP sous format cassette, intitulé « Tu n’es personne », dans le silence médiatique le plus retentissant.

Un support affiché à 1000 euros sur Bandcamp, évidemment, ça a de quoi bloquer plus d’un acheteur (même si ce dernier renvoie deux lignes plus bas vers le site de son label Dans le vide, pour une acquisition contre la modique somme de 3 euros). Israël Regardie, nom d’un écrivain et fabriquant de cigarette anglais, que ses fondateurs empruntent pour nommer leur formation, est originaire de Lyon et n’a, depuis ce jour, dévoilé qu’un nouveau morceau. Les concerts semblent pourtant continuer, comme en témoignent quelques photographies prises l’été dernier. Heureusement d’ailleurs, car nous sommes en face d’une musique véritablement jouissive, à laquelle on souhaite un bel avenir et de nouvelles créations. Rock’n’roll will never die!

Israel Regardie - Tu n'es personne EP

Le talent d’un artiste n’est en rien comparable à la quantité de « likes » que le groupe a sur sa page Facebook. Nous touchons presque les 700 et pourtant, la musique d’Israël Regardie est stratosphérique. Alors que je lance le lecteur de mon PC, me voilà pénétrant dans un monde qui croise allégrement le punk et le shoegaze, la cold wave et le rock indé, dans un esprit jouant sur le clair-obscur des mélodies, toujours pleines de force et d’intensité. « Fragile Lovers » est une entrée fracassante, qui coule une nappe de synthé froide et lugubre, peu à peu dissipée par des riffs de guitare cinglants et traversée par une voix… Mais quelle voix ! À la fois grave, corsée et pleine de finesse, elle distille çà et là, sans forcer ni asphyxier l’écoute, une tessiture rugueuse et enveloppante.

Bref, cold wave et punk dans toutes leurs splendeurs. Un vent d’americana traverse « Dead Birds » et même tout l’EP, nous faisant voyager dans les paysages arides de l’Ouest infini. « In The Dark » est un véritable éclair de lumière transperçant le ciel, avec ses riffs pétris d’espérance et de beauté. « You Are No One » résonne davantage comme de l’indie rock, quittant les sphères du punk et du shoegaze avant d’y replonger avec fracas lorsque démarre « Holocaust ». Un même frisson de cold wave accompagne chaque mélodie sans jamais sombrer dans la noirceur, soufflant toujours vers des latitudes solaires.

Israel Regardie

J’ai aimé « Tu n’es personne », d’Israël Regardie, dès la première écoute. Après l’avoir à nouveau entendu récemment, je l’aime non seulement plus, mais mieux. Cela veut dire que le temps fait son travail, même si ça n’a été que quelques semaines. L’émotion s’affine à mon insu, dès que j’entre dans les méandres de ce projet. Au fur et à mesure, j’en perçois toutes les nuances avec plus de clairvoyance. On est ici en face d’un grand moment de musique, et non pas d’une imitation de chanson rock. La beauté de cet EP tient beaucoup à la profondeur des harmonies et l’expressivité de la voix. Peut-être touchons-nous là un grand paradoxe de notre culture sonore. Alors que beaucoup de morceaux apparaissent comme des chansons car empilant les clichés, en mettant des notes les unes à la suite des autres, Israel Regardie se libère des apparences, dénué de tout souci d’efficacité commerciale ou de formatage pour être diffusé sur les ondes et à la télé. Cette musique-là est libre ; ce qui, dans le meilleur des mondes, devrait s’apparenter à un pléonasme.

« Tu n’es personne » d’Israël Regardie est disponible depuis le 4 septembre 2013 chez Dans Le Vide.


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Etienne Poiarez

Étudiant en master d’information-communication à Paris 3 Sorbonne-Nouvelle. Éternel adepte de Massive Attack et passionné de cinéma, d'arts plastiques et de sorties culturelles.