[LP] Honeyblood – Honeyblood

Avec une guitare et une batterie pour seuls instruments, le duo écossais Honeyblood livre un premier essai survolté.

Honeyblood - Honeyblood

Stina Tweeddale et Shona McVicar ont débuté leur carrière musicale chacune de leur côté, avant que leurs groupes respectifs ne se côtoient dans une même salle de concert. Cette rencontre fortuite a abouti à la création d’Honeyblood en 2012. Le projet leur a permis de faire une première entrée en studio, grâce au label FatCcat chez qui elles ont signé à l’été 2013. Jusqu’alors, les deux Écossaises étaient avant tout contraintes à des productions lo-fi, au point d’inaugurer leur Bandcamp par quelques titres enregistrés dans… une salle de bain !
Leur musique résolument indie-pop ne manque pas de déborder d’influences californiennes évidentes, telles que Best Coast, autre duo dont elles ont fait des premières parties ou encore Haim. À Los Angeles aujourd’hui, les duos rock féminins sont vite devenus un classique, du blues de Deap Vally au garage de Bleached. Étonnement, c’est de Glasgow que provient Honeyblood, et même en suivant cet esprit West Coast, elles n’en gardent pas moins un tempérament et une esthétique très British.

Pleinement ancré dans cette nouvelle mouvance grunge british à la Wolf Alice, avec ses riffs corrosif mais également son lot d’émotions dans la voix de sa chanteuse, Honeyblood propose un son pop-punk que les Britanniques préfèrent baptiser « scuzz-pop », en référence à la chaîne musicale Scuzz, spécialiste du genre. Le chant de Stina Tweeddale résonne lui comme une douce sucrerie, mais finalement assez trompeuse, car il est empoisonné par des textes vengeurs qui font part de déceptions amoureuses, et s’attaque à des “ex” peu recommandables. Ainsi, alors que dans le ton, sa voix semble trempée dans la bonne sauce americana, dans le contenu, elle dégouline plutôt de vitriol quand sont prononcées ces paroles furieuses à l’intention de tous ces boyfriends menteurs, trompeurs et immatures. Le refrain catchy de « Super Rat » a l’effet d’un hymne efficace aux paroles acerbes : “I will hate you forever / Scum, bag, sleaze, slime, ball, grease ! / You really do disgust me”. Plus loin, sur la puissante « All Dragged Up », c’est amère, voir exaspérée, que Stina répond à la batterie soutenue de sa partenaire : “Why don’t you just grow up ? Everyone must grow up !”. L’honnêteté qui transparaît dans ces paroles renforce le caractère rebelle d’un disque aux productions bien affutées.

Encore novice en studio, le duo échappe effectivement au piège de la production trop lisse, et parvient à sauvegarder son aspect DIY et surtout immédiat, en livrant 12 chansons qui ne s’éternisent jamais au-delà de trois ou quatre minutes. À leur côté, Stina et Shona ont pu compter sur la précieuse expérience de Peter Katis qui a déjà poli du bon rock pour The National et Interpol, et les a accueilli dans son studio du Connecticut. Même sans troisième paire de mains à la basse, le passage du live brut à l’enregistrement ramène autant la puissance que le charme d’une musique d’abord connue pour enflammer les salles écossaises. Leur pop viscérale est parfaitement bien servie par des titres à l’instrumentation appuyée, que la douce voix de Stina Tweeddale vient immédiatement attendrir. Le garage relevé de « Fall Forever » et de « Killer Bangs » fait ainsi la part belle à la batterie de Shona McVicar dans les refrains, avant de se retirer pendant un bridge au chant apaisé.

Plus loin, c’est la guitare de Stina qui se fait plus pesante, sur « No Spare Key » puis « Fortune Cookie », à coup de cordes tantôt douces, tantôt ravageuses. Le duo sait également alterner avec des balades aux riffs moins saturés, à l’image des singles « Super Rat » et de « Bud » dont le ton lorgne plus vers le soft rock, mais aussi de « Braid Burn Valley » au tempo plus modéré.

crédit : Jannica Honey
crédit : Jannica Honey

Sans révolutionner le genre, Honeyblood reprend simplement le garage britannique là où son pendant masculin, le duo Drenge, l’avait laissé l’an passé à cette même période. Dilué dans une pop à l’esthétique soignée et mignonne, il offre un album puissant autant pour sa production bruyante que pour ses textes mordants. Ses deux bouillantes interprètes ne glissent un voile plus pudique qu’au travers d’un titre piano-voix habilement dissimulé à la toute fin du disque, en guise de conclusion apaisante.

« Honeyblood » de Honeyblood est disponible depuis le 14 juillet 2014 chez FatCat.


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Charles Binick

Journaliste indépendant, chroniqueur passionné par toutes les scènes indés et féru de concerts parisiens