[Live] Hellfest 2017, jour 2

Nous n’imaginions pas tout ce qu’il nous aura été donné d’entendre au cours de cette deuxième journée du Hellfest 2017. À nouveau, nous avons été surpris. De la grandiloquence classe (ou pas) à la violence crasse, des rythmes affolés aux pulsations plombées, cette journée a probablement été la plus extrême que l’on ait vécue dans l’antre du meilleur festival au monde (c’est Steel Panther qui le dit) !

Article par Maxime Antoine et Olivier Roussel
Photographies par Erwan Iliou et Jean-Marie Jagu

Le jour 2 commence sous la signe de la Valley, dont nous verrons d’ailleurs l’intégralité des concerts. Les cinq Français de Los Disidentes Del Sucio Motel (appelez-les simplement Los Disidentes) nous exposent en trente minutes bien remplies un curieux programme un peu casse-gueule, mais pas dénué de moments de grâce : faire coexister un stoner sludge burné avec des passages électroniques et des vidéoprojections maison. Un des deux chanteurs, à l’aise en chant clair et guttural, s’occupe d’ailleurs des vidéos (pas toutes réussies) et des bruitages électroniques (dont on demande parfois ce qu’ils viennent faire là). Certains riffs vicieux sortent du lot, le premier morceau d’environ dix minutes et ses trois parties qui se suivent avec audace étonnent un peu, mais le tout est assez lisse, malgré une belle et inattendue reprise du « Welcome to the Machine » de Pink Floyd pour clôturer le set.

Sur la scène voisine du Temple, c’est un autre groupe français qui arrive, Monolithe. Ce combo impressionnant de sept musiciens donne dans le doom death et les morceaux de plus d’un quart d’heure. Ils en joueront deux, plaisantant sur le fait que certains de leurs morceaux dépassent allègrement la demi-heure et qu’ils doivent jouer les plus courts pour rentrer dans le créneau. Musicalement, c’est un genre exigeant, mais même le fan de doom particulièrement lent aura du mal avec Monolithe, du moins en live. Les compos s’étirent et se tordent et on ne sait pas trop où cela va, comme si les morceaux cherchaient délibérément à se dérober à nous, oubliant au passage d’être efficaces – ou planantes. Le set ne décolle jamais vraiment, n’atteignant pas la beauté ou la tristesse que cette musique doit faire ressentir, et le chanteur, visiblement déçu, s’excuse de sa petite forme vocale avant de quitter la scène en admettant un amer « J’ai fait de mon mieux ».

Rien de tel qu’une plongée dans le thrash pour entamer également sa journée au Hellfest. Les Autrichiens de Insanity Alert sont de véritables maîtres en la matière qui mettent le pit en feu avec une énorme dose de fun. Le dernier LP en date, « Moshburger », est défendu avec frénésie et le public est diablement échauffé pour la journée après un set parfait pour se remettre à flot.

De retour dans la Valley, Primitive Man va nous donner une bonne grosse fessée inattendue et salvatrice pour réellement lancer les hostilités de la journée. Le groupe commence un peu en retard à cause de quelques soucis techniques, ce qui nous laisse le temps d’apprécier le physique hors normes des deux colosses qui vont nous torturer les tympans à la guitare et à la basse, deux énormes  masses de muscles, de gras, de tatouages – et pour l’un d’entre eux, de dreadlocks. Si on ne les avait pas vus rigoler avec un des membres du public avant le concert, on aurait pu les prendre pour des brutes épaisses. Le batteur, lui, est plus discret. Mais dès que le trio commence à jouer, finis de rigoler. Leur auto-baptisé « death sludge / funeral punk » est une des choses les plus puissantes et les plus fortes qu’on entendra du festival. C’est l’apocalypse sur scène, les amplis explosent de larsen et de riffs titanesques dont la lenteur permet aux notes de se décomposer en un abîme de gras musical. La batterie s’écrase sur le tout et les vocaux hurlés du chanteur nous trimballent avec eux dans des univers torturés et boueux. On est bien dans un doom metal ultra sale, à l’opposé de celui de Monolithe, et cette fois, cela fonctionne. La musique est maîtresse, elle commande à nos corps de remuer, à nos cerveaux de se fermer, on essaie de prévoir quand la prochaine salve va arriver, mais Primitive Man a plus d’un tour dans son sac, et dans le déluge de riffs s’intercalent des passages black metal ou punk qui aèrent le tout et confèrent à leur musique une originalité singulière et précieuse.

Monkey3, qui joue au même endroit une petite heure plus tard, souffrira de la comparaison. Le stoner psychédélique assez virtuose et carré du groupe paraît soudainement manquer de saveur et nous ne parvenons pas à nous y intéresser outre mesure passé le premier titre ; il est temps de partir faire un tour.

Nous arrivons à temps devant les Mainstages pour attraper les déconneurs d’Ultra Vomit qui achèvent un « Takoyaki » hystérique avant d’embrayer sur le cultissime « Boulangerie Pâtisserie » et de lancer une chenille dans le public de quelques milliers de personnes. Le fun, c’est leur credo et ils se font un malin plaisir à faire « tourner en rond comme des petits cochons » les 35.000 festivaliers présents. On a droit à une succession de vannes tout aussi tordantes les unes que les autres et les titres s’enchaînent et provoquent le délire et les fous rires. Donnant dans la comptine « metallisée » ou le wall of death scatologique, Ultra Vomit réussit des parodies impeccables (Rammstein, Iron Maiden) et nous cloue par terre avec une imitation plus vraie que nature de Lemmy Kilmister. Là où beaucoup considérerait cela comme une simple farce à peine digne d’intérêt, on y voit un véritable tour de force aux qualités musicales évidentes. « Does Humor Belong In Music? » se demandait Franck Zappa. « Assurément ! » lui répond-on à l’issue de ce concert qui a fait du bien autant à nos oreilles qu’à nos zygomatiques.

Objet musical difficile à identifier, Igorrr déboule sur la scène de l’Altar. Des boucles drum’n’bass nous arrivent tout droit dans les tympans et la curiosité nous invite à nous rapprocher. On découvre alors sur scène outre un guitariste, un bassiste et un batteur, un DJ devant lequel se balade une créature torse nu, velue dont le maquillage outrancier ne permet plus de distinguer les contours du corps et du visage. À ses côtés, une fée longiligne officie aux vocalises lyriques. Tous deux s’emparent de la scène et l’on ne sait si l’on a affaire à un duel ou à une alliance. Avec à sa tête le très talentueux Gautier Serre, Igorrr vient de sortir chez Metal Blade Records « Savage Sinusoid » qui devrait être l’un des albums de l’année 2017 dans la sphère metal quand bien même s’y croisent des morceaux de guitare classique majestueuse, de l’électro dévastatrice ou encore de l’accordéon musette boosté aux beats.

De retour dans la Valley, c’est cette fois au tour de Bongripper de nous lacérer les tympans, et ils ne vont pas se faire prier. Un des groupes phares d’une scène stoner-doom parfumée à la weed, et un des nombreux rejetons maléfiques d’Electric Wizard, la particularité du groupe est de se consacrer uniquement au riffing pur et dur, ne jouant que des instrumentaux. Son concert est constitué de deux morceaux d’environ vingt minutes qui déroulent ainsi leur psychédélisme pachydermique à un volume déraisonnable, tendant vers une abstraction sonore qui relève plus de l’expérience sensorielle que du véritable concert. Mais pour les adeptes – nombreux dans la Valley – c’est un bonheur sans égal que de se plonger ainsi dans la matière sonore, de s’abandonner au fracas des amplis, de se laisser bercer par le rugissement monocorde des guitares.

Après une petite pause bien méritée et nécessaire pour digérer un tel choc, c’est toujours dans la Valley que nous retrouvons les Canadiens de Blood Ceremony, emmenés par la chanteuse-claviériste-flûtiste Alia O’Brien. Forts de déjà quatre albums, les musiciens nous donnent un aperçu très convaincant de leur répertoire, qui convie tant le hard rock que le doom metal, le rock progressif ou le stoner, sous le patronage évident de Black Sabbath (pour les riffs) et de Jethro Tull (pour la flûte). Une formation étonnante au sein d’une scène revival très bien garnie (Kadavar, Blue Pills), mais qui sort du lot par l’ingéniosité de ses compositions et la singularité de ses instrumentations. Un joli moment.

Retour au Temple, pour un autre concert de doom metal plus traditionnel, et même funéraire, avec les meilleurs représentants de ce genre en activité, les Finlandais de Skepticism. Le doom funéraire est un sous-genre particulièrement extrême et radical du doom, qui vise à une lenteur infinie, des morceaux délibérément monotones et une impression de désespoir particulièrement lancinante. Si les pionniers du genre, Thergothon, ont disparu depuis longtemps, Skepticism est toujours là, et sa présence au Hellfest est un petit événement. Les musiciens arrivent sur scène en costumes noirs, comme pour un enterrement très chic avec leurs nœuds papillon et un bouquet de roses blanches. Curieusement, il n’y a pas de basse, mais juste un orgue, une guitare et du chant. Ce squelette musical suffit à poser les bases d’une musique puissante et très évocatrice, où l’orgue vient combler les rares interstices oubliés par la guitare. La musique est implacable, suffocante, et dégage pourtant une douceur et une sérénité terribles devant la mort omniprésente. Cinq morceaux sont joués, dont « Sign of a Storm », issu du classique « Stormcrowfleet ». C’est néanmoins le très bel album de 2008, « Alloy », encore à ce jour le dernier en date des Finlandais qui sera mis le plus à l’honneur avec trois morceaux joués. L’enchaînement « The Arrival » / « March October » constitue le sommet d’émotion et d’intensité d’un magnifique concert, et le groupe joue ensuite deux autres morceaux, dont « Oars in th Dusk » jetant avant de partir les roses à quelques personnes du public. La classe.

Sur une bonne lancée, on enchaîne avec Mars Red Sky, un groupe français qu’on aime particulièrement et qu’on est très heureux de retrouver au Hellfest après une très belle tournée pour leur dernier album « Apex III – Praise for the Burning Soul ». Un groupe prolifique qui vient d’ailleurs de sortir un nouvel EP constitué d’une unique piste de 17 minutes intitulée « Myramid ». Le concert s’ouvre sur « Mindreader » et « Shot in Providence », qui sont l’occasion d’apprécier la clarté du son et de mesurer ce que gagne en lourdeur et en puissance la musique des Bordelais lorsqu’elle est jouée live, beaucoup plus « doom » qu’en studio. Le groupe annonce ensuite sa nouvelle chanson, qui est une belle surprise et une belle récompense pour les fans venus le voir de nouveau, puis enchaîne sur le classique « Strong Reflection », du premier album, avant de terminer sur le magnifique et mélancolique « Apex III », introduit cependant par un extrait de « The Light Beyond ». Le temps a filé à toute vitesse sans que l’on s’en aperçoive, et Mars Red Sky a une fois de plus démontré l’étendue de son talent et la force de sa musique, à la fois planante et menaçante, portée par la voix frêle et irréelle de Julien Pras. Un concert plus émouvant qu’il n’y paraît, mais « Apex III » y est sans doute pour quelque chose.

Toujours dans la même veine, mais dans un univers légèrement plus éloigné du metal, c’est Chelsea Wolfe qui prend à présent place avec ses musiciens sur la scène de la Valley. La venue de cette artiste, à la confluence des genres, était une nouvelle attendue par beaucoup de fans, et son concert ne déçoit pas et se place dans le haut du panier de cette édition du Hellfest 2017. Vêtue de noir et le teint pâle, la Californienne entame son concert par l’exigeant et glaçant « Feral Love », puis c’est « Carrion Flowers » qui résonne, emplissant la Valley de ses riffs rouleaux compresseurs et des cris de la belle gothique. Croisement étrange entre cold wave, trip hop et dark metal, la musique de Chelsea Wolfe nous ensorcelle autant qu’elle nous échappe, nous glace et nous séduit. Le son est parfait, les morceaux s’enchaînent, principalement tirés d’« Abyss », et nous voilà gratifiés d’une nouvelle chanson, « 16 Psyche », très doom, tirée d’un album à paraître dans quelques mois. L’envoûtante « Survive » met ensuite fin à un des concerts les plus maîtrisés du festival, où la voix de la chanteuse américaine aura fait des merveilles sur une musique d’une noirceur et d’une précision qui nous laissent bouche bée.

Retour aux 90’s avec l’un des groupes qui aura fait secouer la tête à des millions de teenagers avec l’album « America’s Least Wanted », nous retrouvons Ugly Kid Joe en Mainstage et nous voilà agréablement surpris. L’énergie est bien présente dans le public, ravi d’entendre à nouveau ces morceaux qualifiés à l’époque de « hard rock ». Tout en flegme, Whitfield Crane assure et entretient un bon feeling avec les milliers de personnes présentes. Proche de Lemmy, il entonne à son tour « Ace of Spades » avec une indéniable conviction. « Everything About You » clôt avec panache le show qui n’a pas débordé, mais n’a pas déçu.

Zeke au nom aussi bref que le temps que nous avons passé devant leur show tant punk qu’ennuyeux. Ce n’est pas tout d’être brouillons, encore faut-il le faire avec conviction.

L’heure est à la débauche, à la vulgarité et au 36e degré avec Steel Panther qui a réussi à redorer avec panache le blason du hair metal qu’on croyait perdu dans les limbes. Spandex, perruques, khôl, guitares zébrées fluo : tous les ingrédients sont réunis et le public est chaud et moite pour une prestation attendue de longue date en France. Nous avons droit à un véritable best of, le groupe ayant sorti tour à tour des albums vraiment impeccables maniant la parodie avec talent sans négliger parties virtuoses et mélodies ingénieuses. Le dernier en date, « Lower The Bar », est également honoré et passe très bien l’épreuve du live. Ceux qui suivent le groupe savent que le show se déroule autant entre les morceaux que pendant. Les vannes fusent, débiles et crues. Pas de place pour l’improvisation, les gars revisitent les pionniers du genre Spinal Tap en ne dépassant pas une seule seconde le niveau de la ceinture. Les ballades sirupeuses, au double sens d’une méchanceté crasse, sont entonnées avec joie et inconscience par tous et les morceaux plus pêchus provoquent de nombreux crowdsurfings (« Deat To All But Metal »). Tradition d’un concert de Steel Panther, les filles sont invitées à retirer le haut et beaucoup s’exécutent. Elles sont une quarantaine à monter ensuite sur scène pour « 17 Girls in a Row » et « Gloryhole ». Sex, drugs & rock n’roll, le célèbre triptyque est célébré une heure durant. « Party All Day » résonne encore dans nos têtes bien après ce concert qui a fait rire et brailler un public conquis d’avance.

Dans une veine tout aussi grossière, mais dans le registre du metal symphonique tendance growl, Turisas retient notre attention sur la scène de l’Altar. Le visage rouge et noir, les musiciens arborent cuir et fourrure et livrent un spectacle puissant. Violon et claviers agrémentent le tout sans nous irriter et l’ensemble est vraiment convaincant. L’envie d’en découdre contre des démons ou monstres de l’enfer est certainement la force du groupe.

Un nouveau détour par le Temple nous permet de voir une nouvelle fois les excellents Alcest, que l’on retrouve comme on les avait laissés. Festival oblige, la setlist est un peu raccourcie, mais elle reste sensiblement la même que sur le reste de la tournée, faisant la part belle au génial dernier album « Kodama ». Le son est également un poil plus brouillon que la dernière fois où nous les avions vus, mais Neige est toujours aussi humble et sympa, et la musique toujours aussi belle. Les passages progressifs de « Kodama » évoquent le Tool période « 10.000 Days », tandis que sur « Oiseaux de Proie », titre complexe et agressif, le shoegaze côtoie un black metal redoutable. Des autres albums seront joués, le classique « Autre Temps » qui fait chanter le public en chœur, ainsi que « Percées de lumière ».

Nous quittons la scène avant la fin du concert, sur le désormais habituel « Délivrance » tiré de « Shelter » pour rejoindre la Valley et nous placer pour Primus. Le trio emmené par le fascinant Les Claypool donne sans doute le concert le plus étrange et insaisissable de tout le festival. Claypool est à peine visible sur scène, jouant dans une pénombre guère relevée par un projecteur qui aurait dû mettre en valeur le certes humble, mais néanmoins acclamé bassiste. La setlist est aride et avare en gros classiques, si ce n’est « Wynona’s Big Brown Beaver ». Elle est surtout imprévisible, le groupe changeant tous les soirs suivant l’humeur de son leader, qui parle peu, mais sort de son instrument des sons ahurissants. Parmi les temps forts de ce concert inclassable, remarquable, mais un peu frustrant, « Too Many Puppies », « Frizzle Fry » ou encore le bien nommé « My Name is Mud », sur lequel Claypool s’adonne à une démonstration effarante de son talent en répétant à l’infini l’épineux riff principal du morceau, y ajoutant à chaque itération une nouvelle variation complexe et subtile. Probablement un peu trop exigeant pour un concert de festival comme le Hellfest, mais il ne faut pas bouder notre chance d’avoir pu y assister.

Venant tout droit du Canada, Comeback Kid a certainement effectué l’une des plus impressionnantes charges hardcore du week-end. Au soleil couchant, la tonne de poussière soulevée par les forcenés du pit empêche de voir la scène, mais la communion entre le public et le groupe est bien là. Les titres de « Outsider » (sortie prévue en septembre 2017) sont présentés comme un avant-goût de la tuerie qui s’annonce à l’automne. Pour l’heure, c’est la furie totale, la fraternité dans le chaos, la vie qui fout une raclée à la mort en ¼ de seconde, des corps qui tombent, des corps qui volent et la poussière qui s’infiltre et se colle partout. « Wake The Dead », « Should Know Better », … Sans transition ou si peu, les titres rageurs se succèdent et la tension ne baisse jamais. Longtemps après le dernier coup sur les cymbales, on pensera à ce concert épique, brutal et intrinsèquement humain comme un moment d’une rare intensité.

On reste quelque temps dans le Temple pour voir le début du concert étonnant de Wardruna, formation norvégienne qui entend recréer la musique viking telle qu’elle était jouée il y a deux mille ans, sur des instruments traditionnels et de fabrication maison et qui sortent de l’ordinaire, tels ces deux énormes cors qui introduisent le concert de leur souffle puissant et grave. Pas de place pour la rigolade durant leur prestation, les musiciens sont habillés comme des moines et leur musique est d’un sérieux un poil trop affecté. Néanmoins, les harmonies vocales puissantes et l’instrumentation originale et médiéviste donnent au tout un côté mystique et prenant, à la Dead Can Dance qui est proprement passionnant.

Nous quittons cette scène pour apercevoir une partie du show de la grosse tête d’affiche de cette deuxième journée, Aerosmith. Contrairement à Deep Purple, Steven Tyler, Joe Perry et leurs acolytes ont encore de l’énergie à revendre. Leur concert est un vrai show à l’américaine, avec effets pyrotechniques, veste à paillettes, chaussures à talons et chanteur qui arpente la scène dans tous les sens. Musicalement, ça tient à peu près la route même si on sent que le tout est un peu ralenti, mais la setlist fait la part belle aux albums des années 80 et 90, qui ne sont pas les meilleurs du groupe. « Cryin’ » fait chanter des milliers de personnes nostalgiques, mais c’est quand même loin d’être une des chansons les plus représentatives du son qui les a rendus célèbres. Un peu de mieux sur « Love in an Elevator » ou « Janie’s Got a Gun », deux autres tubes des eighties, mais Tyler n’a plus sa voix d’antan et le rendu en pâtit. Nous quittons alors les Mainstage, conscients que les rares morceaux des années 70 sont gardés pour la fin, pour aller voir le début de Slo Burn et la fin d’Opeth.

John Garcia, figure tutélaire du metal bouillonnant made in Joshua Tree, connaît bien la scène de la Valley pour y avoir amené ses différents projets. Après Unida, Hermano, au tour de Slo Burn de foudroyer de ses riffs incendiaires un public prêt à subir l’assaut. Le concert s’ouvre sur la scène d’un éléphant devant un soleil couchant qui rappelle aussitôt la pochette de « Amusing The Amazing », LP sorti en 1997 qui sera, à l’exception d’une demo, la seule preuve du passage du groupe dans la constellation du stoner. La ferveur est bel et bien présente et la six cordes présente sur scène est une arme redoutable épaulée par une batterie et une basse d’une puissance phénoménale. C’est fort, d’une cohérence implacable et oscille entre envoûtement et déflagrations salvatrices. Nous nous laissons traîner sur les routes asséchées du désert et transpirons au cœur de la nuit. Au-dessus de la mêlée, John Garcia ensorcelle à nouveau et nous emmène bien loin où l’horizon s’ouvre alors que nos tympans subissent parmi les riffs de plomb les plus puissants qu’ils leur aient été donnés de subir. Une discographie complète est explorée, sublimée le temps d’un concert inoubliable dans l’antre de la Valley qui nous est si chère.

Les musiciens d’Opeth quant à eux font montre de leur dextérité habituelle, jouant la fin de leur classique « Ghost of Perdition » alors que nous arrivons sous l’Altar. Ils enchaînent avec le tubesque « Cusp of Eternity », qui squatte désormais toutes les setlists du groupe, mais fait chanter copieusement les foules et dégainent ensuite « Heir Apparent », un tour de force d’une violence inouïe qui fait plaisir à entendre de la part d’un groupe qui a depuis longtemps renoncé à ces excentricités-là en studio. Le son est un peu brouillon, la basse n’était pas aussi facile à distinguer qu’à l’accoutumée, mais le groupe est bien en place, et Mikael Åkerfeldt, le chanteur, fait ses habituelles blagues, invitant le public à quitter son concert pour aller voir Aerosmith « qui doit jouer « Mama Kin », une chanson géniale, vérifiez sur Google ! », ou racontant comment le hair metal a influencé « Era », avant de la jouer à toute vitesse. Le concert s’achève sur un autre classique « Delivrance », démonstration technique implacable qui déchaîne un public ravi.

En guise de dernier concert de la soirée, nous avons droit successivement à une énorme déception et une très bonne surprise. En effet, le concert de Deafheaven s’annonçait très prometteur, tant les deux albums du groupe de black-gaze sont excellents, mais les mimiques et la gestuelle tout bonnement ridicules du chanteur nous font rapidement déchanter et nous fuyons le Temple pour aller voir Suicidal Tendencies dans une Warzone où il est tout bonnement impossible de faire un pas. Après avoir lutté pour trouver un spot relativement confortable pour observer le concert des Américains, on se rend à l’évidence : on a bien fait de venir. Le son est excellent, Dave Lombardo fait des merveilles derrière les fûts et le mélange de punk et de thrash metal incisif fonctionne à merveille, offrant compo après compo des sommets d’efficacité, de technique et de violence. Le public est survolté et le groupe nous exhorte à reprendre en chœur des refrains souvent faciles à mémoriser. Une belle manière de finir la soirée que de découvrir enfin ce groupe culte.

 


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Maxime Antoine

cinéphile lyonnais passionné de musique