Mains liées avec Phoebe Bridgers, Marika Hackman ou même Angel Olsen, ces artistes au cœur solaire et âpre qui irradient par leur simplicité, qui fondent l’intensité dans la banalité et démoulent de sublimes pépites avec trois fois rien – trois fois rien pour tomber à la renverse -, Fenne Lily, nouvelle reine de cet artisanat, réverbère ses maux dans la belle mesure de « On Hold ». Loin de la sophistication, de l’ajout foisonnant, de l’impétuosité. À fleur d’une chose naïve que nous ne pèserons qu’à l’écoute douce du remous que fait son navire, filant tranquillement sur l’immensité du folk alternatif.
Empreint d’une fragile robustesse et d’une longueur cartésienne, « On Hold » dépeint un idéal désabusé, loin de l’affluence superficielle. Comme ses sœurs d’armes, ou plus précisément celles qui s’en rapprochent le plus, Fenne Lily longe cette tendance grandissante du dépouillement musical qui s’imprègne de la nostalgie naïve forte et d’une forme d’iconicité dépareillée, se plaçant entre la rock star et « sainte ni touche » prête à nous planter mille et une aiguilles là où ça touche. Acupunctrice de l’affect, cette Anglaise a, pour ainsi dire, tout pour prolonger cette progéniture : une beauté naturelle, une nonchalance indécente, une guitare et une voix comme récupérées au milieu de bris de verre. Mais Fenne Lily refuse l’étiquette : « Je ne veux pas être une chanteuse folk, même si c’est ce qui me vient à l’esprit », affirme-t-elle. « Je ne veux pas décevoir les gens qui ont aimé « Top To Toe » mais je ne veux pas être cataloguée. » C’est là que tout la brillance de « On Hold » prend son sens, dans cet état de réfutation du folk traditionnel, que pouvait largement traduire son début avec « Top To Toe », pour mieux le joindre à une lubie alternative de la pop. En tout bonne auteur-interprète, l’artiste fuit la gentrification de la musique pour qu’elle se suffise à elle-même, sans étendard classique ni postulat élitiste.
Dans ces écartements émotionnels, l’album prend des allures de divinités mélancoliques que l’on pourrait croiser dans les quartiers londoniens de Dalston ou bien dans le vieux Shoreditch, en ces temps où l’insouciance côtoyait la culture punk et ses esprits sans frontières. Miséreuse, vallonnée et vibrante de réverbérations, la créativité de Fenne Lily fendrait bien plus d’un cœur de pierre. « Ma musique vient de la colère, mais je ne peux pas chanter avec colère, alors je chante tristement. » C’est ainsi, par ce chemin qu’empruntent « Car Park », « Three Oh Nine » et « For A While » – ses plus beaux morceaux -, et dès lors que nous tachons de décrocher nos oreilles des plaintes affectives de Fenne Lily, que « On Hold » reste le long de nos pensées comme il pourrait aussi s’échouer sur la plage de Chesil, dans son Dorset natal. La nostalgie, l’enfance, la constance de ne rien oublier – trois choses sur lesquelles elle nous attèle avec saveur et picotements épidermiques.
« On Hold » de Fenne Lily est disponible le 6 avril 2018.
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