[LP] Dominique Dalcan – Temperance

Retour en apothéose d’un artiste encore trop méconnu du grand public, l’auteur-compositeur-interprète Dominique Dalcan. Après sa résurrection artistique en 2014, il nous dévoile maintenant une multitude d’horizons inexplorés par la pop française sur « Temperance », hybridant sa musique à une electronica subtile et symphonique.

Même s’il est bien évidemment impossible de retracer, en quelques lignes, le cheminement artistique d’une personnalité comme Dominique Dalcan, il nous semble nécessaire d’introduire son histoire pour celles et ceux qui ne sont pas familiarisés avec son œuvre. Considéré comme l’un des grands noms mésestimés de la pop française, le chanteur parisien fait partie de cette histoire-bis, qu’il est ô combien merveilleux de conter, tant la richesse de ce qui se cache derrière est monumentale.

Véritable électron libre de la musique, il a été, à ses débuts dans les années 90, inscrit par la presse anglaise dans le courant de la French Touch. Mais, à la manière d’autres artistes comme Rubin Steiner, Dalcan est un touche-à-tout infatigable qui s’est peu-à-peu extirpé de cette étiquette, préférant explorer la musique au détriment d’une carrière. Son nom, à côté de celui de Laurent Garnier, Air ou Motorbass dans les médias de l’époque, fut peu à peu relégué vers d’autres contrées, à la fois moins médiatiques mais en rien moins fertiles.

C’est aussi grâce à son autre projet, sous le pseudonyme Snooze, qu’il trouvera de vastes échos, avec des expériences électroniques allant taquiner le dub, la drum’n’bass, le jazz et le hip-hop. Avec ce side-project, l’artiste cultive son goût pour l’éclectisme au fil des parutions, avec des influences tantôt latines (« Goingmobile »), tantôt folk (« Americana ») mais toujours inattendues. Entité bicéphale difficile à saisir, Dominique Dalcan côtoie maintes fois la reconnaissance populaire, grâce à des singles sur les ondes ou d’importants concerts, sans pour autant inscrire son nom sur toutes les lèvres.

De nos jours, sa discographie obtient une vaste reconnaissance chez les auditeurs-experts de la chanson française ainsi que les professionnels de la musique. Elle se trouve également célébrée et redécouverte suite à l’engouement de son retour, après huit années de silence suite à des problèmes de santé, grâce à « Hirundo » en 2014. Et, après 25 ans de carrière et une dizaine d’albums (en comptant ceux de Snooze), Dalcan semble ne pas vouloir s’arrêter en si bon chemin, puisqu’il dévoile un nouveau projet baptisé « Temperance », avec lequel il s’engage dans une voie médiane entre la pop française et l’électronique, à jamais inséparables malgré les apparences. S’affranchissant, au fil des interviews, des logiques marketing, notamment au travers de propos se subtilisant au jeu de la promotion, il revendique surtout la liberté d’exprimer sans retenue toute la singularité de son imaginaire, en travaillant avec une maison de disques indépendante qui le laissera seul maître à bord de sa musique.

L’album s’ouvre sur « Cold Is The Ground », une mélodie délicate et minimaliste se composant d’un piano-voix infiltré çà et là d’effluves électroniques glitchés. « Small Black Piece Of Field » se colore d’electronica et d’une orchestration classique élégante. Tout est raffinement. « Your Body Is A Territory » et « Roads & Rivers » prolongent cette veine avec une touche toujours très poétique. L’harmonie est au cœur du projet et pas un seul élément ne semble mal agencé tant il maîtrise ses moyens techniques et artistique. « Maeterlinck » calme la tension avec un interlude expérimental portant le nom d’un célébrissime poète belge. S’enfilent les mélodies d’une infinie beauté, avec des versants à la fois pop (« Take Shelter ») et classiques (« Is it over »), avant de conclure sur les effluves hybrides du titre offrant son nom à l’album. Une note élégiaque du plus bel effet. En neuf titres, l’artiste a brassé les ambiances et les sonorités de son choix dans une même esthétique, mêlant synthétique et organique au sein de ses machines affutées avec lyrisme et subtilité, sans jamais s’enfoncer dans une quelconque lourdeur.

L’album reste assez court, mais chacune des pistes est construite avec maestria. En matière de pop française, nous pourrions nous attendre à un certain classicisme de la part d’un artiste ayant déjà développé ses habitudes de création. Et rien de plus normal après 25 ans de carrière. Mais c’est bel et bien un nouveau concept qui s’immisce dans sa musique. Dominique Dalcan refuse de s’enfermer et continue d’aller cueillir de précieuses notes là où l’on ne l’attend pas, afin de les sublimer en les mixant dans un carcan clair-obscur à la lisière du rêve. On n’en attendait pas autant, mais le retour est d’envergure. « Temperance » est une œuvre qui marquera durablement la discographie de l’artiste, véritable cheminement à travers la frénésie ; sans oublier d’infuser, dans la musique qu’il compose, ce supplément d’âme timide et salvateur.

crédit : Paul Rousteau

« Temperance » de Dominique Dalcan est disponible depuis le 27 janvier 2017 chez Le Label [PIAS].


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Etienne Poiarez

Étudiant en master d’information-communication à Paris 3 Sorbonne-Nouvelle. Éternel adepte de Massive Attack et passionné de cinéma, d'arts plastiques et de sorties culturelles.