[LP] Dillon – Kind

Des fleurs séchées. Sur la nuque, dans les oreilles, sur le cou et dans le cœur. Nature morte radieuse mais bien vivante. Pleine de vitalité et de tristesse contemporaine. La dernière pochette de Dillon revêt une élégante posture, marquée par un raffinement qui montrait déjà le bout de son nez dans ses travaux passés. Parachèvement d’autant plus présent dans « Kind », son somptueux troisième album. De bout en bout, il confirme l’éclairement d’une artiste sur son art de mélanger subtilement la mélancolie à l’électronique et la malice à la symphonie. Dans une grâce en équilibre, discrète mais non sans grandeur, Dillon décoche une minimaliste merveille pop.

Ardente, impétueuse voix. Celle, cassée, de Dillon, qui paraît victime d’une angine carabinée, fait partie de celle qu’on reconnaît parmi mille autres, comme un air qui nous obsède systématiquement à chaque écoute. Ver d’oreille donc, miraculeux jusqu’à ses tréfonds. Après « The Silence Kills » et « The Unknown », Dominique Dillon de Byington, de son vrai nom, ne fait que confirmer à la merveille le potentiel de son art, bras ballants sur une sorte de pop hybride qui sue la mélancolie, reconnue dans ses moments d’intensité (« Shades Fade ») comme dans ses intimes roucoulements, que la radieuse « Stem & Leaf » définit dans ses mécanismes de libre contemplation.

Coup de maître pour l’artiste à l’évolution éblouissante. Dans le cas de « Kind », Dillon se recentre sur l’instrumental, avec des cuivres qui se déploient dans pratiquement tous les morceaux et enrobent l’ensemble d’un sentiment de réconfort. En son centre, un cœur tendre et intimiste : « Lullaby », Te Procuro » et « The Present » se cachent à l’abri de l’électronique environnante – autrement dit, de la bombe « Killing Time », portant bien son nom. En parlant de ce titre, Dillon déclare : « Je pense que c’est définitivement la chanson la plus optimiste, et peut-être même la plus amusante du disque. Même si vous ne comprenez pas les mots ou si vous n’êtes pas intéressé par la voix, cela vous donne peut-être envie de bouger ; ce qui, je pense, est quelque chose qui n’a jamais été possible avec mes chansons. Donc, c’est excitant pour moi d’avoir cette nuance-là aussi. »

Comme sur deux tableaux impressionnistes, l’un qui dépeint l’orageuse électro et l’autre la création instrumentale, Dillon réussit à mélanger les couleurs ocres et sombres pour ne faire qu’un ensemble proche de la perfection. Esthétisante musique épurée, « Kind » traduit l’immense préciosité de l’artiste dans tout ce qu’on fait de plus hybride à ce jour. Cet album est le pinacle optimiste de la compositrice, symbole d’une évolution marquée par l’âge, l’expérience mais aussi par le monde qui nous entoure. Conjurons le mal tous ensemble ; cela vaut mieux.

crédit : Joseph Kadow

« Kind » de Dillon est disponible depuis le 10 novembre 2017 chez [PIAS] Recordings.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante