[LP] Boys Noize – Mayday

Le plus francophile des producteurs allemands et chef de fil d’une électro tonitruante, Alex Ridha, alias Boys Noize, est de retour avec « Mayday », un quatrième album solo d’excellente facture, dans lequel il s’évertue à convertir sa techno 4/4 en des combinaisons davantage harmonieuses et scintillantes. Au sommet de son art, ce disque se révèle plus complexe et maîtrisé, plus fou et, surtout, encore plus ravageur.

Boys Noize - Mayday

Artisan d’une techno-house imbibée de l’essence du punk depuis le début des années 2000, Boys Noize a toujours vécu comme un dissident au sein de son propre pays, pratiquant une musique qui, en pleine période minimale, sera constamment rejetée et trouvera refuge en France. Sa popularité s’intensifiera au fil des projets, enchaînant les DJ-sets avec Justice, Para One ou SebastiAn. Du coup, do it yourself oblige, il construira en 2005 un label sobrement intitulé Boysnoize Records, qui hébergera ses œuvres sous différents pseudonymes (ex : Housemeister) et celles d’artistes qu’il apprécie, comme les Frenchies Djedjotronic.

Reconnu aujourd’hui comme l’une des figures tutélaires de la musique électronique contemporaine made in Germany – en témoigne son travail avec Jean-Michel Jarre sur le vaste projet de ce dernier, baptisé « Electronica » –, le héros de la célèbre turbine impose son électro écorchée et radicale au monde entier. Son talent sera même réquisitionné, entre deux albums, par Erol Alkan (le maxi « Avalanche »), Octave Minds (super-groupe électro-acoustique avec le pianiste Chilly Gonzales) ou encore Mr Oizo en 2012. Ensemble, ils formeront le duo Handbraekes et dévoileront deux EPs (« #1 » en 2012 et « #2 » en 2014), qui passeront relativement inaperçu malgré un fort effet d’annonce.

Passé en studio avec les Black Eyed Peas et d’autres grosses popstars US, l’artiste renoncera par la suite aux offres de l’industrie musicale, dégoûté par cette implacable volonté d’écrire des hits, au détriment de la possibilité d’offrir un peu d’humanité dans sa musique. Tout cela pour en venir à cette belle constante qui anime sa pratique : la curiosité ! Nous voilà clairement séduits par la diversité et la musicalité qui se dégage de « Mayday ». Finalement, l’avènement de l’année 2016 ne sera pas uniquement synonyme de mauvaise nouvelle, grâce à ce quatrième opus savamment orchestré.

Boys Noize ouvre le bal avec « Overthrow », une puissante frappe technoïde d’inspiration électro-clash, rythmée de samples maltraités. Le titre éponyme assure la continuité en bombardant le dancefloor avec une série de drops et de beats tapageurs. À la différence de son opus précédent et du featuring abscons avec Snoop Dogg sur « Got It », Boys Noize a retenu la leçon et nous invite à réécouter des collaborations audacieuses. On notera l’apparition de Channy Leaneagh, chanteuse du groupe Poliça, sur la pop-house cristalline de « Starchild », ou celle du producteur Hudson Mohawke et du rappeur Spank Rock sur la mélodie aux accents future-beat « Birthday » en conclusion de l’album.

Pas d’inquiétude : les amateurs de techno 4/4 percutante trouveront tout de même leur bonheur avec des morceaux comme « Los Niños », « Revolt » ou « Rock The Bell », clin d’œil à peine déguisé au « Block Rockin’ Beats » des Chemical Brothers. Et si d’autres featurings, en déployant une palette sonore plus classique, frappent dans le mille par leur maîtrise – comme « Dynamite » avec Benga -, nous déplorerons le minimalisme un peu assommant du titre « Euphoria » avec Remy Banks, même si le broken beat légèrement expérimental de « Hardkotzen » redonne du corps au disque.

La force de ce disque réside dans les sonorités qu’il traite, beaucoup plus vastes que par le passé. Néanmoins, cela fera aussi sa faiblesse, face à une partie du public qui trouvera sûrement les hybridations de sa techno bien éloignées du magma électronique auquel il nous a habitués. Il est clair que « Mayday » est une œuvre qui s’ouvre vers d’autres horizons, s’échappant ça et là des affres telluriques pour nous conduire sous d’autres latitudes. Et même si certains seront déçus de la tournure discographique de Boys Noize, cela ne peut être qu’un mal pour un bien, afin qu’il ne s’enferme pas et continue de réjouir les club kids surexcités et autres aficionados du dancefloor.

Boys Noize

Considéré comme l’un des meilleurs DJs européens, de par sa technique et ses lives enflammés, il sera cet été au Garorock, aux Solidays, au Main Square, au Musilac et, bien évidemment, à Dour, afin de vous faire goûter à sa nouvelle armada sonore venue aliéner « cette musique électronique devenue mainstream, avec ces festivals qui ressemblent à des cirques où les DJs jouent tous la même musique ». Vous êtes prévenus !

« Mayday » de Boys Noize est disponible depuis le 20 mai 2016 chez Boysnoize Records.


Retrouvez Boysnoize sur :
Site officielFacebookTwitter

Photo of author

Etienne Poiarez

Étudiant en master d’information-communication à Paris 3 Sorbonne-Nouvelle. Éternel adepte de Massive Attack et passionné de cinéma, d'arts plastiques et de sorties culturelles.