[LP] [Exclusivité] Benjamin Fincher – Santa Lucia

Le producteur Benjamin Fincher est de retour avec « Santa Lucia », un projet à la fois lumineux et entêtant, imbibé d’une aura méditative aux accents futuristes. Composé à bord d’un train traversant les paysages méditerranéens du sud-est de la France, l’album condense neuf pistes développant une electronica déstructurée où les textures numériques et les rythmes syncopés s’enlacent et nous enlacent avec fébrilité.

Benjamin Fincher - Santa Lucia

Créateur d’une électronique alternative, à la croisée du 8-bit, de l’electronica (voir même du folktronica) et du lo-fi, Benjamin Fincher creuse le sillon d’une musique frondeuse depuis 2007 et la sortie de son premier album baptisé « Ellis Island ». Membre du collectif Super Issue, très beau projet à la fois maison d’édition et label, lancé en mars 2016 et basé à Nice, il inaugurera la section musicale de cette machine indépendante et autofinancée avec « Santa Lucia », album-concept qui s’apparente à une B.O rêveuse ayant pour mission d’accompagner chaque voyageur prenant le train qui relie Saint Raphaël, dans le Var, à Cannes, dans les Alpes Maritimes. En bref, « neuf musiques pour neuf gares différentes » comme il l’explique.

Départ de « Santa Lucia (Saint Raphaël) » avec les bips synthétiques de l’horloge d’une gare qui se changent peu à peu en mélodie electronica enveloppante et frénétique. C’est le début d’une véritable chimère sous tension, qui nous emporte vers des paysages solaires. Le casque sur les oreilles, il ne vous reste plus qu’à vous laisser envoûter par les ondulations des machines de l’artiste. « L’île où dort M. Lutaud (Le Dramont) » invite d’autres émotions et d’autres formes, en jouant sur la mélancolie et quelques rythmiques future beat. « Surfin to Agay (Agay) » nous emmène dans les anfractuosités d’un morceau d’abstract hip-hop expérimental. Les harmonies distordues s’acoquinent avec les échos allègres d’une pop diffractée. Au moyen d’harmonies toujours extrêmement riches, Fincher parvient à maintenir en vie un certain sens du rythme, ce qui rend sa musique très directe. Soutenu par des arrangements dignes du meilleur de l’indie pop sur « La maison abandonnée (Le Trayas) », il trace les contours d’une bande-son épique. Nous chevauchons ces montagnes russes émotionnelles en compagnie d’une voix artificielle, redevenant légère et humaine sur « PK 191,3 (Cannes-la-Bocca) », piste finale qui clôt cette constellation de fréquences avec intensité et légèreté.

D’une efficacité redoutable, ses mélodies appellent à la contemplation (de la côte et de ses rivages), à la recherche des « heureuses correspondances » (tout à fait baudelairiennes), qu’il nous invite à croiser sur le trajet de ce disque et, pourquoi pas, sur d’autres voyages. La rencontre entre l’homme et la nature par le biais de la musique nous amène à observer le déploiement d’un album porteur d’une humanité peu commune. La musique reste douce, voire cotonneuse tout au long du disque, pour un ensemble évoluant sous les auspices d’une electronica rêveuse. Elle n’en dit jamais trop ni trop peu, concédant à nos esprits avides de beauté l’ineffable équation de la pureté sonore. Également toujours en quête de l’hybridation adéquate, cet opus témoigne de l’inventivité et de la pertinence de la musique de Benjamin Fincher, à notre époque fragmentaire où se recomposent peu à peu le tissu de nos rêves et nos souvenirs via les outils numériques.

Enfin, dans la présentation de son projet, il ajoute : « C’est enfin pour moi la nostalgie de vacances passées depuis mon enfance à Santa Lucia, petite crique située sur la commune de Saint-Raphaël ». Au fil de l’écoute, voilà qu’il nous guide secrètement dans une introspection sous le soleil de la Méditerranée, à bord d’un projet qui n’est pas sans rappeler celui de Thylacine il y a quelques mois, une dose d’intime, de mer et d’éclaircies en plus. Avec ces neuf pistes accompagnées d’une série de polaroïds, « Santa Lucia » n’usurpe à aucun moment l’adjectif « sensoriel ».

« Santa Lucia » de Benjamin Fincher, sortie le 7 juin 2016 chez Super Issue.


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Etienne Poiarez

Étudiant en master d’information-communication à Paris 3 Sorbonne-Nouvelle. Éternel adepte de Massive Attack et passionné de cinéma, d'arts plastiques et de sorties culturelles.