[Live] Beauregard 2015, jour 3

De retour sur les lieux du crime, après une pluie inquiétante le ciel de Normandie s’est découvert tranquillement. Toujours étrange de voir des lieux déserts : la veille vingt-mille personnes se tassaient pour voir Sting ou The Dø mais là le public éparpillé arrive au compte-goutte pendant les balances.

My Summer Bee - crédit : Gaelle Evellin
My Summer Bee – crédit : Gaelle Evellin

Mountain Men entame le bal avec dix premières minutes sans surprise jusqu’au moment où l’un des deux membres du groupe prend sa guitare pour jouer les arpèges de « Georgia On My Mind » alors que le soleil revient sur la scène. Dans le silence d’or de la foule, le guitariste se met à chanter puis son acolyte s’invite à l’harmonica. On penserait presque au concept « Playing For Change ». Leur blues touchant et ces petites ballades sudistes s’accordent parfaitement avec le soleil et l’odeur d’herbe encore humide. On se croirait en Louisiane.

Un passage à l’espace presse nous fait découvrir Django Django en conférence de presse. Agréablement surpris de leur bonne réception en France, ces anciens étudiants en Beaux-Arts (où ils se sont rencontrés) et architecture (ils en ont d’ailleurs gardé une certaine pratique du design) se confient sur le plateau qui les ferait rêver : Fleetwood Mac, Prince et Uncle John And Whitelock, un groupe de Glasgow qu’ils affectionnent. Peu avares en anecdotes, on apprend même que l’un d’entre eux repasse ses chaussettes pour se vider la tête. De quoi les rendre plus humains à nos yeux.

Pendant ce temps-là les concerts continuent et on arrive en plein My Summer Bee sur la scène John. Pleins d’énergie, on sent le plaisir qu’ils ont à jouer. Ils reprennent le « Smalltown Boy » de Bronski Beat dans un hommage touchant. Au centre de la scène, ce qu’ils appellent le « pôle machine » : tous les synthés sont posés là, comme la matrice de leur musique, à côté du bassiste et du batteur.

Le club des cinq compose des instrumentaux perchés qui feraient presque penser à Spacemen 3 ou parfois Lescop. En tout cas ils nous livrent la bande-son parfaite pour des road trips estivaux. Pour en savoir plus sur eux, vous pourrez prochainement découvrir un portrait du groupe : on peut d’ores et déjà vous dire qu’ils sont très cools…

Le concert de George Ezra, annulé, est remplacé à la dernière minute sur la scène Beauregard par le nouveau projet de trois des Caennais de Concrete Knives, Elecampane, dont l’album est frais d’à peine trois jours ! On a cru un moment entendre une reprise du classique « Wild Thing » dont finalement ils s’inspirent dans une composition personnelle.

Leur formule ; un rock lourd et glamour, fait mouche. Il y a quelque chose de « The Gun » de Lou Reed ou peut-être d’une B.O. de Guy Ritchie. À l’écoute de leur son, on se prend à rêver à son premier amour avec qui on s’enfermerait dans une chambre un dimanche d’été…

Pour Django Django la foule est dense ! Ils commencent par une sorte de medley de leur premier album avant de balancer « Hail Bop ». Le concert est bon et sans surprise mais on regrette peut-être le choix de l’horaire.

Asaf Avidan est lui dans un entre-deux un peu décevant par rapport à d’autres performances plus vives qu’il a pu assurer. Il se donne tout entier, et c’est beau, nous récitant un beau poème en français. Il se livre vraiment. On peut regretter qu’il ne nous fasse pas davantage danser. Ses ballades nous transportent toujours autant mais l’ancienne magie qu’il distillait opère un peu moins…

Beaucoup sont venus pour Benjamin Clementine qu’on ne présente plus. Une violoncelliste s’avance seule et joue, après deux minutes il s’installe pieds nus au piano et chante « Adios ». Il a l’air sur une autre planète et le regard hagard il s’excuse : « I don’t understand what I’m saying ». On se prend à s’allonger sur la pelouse, dans l’attente. On retiendra le véritable sursaut du dernier morceau avec soli de batterie, de basse et évidemment improvisation au piano. En pleine transe, on comprend enfin le sens de l’expression « force tranquille ». Quel dommage que l’alchimie opère si tardivement…

Suivent Étienne Daho, Timber Timbre et Lenny Kravitz. Trente ans après « Week-end à Rome », le public d’Étienne Daho tombe toujours pour le parrain de la french pop, et suit à l’unisson ses textes en français avec une passion intacte.

Timber Timbre quant à eux sont quatre sur scène : la voix ferait penser à un Jerry Lee Lewis ralenti et la partie instrumentale à du Django Django pour certains morceaux. Vraiment très intéressant et prenant, cependant on aurait aimé les voir plus tôt, peu de spectateurs étant restés. Ce fut tout de même une belle performance, riche en émotions, qu’ils livrent avec passion, et cela est très plaisant.

Le beau Lenny Kravitz termine la soirée en déployant son rock à tout va, histoire d’emplir nos têtes de beaux souvenirs…

Le temps du bilan venu, on peut remarquer que, même si peu de gens sont venus jeudi pour la soirée avec Scorpions, les soirées de vendredi, samedi et dimanche ont battu des records. Les organisateurs retiennent le concert de Sting comme le plus marquant de « l’histoire du festival ». En revanche celui-ci, divisé en deux univers distincts, entre la journée et le soir, manque d’aménagements et d’activités qui en feraient un véritable lieu de vie, inconvénient du fait qu’il n’y ait jamais deux concerts en même temps, bien que ce dispositif permette tout de même de véritables et belles découvertes, comme les Mountain Men, que nous n’attendions pas forcément au départ.

Ambiance - crédit : Gaelle Evellin
Ambiance – crédit : Gaelle Evellin

Un bien beau festival, donc, quoiqu’un peu onéreux. Le festival apparaît ainsi plus comme un lieu de passage qu’un lieu de vie qu’on pourrait faire sien le temps d’un long week-end.

Nous tenons à remercier l’organisation du festival et tout le personnel de l’espace presse, qui a été aux petits soins avec nous, et c’est avec plaisir que nous reviendrons pour couvrir les prochaines éditons du festival. En dernier lieu, nous voudrions souligner la grande qualité de sonorisation des groupes : comme le diraient les Mountain Men, « sans intermittents, pas de spectacle ». Merci aux artistes, aux organisateurs, aux techniciens et aux festivaliers pour ces trois jours très riches en découvertes.


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Nils Savoye

Mais de quelle situation cette musique pourrait-elle bien être la bande-son ? Réponse d'un étudiant en histoire.