Le duo de dream pop américain, après deux ans de pause, donne naissance à un projet qui fait mentir son propre nom. « B-Sides and Rarities », avec ses dix ans d’âge, semble avoir été mûri comme un bon vin pour donner à sa cape de compilation toute l’allure et la tenue d’un album aussi cohérent que les coutures d’une gabardine bien coupée.
Après la sortie de ses deux derniers albums, « Depression Cherry » et « Thank You Lucky Stars », offerts au public comme une fulgurance créatrice à quelques mois d’écart seulement, le groupe de Baltimore s’est accordé une petite pause de deux ans. L’interlude est habituel, puisque c’est généralement le temps qu’il faut à Victoria Legrand et Alex Scally pour murir un projet (si ce temps s’est étendu à trois ans entre « Bloom » et « Depression Cherry », c’est bien parce que ce dernier n’est pas arrivé seul). En horloges bien réglées, les deux artistes reviennent donc en 2017 avec la sortie d’une compilation, qui mêle à dix cuts rares et inédits, deux morceaux jusqu’alors inconnus du grand public, « Baseball Diamond » et « Charriot », une reprise de Queen « Play The Game » et un remix.
Si la compilation devait tenir de ce qui caractérise habituellement les faces B des singles, ce serait parce qu’elle n’offrira aux oreilles des habitués rien de bien nouveau. Ce qui n’est, en soi, pas étonnant puisque chacun des morceaux qui la composent ont été tissés en même temps que les différents albums ayant rythmé l’avancée du groupe de dream pop. Aucun morceau ne sort vraiment du lot, y compris les deux inédits, « Chariot » n’étant pas sans rappeler l’atmosphère de « Days Of Candy » et « Beyond Love » tandis que « Baseball Diamond » semble, avec moins d’éclat, suivre les contours du même moule que « Somewhere Tonight ». Et pourtant…
…Beach House ne déçoit pas. Avec cette compilation, le duo crée une sorte de chapelle où sont rendus de très beaux hommages à ses différents albums. Bien que les morceaux soient placés dans un parfait désordre chronologique, chaque morceau permet de tracer une carte de l’évolution subtile du groupe : tandis que « Rain In Number », écrite en 2005, joue sur un piano discret et la voix noyée sous une chape de coton de Victoria Legrand, « Baby », écrite en 2009, suit déjà les courbes synthétiques et mélancoliques qui feront le style si caractéristique du duo. La version 2008 de « Used To Be » permet de découvrir, deux ans avant la sortie officielle du morceau sur l’album « Teen Dream », une instrumentation plus sombre et plus dense, laissant moins de place à la voix. Tous les morceaux de la compilation sont d’ailleurs des projets qui entourent les albums du groupe. Autour de « Bloom », par exemple, « Wherever you go » a été dissimulé sur l’album en morceau caché et « Equal Mind » relégué sur la compilation car son tempo était trop similaire à celui de « Other People ». L’ensemble est tout simplement époustouflant de beauté, équivalent à tous les travaux précédents du groupe. On y retrouve sa patte, ses loops mélancoliquement joyeux, ses rythmes languissants et ses textures synthétiques.
La cohérence de la compilation lui donne de très beaux airs d’albums, dans l’attente, peut-être, d’un renouveau stylistique ou comme un signe, léger, d’au revoir à un passé encore proche. Dans l’anatomie en construction de Beach House, aucun organe n’est moins important que son prédécesseur : raison pour laquelle, sûrement, chacune des petites veines qui nervurent « B-Sides and Rarities » semblent à présent si essentielles.
« B-Sides and Rarities » de Beach House est disponible depuis le 30 juin 2017 chez Sub Pop et Bella Union.
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