[Interview] Annabella Hawk

Le trio Annabella Hawk s’est penché sur l’épaule d’indiemusic à sa sortie de scène en juillet dernier à Beauregard tandis que nous nous penchions sur sa carrière sensationnelle et ascensionnelle. Annabella n’y est pas allée mollo dans ses monologues pour nous éclairer sur cette montée du groupe piqué au covid pour le meilleur et pas pour le pire. Car c’est avec pugnacité et sans relâche que la formation travaille, étudie, apprend, ajuste, s’aventure, prend des risques et transforme tout ce qu’elle touche en or. Son dernier clip s’appelle « SICK ». Nous on dit sic pour continuer à la voir et « Seek & Destroy » pour l’entendre encore et en corps. Hawkey Doky pour vous ?

crédit : Justine Labbé & Hawk’s Mind
  • Bonjour Annabella, Maxime et Rémi. Annabella Hawk est-il en trio depuis la genèse du groupe ?

Maxime : En fait, c’est le projet d’Annabella et on s’est rencontré un peu avant la sortie du premier EP « HUNT », en travaillant sur le mix de « Forest Fire ».

Annabella : C’était en 2019. Au début, j’étais avec le beatmaker caennais Don Load. J’étais juste avec une petite guitare. Benoît Lepetit, qui a un studio Arkaya à Caen et qui est plutôt dans le rap et le reggae avait envie de changer un peu de projet. C’est lui qui a enregistré, mixé et masterisé l’EP.

Mais moi, je ne pouvais plus être qu’avec ma simple guitare, il fallait passer au niveau au-dessus. On s’est rencontrés, on a fait trois chansons qui étaient très soul music au début, qui sont sorties très tard alors que moi j’étais déjà dans une phase électro. Je savais vers quoi je voulais tendre. S’en est suivie la rencontre avec les premiers musiciens lors d’une jam en province. Je cherchais des musiciens pour réinterpréter des morceaux que j’avais en boîte. Et tournée. J’ai fait une formation Start & Go à la musique live, la radio, les réseaux et tout le reste. Ce qui a en a découlé sont un coaching scénique et une résidence au Cargö. Là, on a vraiment bossé le live à fond. C’était juste avant le covid.

La première année a décollé très vite. Au début, j’accompagnais aussi en backing Coeff, un groupe de rap caennais, c’était à l’occasion de leur album « X-Files » et je les ai accompagné sur scène lors d’une petite tournée locale. Et après, j’ai pris confiance en moi pour développer mon projet. J’ai alors rencontré mes premiers musiciens à Caen lors d’une jam organisée par le collectif Kroma Tick Krew. J’ai tourné deux ans avec ces musiciens avant qu’ils décident de changer de voie. Moi j’ai persévéré, notamment avec Kiper Sonus, qui est l’un de mes compositeurs. Et quand il a fallu mixer mes premiers sons, Maxime Lunel est arrivé dans l’équation et a apporté sa touche ; un peu de prod sur un mixage sur le morceau qui s’appelle « Forest Fire » ; c’est celui qui a ouvert le set cet après-midi.

J’ai composé ensuite d’autres morceaux avec Kiper Sonus. Il me fallait des musiciens. Pendant le Covid, on a enregistré un EP de quatre titres au Studio Mastoïd, qui est le studio de Maxime. On a continué finalement à travailler ensemble comme ça. Changement de musiciens et Maxime a répondu présent en mars 2022. On a des chansons nouvelles qu’on joue maintenant dans les live et qui n’existent pas encore sur les plateformes. Maxime a demandé à Rémi s’il était chaud pour rejoindre ce projet et visiblement oui (rires). Donc là, on a déjà plusieurs dates à notre actif, Beauregard étant la sixième. Avec un tout nouveau set, tous les trois.

Rémi : J’ai joué avec Maxime il y a un certain nombre d’années. Il m’a appelé pour faire partie du projet. J’ai été totalement d’accord (sourires).

  • Vous êtes tous Normands ?

Annabella : Je suis Parisienne à la base mais j’habite à Caen depuis au moins sept années.

Maxime : Moi je vis à Langrune et à Aubervilliers. Cela fait cinq ans que je viens dans la région et je fais toujours des aller-retour avec mon studio à Paris. Donc là, le groupe s’installe. Il y a des premières dates.

Annabella : C’est la continuité de l’après-Covid. Il y a des dates qui ont été reconduites comme pour Papillons de Nuit ou Beauregard. D’autres hélas ne sont pas revenus vers nous puisqu’ils ont changé leur programmation. Je sais qu’aujourd’hui il y a encore des bouchons aussi, qu’il faut avancer. Il faut que je sorte de nouvelles choses. Je suis toujours là, je bosse depuis le début encore, on espère bien continuer ! On a bouclé l’année.

crédit : Justine Labbé & Hawk’s Mind
  • Tu dis Annabella que tu n’as pas arrêté de bosser. Tu évoques dans une des chansons un « breakdown ». Pas un burn-out, mais en tout cas un gros coup de mou. C’est quelque chose de complètement autobiographique.

Annabella : Ouais, complètement. On est beaucoup à vivre ce truc-là et j’essaie de faire des chansons qui puissent parler à beaucoup de gens.

Maxime : Avec des intensités diverses et variées. J’imagine. On a conçu et surtout avec le Covid, il y a eu des hauts et des bas tout le temps. C’est vrai qu’aujourd’hui, en 2022, faire de la musique, ça demande beaucoup de sacrifices, beaucoup d’ambition pour continuer à tenir parce que les conditions sont quand même difficiles. Un projet en développement, ce n’est pas évident, mais on le fait avec beaucoup de plaisir. On a parlé des nouveaux morceaux, on les a arrangés aussi pour le live. On voit les directions qu’on va pouvoir prendre après sur la suite des arrangements et le studio. Beauregard cet été nous a permis de tester une grande scène, de grosses basses, les grosses guitares que l’on a, les batteries, les claviers, les voix… Cela nous a donné plein de beaux repères pour la suite.

  • Ce qui est ressorti de façon flagrante à Beauregard, c’est non seulement une richesse d’écriture, une richesse lyrique, vocale, de paroles, d’instrumentations et de présence scénique. C’est un projet qui semble totalement travaillé pour la scène.

Annabella : C’est vrai que dans mon écriture, j’ai souvent pensé à « Comment ça va être en live ? ». Comment je veux le montrer, comment je peux faire, est-ce que ce que je vais bouger comme ci ou comme ça. Même à la maison, j’y pense maintenant. Je ne compose pas qu’en pensant au live, mais tu vois à Beauregard à la toute la première partie du set, j’étais plus posée, plus deep. Et la deuxième partie était plus pensée live, avec des réinterprétations des titres de l’EP qui maintenant là sont plus solaires, avec un peu moins d’électronique. Et puis d’autres morceaux où l’on a envie de balancer une claque, on saute tous ensemble. J’aime le côté participatif. Ce n’est pas parce que je suis sur scène que je suis autre chose qu’une humaine. On essaye de se connecter. J’ai des émotions pareilles… Pour tenir, il faut avoir toujours des choses à se dire.

  • C’est un projet qui, sur scène donc, apparaît extrêmement cohérent et extrêmement riche. On peut passer de moments extrêmement apaisés, calmes, à des moments presque tribaux. Le morceau qui clôt le set, c’est un feu d’artifice, c’est presque punk ! (rires)

Maxime : Justement, pour reprendre ce que disait Annabella, c’est justement en testant cet univers de festival qu’on se dit « Ah, il faut que l’on continue un peu ces morceaux un peu plus sales, un peu plus vénères. » Déjà parce que ça marche bien déjà et c’est aussi ce qu’on aime aussi écouter… On a envie un petit peu d’aller vers ça… On a même imaginé une espèce de fusion qu’on aurait envie de développer. C’était des choses qu’on écoutait ou dont on discutait beaucoup ensemble avec Annabella.

Annabella : J’ai l’impression que j’ai – mais comme beaucoup – deux visages. Voire une tonne. C’est ce qu’on voit dans le live dans l’émotion et dans les moments « sérieux ».  Et puis on s’éclate, c’est très hybride, parfois hip-hop, soul, rock, le tout avec des nuances électroniques. C’est très solaire à des moments, et à d’autres, on plonge ensemble. Et ça, c’est moi aussi. Donc j’essaie d’être à fond tout le temps !

crédit : Justine Labbé & Hawk’s Mind
  • Sincères et sortant de vos zones de confort finalement, en allant chercher des choses, en allant chercher les gens ?

Annabella : C’est tout à fait cela. Je ne me contente pas du tout un style. Je fais par rapport à l’émotion que j’ai, par rapport à ce qui me branche. Des fois, je compose juste avec une batterie.

  • Qu’est-ce que vous allez retenir de cette première grosse scène avec Beauregard ?

Maxime : Pour moi, c’est le public ! De voir les gars jumper salement sur les deux derniers morceaux, j’ai trouvé ça trop qui kiffant, ça donne la banane.

  • Et toi Rémi, comment l’as-tu vécu ? Caché un petit peu derrière ta batterie, mais avec quand même une fenêtre pour voir ce qui se passait devant toi.

Rémi : Haha, de toute façon, moi je suis souvent caché derrière ma batterie, mais je vis les trucs tout pareil. Je suis surélevé donc je vois l’étendue du bazar. C’était incroyable de voir autant de monde en terre inconnue avec nous. C’était une vraie salle de jeu.

Annabella : Moi, je suis très contente de jouer sur de grandes scènes parce que j’aime beaucoup me déplacer, comme je l’avais fait à Papillons de Nuit et pas mal de SMAC. Une chance que j’ai eue aussi, c’est que je n’ai pas du tout eu à faire des bars avec mon projet, comme j’ai pu faire vers mes 14 ans, seule ou accompagnée avec ma guitare. Je suis contente que tout le travail que j’ai mis dans ce projet porte ses fruits. Je ne me dis pas que c’est mérité. Mais je suis fière de montrer cela à autant de personnes. J’espère pouvoir faire encore plus de live et rencontrer encore plus de gens.

Maxime : On a presque envie de pouvoir faire ça tous les soirs. C’est vrai que là, avec ce qu’on a donné comme énergie aujourd’hui, tu vois un peu aussi ça. C’est hyper formateur en fait ce type de scène parce qu’il faut aller vite. Tu vois aussi ce qu’il faut retravailler. Ce travail, tu as envie de le remettre direct le lendemain pour corriger. Boum, tu t’améliores de dix pour cent et ainsi de suite jusqu’à être complètement satisfait de ta performance.

  • Donc une première expérience lourde pour un projet qui est lourd déjà. Donc ça, c’est cool ! Quelle est la suite ?

Annabella : Sortie de « SICK », le deuxième clip de l’EP, à venir de nouveaux titres, des vidéos avec des versions différentes de ce qu’on peut jouer en live ou de ce qu’il y a sur une plateforme. Voilà, j’ai plein de projets en tête pour donc dire que je suis toujours là, que l’on continue, qu’il n’y a pas de relâche, quoi ! On est à fond et on j’espère avoir encore plus de live pour partager encore plus tout cela.


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Nicolas Nithart

grand voyageur au cœur de la musique depuis plus de 20 ans