[Live] A Rainmaker dans la cour du Commerce Saint-André

A Rainmaker. Comme un proverbe tronqué, acteurs de la pluie et surtout du beau temps par ici. Modestie du titre donné, contrairement à tous ces « The », un « A », indéfini à l’origine mais qui marquera les mémoires de chacun par une démarche artistique changeante et au poil. Après deux EPs prometteurs à leur actif – « Rwenzori » en 2013, « Sunbelt » en septembre 2014 – le club des cinq se réunissait ce lundi 17 novembre dans un lieu tenu secret.

A Rainmaker - Sunbelt Release party

Enrôlés depuis deux ans et demi dans leur aventure musicale, les cinq acolytes faisaient une release party sous forme de concert privé dans un lieu aussi classe que leur musique : un dimanche à Paris. Sortis à Odéon, passés un grand porche, on erre dans la cour du Commerce-Saint-André jusqu’à passer devant ce lieu agencé spécialement pour l’occasion. Arrivés trop tôt, on peut faire un tour dans le quartier et se perdre dans ses ruelles hors du temps. Arrivés à l’heure, on peut débouler au milieu de cette petite fête secrètement organisée dans un lieu volontairement intimiste. Cinquante personnes, tout au plus, sont venues assister à la performance. Pierre de taille, lustres de verre tentaculaires. Notre regard s’arrête sur quatre lumières sphériques aux couleurs pastels. La méditation peut commencer avec une entrée en matière très douce et lancinante.

crédit : Antoine Netter
crédit : Antoine Netter

De même qu’il y eut des romans initiatiques, en ce lundi 17 novembre, la musique se charge de notre éducation spirituelle. Sont cités sur leurs pages les piliers d’une French Touch sophistiquée : Phoenix ou Air. Nous serons sans doute plus classiques quant à ce que nous évoquent ces guitares brumeuses, ce départ qui s’étire dans le temps. Pink Floyd. Mais si ! La six cordes aérienne, les cymbales brouillant les pistes, la basse montante puis descendante qui s’impose à nous. Un frisson, un ange passe. Le moment est juste et parfait. La musique se construit devant nos yeux ; c’est magnifique.

Titre suivant. Les barrières sont tombées. Parfaite impression tout au long du concert de n’avoir affaire qu’à un unique morceau, une trame. Ici, le décor est sublimé par une batterie – sans doute un peu forte mais c’est monnaie courante dans les espaces restreints – faisant barrage jusqu’à sa fracassante libération. C’est à ce moment précis que tout concorde. Ensemble, ils s’évadent. La guitare impose son lyrisme funk à la Nile Rodgers. Elle semble être la rationaliste de la bande, celle qui remet la musique les pieds sur terre, là où « idéalisme » serait le maître mot d’A Rainmaker. Eux qui distillent une pop lancinante, eux et leurs envolées instrumentales à la Supertramp. Le public ne souffle pas. Il est géant, il siffle. L’ambiance est peut-être un peu convenue du fait du lieu, mais l’intimisme qui le caractérise fait que ça fonctionne. Le public est pris, ne danse pas forcément mais semble aspiré dans ce dédale pluvieux.

crédit : Antoine Netter
crédit : Antoine Netter

L’harmonie est là, tout concorde ; cette musique qu’on pourrait croire dans la nébuleuse, peut-être se cherchant un peu, sait exactement où elle va. Une promiscuité en émane, dans cette sensualité affirmée ; on pourrait presque écouter ça tous à poil, dans une ambiance un peu sixties, décalée en tout cas. Et on nous conforte dans cette idée quand on nous explique à nous, l’audience, la matrice d’A Rainmaker. Stripping Dawn, cette aube qui se dénude, qui défait la nuit. La chanteuse, Capucine, une charmante boule à facettes, nous raconte l’histoire de cette chanson. En Croatie, les cinq joyeux lurons passent leurs vacances. Sans doute sur une île, sans doute au soleil, sans doute dans un état second grâce aux deux premières conditions et peut-être d’autres qu’on vous laisse imaginer. Ca respire la joie de vivre, et dans ce terreau fertile, un des membres vient présenter une maquette : c’est « Stripping Dawn ». Et là, cette mise en bouche textuelle introduit parfaitement le morceau très émouvant qui suit.

« Sculpte, lime, cisèle :
Que ton rêve flottant
Se scelle
Dans le bloc résistant ! »
Théophile Gautier, L’art

C’est ce qu’il advint en cet été (sans doute 2012) pour A Rainmaker. Une étoile est née, comme qui dirait. Mais revenons à ce live, à cette musique qui semble être l’expression d’une forme de confusion, à cette voix faussement à bout de souffle. Revenons, avant qu’il ne soit trop tard, à cette finition majestueuse, ce mini-bœuf, ce veau si vous préférez, où les acteurs se lancent des regards en toute intelligence. Ces yeux qui ne se disent rien d’autre que « Vas-y, continue à faire monter la pression », pleinement conscients de la destination finale de chaque parcelle de cette musique, totalement maîtres du déroulement du temps et de ses mélodies.

crédit : Antoine Netter
crédit : Antoine Netter

C’était donc une très belle performance à laquelle nous avons pu assister. Le choix du lieu, l’arrangement sonore, la disposition et le décor minimaliste de l’espace en ont fait un doux délice, même si ce dernier fut court. Si leur musique paraît déjà très séduisante en studio avec un enregistrement qui semble millimétré, elle monte d’un degré supplémentaire en concert, montrant une maîtrise certaine du sujet. Bref : si vous en voyez l’ombre aguichante d’A Rainmaker dans une salle située à moins de cent bornes de votre doux couchage, faites un détour, vous en sortirez plein de sang neuf.


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Nils Savoye

Mais de quelle situation cette musique pourrait-elle bien être la bande-son ? Réponse d'un étudiant en histoire.