[LP] Zéro Degré – Rituels

Entre douceur instrumentale et vérités amères de la perte de l’innocence, de la solitude et de la douleur, Zéro Degré nous offre un album crépusculaire mais pourtant teinté d’une émotion rare et laissant augurer, au-delà de sombres nuages, un destin plus bienfaiteur et rassurant.

Des litanies. Des histoires du quotidien, murmurées, parlées, assénées telles des coups dans le torse et sur le visage. Dans une délicatesse musicale perdue entre la folie et la mélancolie, Nicolas Tochet, alias Zéro Degré, observe, constate, regarde et lit. Beaucoup. À voix haute. Des textes à la température proche de gelées du cœur et de l’âme, bribes d’expériences sans cesse ressassées, revécues, traumatisantes et cherchant l’exutoire. La bile noire d’un ego malmené par les épreuves et les relations, la nausée de l’abandon ; mais « Rituels », ces gestes qui réconfortent, qui nous forcent à nous lever et à errer parmi nos semblables, est un livre de prières autant que de confessions ; une manne inépuisable de la cruauté et de l’impact qu’elle suscite en notre for intérieur, avant d’être recrachée dans une sensibilité paradoxale au premier abord, mais finalement rare et exceptionnelle.

Sortir, voir du monde et se noyer dans la foule. « Deuxième essai », tant discographique que volontaire, pour parvenir à ses fins ; à celles qui peuvent nous permettre de nous exorciser ou, au contraire, devenir un éternel recommencement. Douleur de la tentative, peur de sa conclusion, au milieu de cordes et d’un rythme lancinant et envoûtant. « Rituels » demeure, tout au long de ses quarante minutes, sur le fil du rasoir : « Derrière tes airs songeurs, la lassitude se dévoile vite », nous confie-t-il sur l’amer et réaliste « Une attendue rencontre » ; le déclin du couple dans toute sa grandeur et sa décadence. Plus loin, « Le rituel » embrasse la tristesse, la considère comme seule et unique source de réconfort. Aucun Pathos gratuit ni complaisance dans la plainte, chez Zéro Degré ; simplement, des repères que nous connaissons tous mais dont nous avons honte, que nous gardons pour nous de peur d’attirer la pitié ou la moquerie. « La nuit » part en quête de l’inconnu et du mystère de la révélation, alors que « Sortir » devient aussi vain que violent, l’ambiance se faisant pesante et foudroyante. « C’est trop tard pour la négociation » nous foudroie sur le magnifique et exutoire « Il fait jour et tu es dans le noir » ; là où l’étrangeté se meut en vérité, avant de conclure grâce à « Au dehors », support de guitares, batterie et claviers incitant à la révolte. Il n’est jamais trop tard.

Des gestes, des sensations, des lumières dans les ténèbres ; tous ces « Rituels » qui nous empêchent de boire la tasse et le poison malgré l’appel du large, le chant de sirènes carnassières et vengeresses. Zéro Degré signe la catharsis ultime, l’incomparable splendeur de nos échos intimes les plus inavouables, du moins à nos yeux. Un flux de sensations à la fois intrigantes et rassurantes, que l’on n’oubliera pas de sitôt.

crédit : Charlène Royer Photography

« Rituels » de Zéro Degré est disponible depuis le 3 novembre 2017 chez We Are Unique Records / La Souterraine.


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Raphaël Duprez

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