[LP] Awir Leon – Giants

C’est le regard dans les vapes, les yeux hagards et plongés dans le vert obscur dans sa pochette qu’Awir Leon nous présente son premier album « Giants », où dix tessitures électro-pop s’animent dans une sphère d’humeurs aérostatiques et généreuses. Nous ne résisterons pas longtemps. Il nous faudra si peu de temps pour être ensorcelés, si peu d’efforts pour se lover dans l’embrasure magique de ces géants fumeux.

Awir Leon - Giants

« Ces géants sont autant d’espaces extérieurs qu’intérieurs », nous explique Awir Leon. « C’est l’humilité que tu ressens en face d’une montagne, de l’océan, de différentes réalités, en face de la maladie, de la grandeur. C’est cette humilité qui peut faire de nous des géants. Mon intention de base, qui a été le moteur de cet album, était d’être le plus honnête possible, de vraiment raconter mon histoire personnelle sans aucune concession. » En quelque sorte, cette métaphore de la grandeur a pour effet de réparer les vivants dans leur acceptation et leurs combats de tous les jours, et par la même occasion, de rendre sa musique accessible. Le fond et la forme de « Giants » s’imbriquent totalement, se fondent l’un avec l’autre. De ce fait, ses intentions deviennent universelles et rendent la musicalité de l’album accessible, dans le sens où celle-ci aurait bien pu se perdre dans un bouillon trop expérimental pour être appréciée. Même si elle n’a pas été complètement préméditée par son auteur, cette justesse a le mérite d’être applaudie, surtout dans le règne actuel de la pseudo-sincérité musicale qui s’affirme uniquement pour faire valoir la souveraineté des chefs du prêt-à-écouter. L’humilité qu’Awir Leon veut retranscrire dans son album est en réalité son humilité, sa modestie.

Au-delà de ces riches intentions, « Giants » étonne par une production tirée au cordeau et un afflux de préciosité plus qu’honorable pour un premier album. Mais rien ne prédestinait Awir Leon à de telles sonorités : « La musique électro n’est pas ma base, je viens plutôt des instruments acoustiques et du songwriting. J’ai appris le chant, le piano, la guitare, la batterie et les percussions avec ma famille dans le nord. Mais quand j’ai déménagé sur Paris, je n’ai pas pu emmener d’instruments avec moi. J’avais par contre un vieil ordinateur sur lequel j’ai commencé à trifouiller. Je venais alors de découvrir J Dilla, Madlib, Flying Lotus, Mount Kimbie et je me suis laissé séduire par le beatmaking. À la base, je me suis uniquement basé sur le sample, puis au fur et à mesure je me suis intéressé aux textures plus électroniques. » C’est ainsi que la base musicale de l’album prend racine dans des sables anglo-saxons que James Blake, SOHN ou encore Chet Faker ont foulés bien avant.

Néanmoins, parce que les comparaisons ne sont jamais très bien fondées, Awir Leon envoie avec singularité et éloquence des beats d’une répétition abyssale, en écho permanent, toujours coude à coude avec le genre ambient qu’il côtoie. Sa voix, quant à elle, bat la mesure dans des sonorités pop (« Sitting So High »), se voit même transformée (« Falls ») ou carrément embarquée dans le tourbillon analogique (« Fiddle »). En ce sens, sa musique coagule, suit une chronologie des rêves où les mêmes actions se succèdent à la chaîne, dans une course effrénée, jusqu’à ce qu’elles deviennent habituelles en nous rendant enivrés et abasourdis. Et à force de persévérance, d’expériences subies, elles deviennent notre addiction, notre drogue chimérique.

crédit : William Kerdoncuff
crédit : William Kerdoncuff

« Giants » de Awir Leon est disponible depuis le 14 octobre 2016 chez Nowadays Records.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante