[LP] Ray LaMontagne – Ouroboros

Les cieux sont des mystères. Labyrinthes de vapeur, d’éblouissement et de vide. Dans leur profondeur gravitent des planètes, des mondes et des incertitudes. De quoi nous rappeler que nous sommes si petits. Petits face à l’immense. Petits face au vertige. C’est dans cette atmosphère incertaine que Ray LaMontagne délivre son cinquième album.

Ray LaMontagne - Ouroboros

Le songwriter américain est un caméléon des musiques. Depuis plus de dix ans, il avance à travers les genres, les rencontres et les expériences. Se nourrissant de folk, de pop et de rock, Ray LaMontagne établit des albums aux contours si différents, mais à la richesse si débordante.

« Ouroboros » est son cinquième disque. Référence au perpétuel retour. Celui où le serpent se mord la queue. Celui du cycle de l’évolution clos. Huit titres divisés en deux parties, comme la queue et la tête. Comme l’union de deux parties. Ou serait-ce la scission ? L’éclosion. Ainsi, Ray LaMontagne balaie nos doutes et nos questions. Il construit un monde aux éléments troubles, aux réponses fuyantes dans un infini cosmos. Il y a, là, l’idée de l’espace et du temps. Il établit un monde incertain qui permet la perte et l’onirisme. Sous nos pieds et sur nos têtes, les limites s’enfuient. Les titres s’installent dans le temps. La musique défile sur les minutes. Transe anodine et lyrique. Laisser aux instants qui passent l’impulsion. Ray LaMontagne va chercher, dans le temps, l’envoûtement. Autant tétanisant que libérateur, « Ouroboros » laisse la musique flotter à travers les vides profonds. De cette manière, une brume épaisse traverse l’album, telle un fil d’Ariane vaporeux. Une musique enveloppante et engouffrante se pose comme décor, se suit et se dépasse, titre après titre. Mystique et électrique. Insaisissable et orageuse.

Dans cet espace-temps percutant, Ray LaMontagne façonne par le psychédélique le rock, la pop et le folk. S’ensuivent des échos sombres et électrifiés. La musique s’empare d’une texture nébuleuse et pourtant si glaciale. La musique est un ensemble. La musique est un tout. Elle se dresse et surplombe par sa commune identité. Il y a ici quelque chose de l’ordre de la puissance. Elle est la vague et l’incendie en même temps. Forte, gracieuse et dangereuse. Elle permet l’apnée jubilatoire. Parmi cet ensemble, le chant avance tel un serpent. Au contact de la musique, en glissant sur les mélodies, il se répand à travers le nuage cosmique. Il y a là quelque chose de pénétrant et de langoureux. Puissant venin. Ray LaMontagne chante l’éveil et sa voix éclot. Une fleur rare dans les brumes des jardins interdits.

« Ouroboros » s’ouvre avec le puissant « Homecoming ». La voix fantomatique, quasi biblique, part combattre la tension, installée par la musique des premiers instants. Ascendant. Descendant. Le chant s’affirme comme l’effluve sage et légère. Après la fin. Avant la fin. Huit minutes pour appréhender l’écho et atteindre la renaissance. Suivra « Hey, No Pressure », envolée fougueuse et groovy qui porte un timbre si sensuel. Ray LaMontagne construit une atmosphère nonchalante et incandescente. Au fil de ses premiers morceaux, il joue de nos sens, de nos attentes et s’offre dans un certain voyage dans l’inattendu.

La deuxième partie débute avec le tendre « In My Own », qui deviendra entêtant. Il porte la profondeur et l’aérien. Tellement cosmique. Là, le chant s’appréhende comme on appréhende le divin et l’apesanteur. Ray LaMontagne a l’art d’établir la fragilité et de la sublimer par la noble sensibilité. Il dresse un titre fait de pureté et de délicatesse. Lueur après la tempête. À cette image, « Another Day » porte les traits canoniques. Puis, peu à peu, continuant sa course dans la boucle sans fin, Ray LaMontagne revient subtilement aux notes de guitares résonnantes et pénétrantes. Il donnera à la musique toute sa place avec « A Murmutation of Starlings ». Telle l’apogée calme, « Wouldn’t It Make A Lovely Photograph » clôt l’album avec apaisement. L’idée de photographie apparaît alors comme l’instant capté, le mouvement devenu image fixe. De nouveau, Ray LaMontagne s’inscrit dans un espace et dans un temps. Fin d’un cercle, qui ne tend qu’à recommencer.

crédit : Brian Stowell
crédit : Brian Stowell

« Ouroboros » s’écoute de cette façon, à l’infini. Ray LaMontagne nous propose un parcours musical et initiatique dans un cosmos orageux, mais qui se connaît aussi calme. Huit titres en deux parties, pour approcher la renaissance et l’obscurité dans laquelle elle prend racine.

« Ouroboros » de Ray LaMontagne est disponible depuis le 4 mars 2016 chez Stone Dwarf LLC.


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Juliette Durand

étudiante en cinéma, arpenteuse des scènes parisiennes et passionnée des musiques qui prennent aux tripes