[Live] Festival les inRocKs 2014 – Stereolux

Pour sa 27e édition, le festival des inRocKs, en partenariat cette année avec Philips, est resté fidèle au public nantais en délocalisant sur le Grand Ouest parmi le meilleur de cette cuvée 2014 terriblement bien assemblée et équilibrée. En deux soirées éclairs et brillantes, le rock a côtoyé la dream-pop et l’électro dans une salle du Stereolux sold-out, attentive et en suspens devant huit groupes concentrés et concernés prêts à donner le meilleur d’eux-mêmes. Parce que la Province (aussi) le vaut bien.

Baxter Dury
Baxter Dury

Le bon millier de spectateurs venu le 15 novembre au premier acte de ce rendez-vous musical nantais, dont la légitimité tient autant à la qualité de la programmation qu’à l’accueil chaleureux et à l’assiduité du public, ne mettra pas longtemps à se réchauffer des premiers frimats hivernaux venus envelopper l’ancienne capitale de la Bretagne.
Avec une soirée entièrement dédiée au rock dur, sale et speed, ce samedi aura été marqué au fer rouge par la succession de quatre groupes-locomotives lancés à pleine vitesse.
Sans aucune autre forme d’échauffement que des riffs de guitare diabolique ricochant sur les murs bétonnés et métalliques de ce micro-ondes géant qu’est la salle du Stereolux, le jeune Benjamin Booker a survolté l’assemblée tout au long de son court set, tel le Hendrix des hôtes de ces bois. Extension naturelle du corps du musicien venu tout droit de la Nouvelle-Orléans, la Gibson empreinte de blues, de rock, de soul et de grunge a vociféré des notes rebelles torturées par une batterie en sur-régime. BB est un king de la gratte et son chant n’est pas en reste, tel un Kravitz qui aurait bouffé du Strokes ou un black qui aurait une voix de blanc. Torsions, distorsions ; en 30 minutes chrono, Booker aura bouclé une prestation électrique quoique pas trop éclectique. Le benjamin de la classe en a assurément. À suivre.

Benjamin Booker par Fred Lombard

Oh well, voici The Orwells ! Les gamins sont attendus de pied ferme avec une réputation de branleurs et de fouteurs de bordel sur scène (et pas que). En semi-ébriété, le quintet ne donnera pas dans la sobriété sur scène. Avec une raw power saupoudrée de Hives et de Strokes, le tout est compact, efficace, incisif, sans fioriture. La basse chaloupe tel un bon vieux titre punk de Joe Jackson, Mario le chanteur fait le mariole et hurle tel un Franck Black affamé, les guitares lorgnent vers des sons indie rock des années 1990. Une sorte de melting-pot des sons rock de ces 20 dernières années , tandis que les Américains se font des potes avec leurs titres despotes qui dépotent. Sans respiration et tout en transpiration, le leader des Orwells débite les titres à gorge déployée et salue lors du final les Nantais encore occupés à pogoter.

The Orwells par Fred Lombard

Puisant leur inspiration dans le meilleur des 90’s (voire plus), les Parquets Courts ne l’auront pas été durant leur set tout aussi épileptique que trivial, avec des envolées de pêches que vous vous prenez en pleine figure. Chantant démocratiquement à trois, les juvéniles Ricains, tout ébahis de jouer en France, enchaînent des morceaux courts, punkisants, monosyllabiques, entraînés par le martèlement d’une batterie domptée par une jeune créature aussi filiforme que vigoureuse. Sa poitrine remue allègrement à chaque coup porté sur les toms, on ne sait plus à quel sein se vouer. Le groupe joue ses titres peinard, prenant même le temps de s’allumer une clope et d’ouvrir une bouteille de mauvais vin italien qu’il va partager avec le public. Une guitare avec slider en profite pour nous enivrer sur des sentiers plus country où les esprits commencent à se perdre. Where is my mind? Les premiers rangs font un bras d’honneur à la sécurité en improvisant un gros chahut que ladite sécu – qui en fait des tonnes – ne parvient pas à canaliser. Les lames de fond de Parquets Courts en auront fauché et botté plus d’un ce soir-là !

Parquet Courts par Fred Lombard

À peine le temps de remplir son godet de bière qu’un « hello » déchire la nuit, en préambule à un concert tonique et unique que les Palma Violets se sont visiblement décidés à nous donner. Dégaine du chanteur à la Doherty version pantalon feu de plancher qui va mettre la place on fire, hystérie libertine ; les Anglais sont venus excuser leur lapin de l’année dernière avec un boogie rock énervé, alcoolisé et aromatisé au Clash. Le bassiste défie le public, s’emmêle les fils, se casse la gueule mais ne se défile pas. Même pas mal. Tout est maîtrisé, mais le groupe n’est pas maîtrisable ; le roadie constamment sur scène devient par défaut le cinquième membre du groupe.

Palma Violets par Fred Lombard

Le clavier qui n’a de rouge que ses cheveux reste paradoxalement imperturbable, comme pour tempérer et excuser la furie qui se déchaîne à ses côtés. Les Palma nous auront fait un vrai show. « I wanna be your best friend » éructent-ils après à peine 25 minutes de concert, mais ce n’est pas comme cela que l’on va être copains. Vraie frayeur et fausse sortie, le groupe revient pour quatre derniers morceaux tandis que le bassiste saute comme un jeune coq avec de l’énergie en stock et que le chanteur assène ses décibels avec son allure de clochard.


Les concerts du dimanche seront une autre paire de manches avec quatre groupes à 180 degrés, tant dans la diversité de leurs styles que dans la chaleur qu’ils vont nous apporter.

The Acid, ovni tender débarqué il y a seulement quelques mois sur les ondes, vient conforter la torpeur de cette fin de journée de repos dominical avec un son inclassable tout en douceur et rêverie. Planqués dans la pénombre de la scène, les reflets d’un vidéo projecteur trahissant parfois un angle de visage ; c’est une messe solennelle que nous offre le quatuor apatride, avide de nous faire vivre le grand voyage sur la banquise. À coup de projections interstellaires en arrière-plan, on se retrouve rapidement dans une atmosphère sans gravité, planante, cotonneuse, au rythme des boîtes du même nom perchées sur une voix qui l’est tout autant, qui nous arrive sur la pointe des pieds pour nous les faire perdre.

The Acid par Fred Lombard

The Acid est animé de louables intentions, celles de retenir notre souffle pour vivre un trip presque trip-hop dans lequel on s’emmitoufle. La tribalité de ces gus gus va assurément faire parler d’eux, et c’est sur un magnifique « Basic Instinct » relevé d’un superbe clip vidéo que l’hypnose prendra fin jusqu’à une prochaine séance pour laquelle on fait déjà la queue.

Le globe-trotteur Nick Mulvey vient ensuite poser ses valises sur la scène nantaise, barbe et cheveux fraîchement et soigneusement coupés. Entouré de quatre compagnons de route, l’Anglais nous ouvre son carnet de voyage et nous embarque sagement dans des ritournelles propres et empesées. Mais en live, Mulvey marche trop sur les traces du suédois Gonzales et finit par brouiller les esprits avec ses intentions, aussi nobles soient-elles. L’ombre de Junip n’est que trop présente et noircit notre attention et notre intérêt. Nous n’aimons que les V.O..

Nick Mulvey par Fred Lombard

Le look du sextet Ásgeir peut effrayer au premier abord. Surtout celui du ventripotent batteur – chemise à carreaux, barbe hipster qui ne transparaît pas vraiment le calme et la plénitude réputés du chanteur. Venus d’une lointaine île islandaise, les dernières fringues à la mode n’ont visiblement pas traversé les mers de glace. Le fameux adage « L’habit ne fait pas le moine » prendra une nouvelle fois ici toute sa valeur, avec des musiciens qui au final sont plus concernés par leur mission musicale que leur démission vestimentaire. Et dès les toutes premières notes, la neige commence à tomber dans la salle tandis qu’on entend le feu crépiter dans la cheminée. On est dans le grand blanc, dans une quiétude agoraphile, où ces aventuriers (bi) polaires nous emmènent sur leur traîneau sans que quoi que ce soit ne puisse les faire dévier de leur route. Rien ne pouvant les déranger et les perturber, nous vivons chacun de leurs morceaux comme autant de moments de grâce qu’un Buckley n’aurait pas reniés. On se trouve pris tantôt dans la glace, tantôt dans la tourmente pour une virée cocoonante mais pas dissonante. Sigur Rós m’était conté…

Asgeir par Fred Lombard

Ce week-end Inrock’n roll se termine de manière plus décontractée avec le dandy blagueur Baxter Dury, qui en a certainement pété une. Se prenant à peine au sérieux, il assure toutefois un set aux petits oignons avec un groupe soudé et soudoyé qui lui donne toute sa force. Costard gris et cravate appareillée, le fils de Ian a bon goût et s‘est notamment entouré de la jolie Marie-Flore – vive la frange.
Des tubes blagueurs, des airs moqueurs, tel un prince sans rire, Baxter Dury évolue à l’aise sur scène, cigare au bec, pour nous présenter entre autres son dernier album abouti, mais peut-être pas jusqu’au-boutiste, à l’instar de ce canard gonflable géant qui descend du plafond à mi-hauteur de la scène sans que l’on sache, où que lui-même sache pourquoi il est là.

Baxter Dury par Fred Lombard

Dury ne se dégonfle pas et nous livre un concert sans couac empli de chansons pop tout aussi naïves que triviales, dans un phrasé qui rappelle souvent son paternel. Le pitre derrière son pupitre prend une bouteille de champagne et chambre le public avant de le chambrer. Sa soif épanchée, il entame un strip-tease sur « Whispered » – nous aussi on murmure – avant de finir de se mettre complètement à l’aise en enlevant veste et cravate. Le soleil se couchera définitivement sur cette édition 2014 avec « (Johnny doesn’t like) the sun », slow dans la pénombre le ramenant sans appel et sans rappel au Pays des Cockneys. It was a pleasure !


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Nicolas Nithart

grand voyageur au cœur de la musique depuis plus de 20 ans