[Focus] The Seattle Report – Épisode 4 : Le grunge est mort, vive le grunge

Pendant une semaine, Matthieu, Romain et Xavier, trois trentenaires passionnés de grunge, nous ont embarqués dans leur périple américain dans l’État de Washington. De sa capitale Seattle aux villes d’Aberdeen et d’Hoquiam, à l’occasion des 20 ans de la disparition de Kurt Cobain, nos trois reporters nous ont fait vivre comme si nous y étions leur aventure musicale et avant tout humaine.
De retour en France, c’est l’heure du débriefing. Qu’est-ce que ce voyage leur a apporté ? Quelle vision ont-ils désormais de l’histoire du grunge et de la ville de Seattle après avoir vécu une semaine sur place ?

Carte Seattle Washington


« Seattle n’oublie rien de son glorieux passé », par Xavier

Qu’étions-nous venus chercher ? Notre idole d’ado ? Une « mecque » figée dans le temps ? Les signes du « revival » d’une époque oubliée ? Et finalement qui était-il, cet homme qui nous a poussés à faire des milliers de kilomètres ? De notre voyage je retiendrai que le grunge est bel et bien mort. Mais d’autres choses auront germé sur ses cendres. De belles choses avec de belles personnes. Seattle a su grandir, se développer et entrer dans le 21e siècle. Mais elle n’oublie rien de son glorieux passé et de ses prophètes. On respire ici un savant alliage de nerderie-écolo-americano-punk, humble et fraternel. « Kurt était un excellent songwritter. » Voilà ce que les gens vous diront. Il était un parmi les autres, errant dans Capitol Hill à la recherche de… quoi… peut-être rien, peut être une façon d’être simplement heureux avec sa famille. Être « fan » était-elle la meilleure façon d’aborder ce voyage ? Dans tous les cas, nous avons vite choisi une autre voie, loin du « Kurt Cobain Tour ». Spectateurs plus qu’acteurs de la commémoration, nous nous sommes laissés aspirer dans l’esprit de Seattle, des Evergreen et de Capitol Hill. Nous avons trouvé l’homme. We’re ready to go back home!

Morceau choisi : Soundgarden – Sub Pop Rock City


« Kurt Cobain n’est qu’une partie du puzzle », par Matthieu

Une petite maison en bois, un pont pas très joli, des bars underground, Kurt avait raison, il était bel et bien un homme et pas un putain de Dieu pour qui on devrait être prêt à faire n’importe quoi… Il fait partie de Seattle, de son histoire, de son esprit, mais il n’est qu’une partie du puzzle, ce qui m’était difficile de concevoir avant ce voyage… Cette ville est très riche artistiquement, elle respire le rock’n’roll et l’authenticité, les gens ne sont pas fiers quand ils voient des gars venir leur dire à quel point leur scène est importante pour eux, ils parlent notamment de Kurt Cobain avec beaucoup de tendresse, loin de l’image que certains ont voulu lui coller. Je repars de ces quelques jours entre potes avec un sentiment de simplicité, Kurt était bourré de talent, sa musique était profondément humaine et j’espère que les passionnés de musique continueront à l’écouter comme sur les juke-boxes de Capitol Hill !

Morceau choisi : Mudhoney – The Money Will Roll Right In


« Pourquoi le grunge à Seattle ? », par Romain

Je n’ai jamais adulé Kurt Cobain. Il a écrit des chansons que j’adore, sa personnalité me touche et son histoire m’interpelle (dans le genre « doux rebelle broyé par l’industrie musicale »), mais je ne faisais pas ce voyage en pèlerin. Ce qui m’intéressait, surtout, c’était de comprendre les liens entre Seattle et la scène grunge du début des années 90. Qu’est-ce qui fait qu’une scène musicale émerge dans une ville spécifique ? Pourquoi le grunge à Seattle, comme le hip-hop à New York ou l’électro à Berlin ? Les locaux nous ont dit que le temps y était pour beaucoup, le climat humide de la ville, dont tous les États-Unis se moquent, poussant les jeunes à se réfugier dans des garages, armés de leurs basses et de leurs guitares. Mais n’exagérons rien, à Seattle, il pleut moins qu’à Brest, et la ville du Finistère ne peut pas se targuer d’avoir une scène musicale aussi riche (en tout cas à ma connaissance). Non, plus vraisemblablement, l’émergence du grunge résulte de la convergence de différents facteurs, le temps peut-être, l’héritage musical surement (Seattle est avant tout connue pour être la ville de Jimi Hendrix), l’effet de groupe autour de Sub Pop certainement, la personnalité de quelques piliers qui ont eu le courage de parier sur des groupes dont la viabilité commerciale était incertaine, des producteurs qui ont inventé de nouvelles façons d’enregistrer et de faire sonner des instruments, la proximité avec le Canada peut-être aussi… et le rejet de la société de consommation de masse, dont les années 1980 auront été l’apothéose, et qui trouve dans le grunge un beau doigt d’honneur de la jeunesse des années 90 à ses aînés. C’est ça que je retiendrais de Seattle, et de Capitol Hill en particulier, cette façon de dire « je vous emmerde, et à partir de maintenant, je vais vivre selon mes propres codes ». Le grunge est mort, mais cet esprit a perduré. Une belle leçon de vie tout en saturation.

Morceau choisi : Nirvana – Milk It


de gauche à droite : Matthieu, Xavier et Romain devant la Space Needle de Seattle
de gauche à droite : Matthieu, Xavier et Romain devant la Space Needle de Seattle

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The Seattle Report

En direct des 20 ans de la disparition de Kurt Cobain, Matthieu, Romain et Xavier couvrent en exclusivité pour indiemusic l’évènement à Seattle.