[Live] Nils Frahm au Rocher de Palmer

Lors de ses rares et précieuses dates françaises, Nils Frahm nous a offert avec Dawn of Midi une expérience hors norme, loin de la scène et des projecteurs. Le Rocher fut ainsi embaumé, comme hypnotisé.

crédit : Julien Catala
crédit : Julien Catala

Sous un temps de chien qui n’affirmait pas sa bipolarité, nous nous sommes surpris du nombre (pour ne pas dire « genre ») d’individus qui frôlait le parterre du Rocher. 19h30, Le Rocher de Palmer, Bordeaux. La file d’attente était éventrée sur les graviers. Certains fumaient encore, tandis que d’autres forçaient discrètement le pas pour avoir LA bonne place. Une fois dans le hall, nous nous sommes exclus de la queue pour rejoindre le comptoir des invités. C’est là qu’une jeune fille cynique me confirme droit dans les yeux que je ne pourrai pas rentrer ce soir. La file d’attente s’amaigrissait, et je restais là, accoudé au comptoir du marchand, avec deux Espagnols qui essayaient aussi de prouver leur légitimité. Des plaintes négociatrices et des moues de dégoût auront finalement suffi. J’ai dévalé l’escalier en brandissant mes deux bracelets fluos.

crédit : Julien Catala
crédit : Julien Catala

La scène que j’espérais était là. Tout l’attirail de Nils Frahm avait été déballé telle une immense pochette surprise : un orgue et un piano Klavins home-made, des synthés, un mellotron, un piano à queue et une ribambelle de consoles. Tout était disposé selon un plan précis, presque millimétré. Une contrebasse est allongée, une batterie attend paisiblement, signe que la fameuse première partie doit surgir à tout instant.
Les trois hommes de Dawn of Midi arrivent et enjambent la multitude de câbles avec une sérénité déconcertante. Le projet new-yorkais commence sa procession musicale sans présentation : 40 minutes de show pendant lesquelles on ne pourra pas différencier les chansons. Tout s’enchaîne parfaitement. La dextérité des musiciens est immense, 40 minutes sans avoir la moindre pause dans leur magnifique sens du rythme. Les yeux fermés, ils avancent sur leur fil que rien ne vient perturber. Les corps aux alentours sont silencieux et peinent à bouger. La plupart d’entre eux sont même transis par la répétition de ce folk arabisant, de cette acoustique hors du commun qui abat toutes nos conventions musicales.

Les musiciens s’éveillent enfin, comme sortis du rêve, présentent brièvement leur groupe et cèdent les armes à la tête d’affiche. Nils Frahm vient régler personnellement son matériel avant que la lumière ne s’atténue pour laisser place au spectacle. Il essaie d’abord son nouveau joujou, un orgue confectionné selon ses souhaits. Sous des sauts de voix et des « Ah » canoniques, sa fameuse musique sérielle prend tout à coup une épaisseur supplémentaire, venant magnifiquement flirter avec les séquences électroniques de sa musique. Sans l’ombre d’un doute, les compositions sont hors de son répertoire.

La découverte est alors flagrante et le public s’aligne mentalement aux effluves du Monsieur. La musique de Nils Frahm est une musique de l’âme ; organique et psychique, qui se ressent plus qu’elle ne s’écoute. Son incroyable titre « Says » est suivi d’une standing ovation immense et interminable. La frénésie est encore palpable quand le compositeur berlinois est derrière le rideau. Il revient en trombe, muni de ses « Toilets Brushes », pour taper les cordes de son piano. Sublime.

De plus belle, le public ne veut plus en finir. Pour cette dernière, il laisse le soin à l’audience de choisir une chanson. Une fille crie « Said and Done ». Évidemment, c’est la meilleure façon pour conclure magistralement et de façon magique son set, sous des centaines de regards brillants et d’oreilles éclatantes.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante