[Interview] The Shoes

C’est l’un des groupes les plus lumineux de la scène électronique française The Shoes sort le 2 octobre son deuxième album, « Chemicals », alternant underground rétro et pop-rock électronique. Une volonté de fusion totalement au goût du jour avec pour ambition de séduire toutes les générations.

crédit : Emmanuel Brasseur
crédit : Emmanuel Brasseur
  • Guillaume, Benjamin, on est très heureux de vous rencontrer dans le cadre du festival Fnac Live. C’est la première fois que vous y participez avec The Shoes : vous vous sentez comment ?

On est très heureux d’être ici, dans ce festival, mais aussi à Paris. C’est toujours un peu spécial pour nous de jouer ici. On y a plein d’amis et, ce soir, c’est un peu comme la famille, avec des copains comme Étienne de Crécy.
Alors c’est sûr, on a eu un peu la pression quand, hier, on a regardé la participation du festival et le public présent. On est vraiment heureux que ce soit gratuit et que le public puisse découvrir de la musique et nous découvrir aussi. À nous maintenant d’attraper un petit peu les gens ; c’est une jolie chance. Particulièrement parce que, ce soir, on présente aussi notre nouvel album et quelques-uns de ses morceaux.

  • Justement, on a déjà découvert avec plaisir « Feed The Ghost » et « Give It Away » les deux titres de ce nouvel album, « Chemicals », qui doit sortir début octobre. Quatre ans après le premier, « Time To Dance », que représente ce nouveau disque pour vous ?

C’est vrai qu’on a mis beaucoup de temps à faire cet album. À la fois, on a été très occupé depuis le premier, dans la production et le remix, mais aussi parce qu’on s’était mis énormément la pression avec ce deuxième disque. En tant que syndrome bien connu du musicien, on aimerait bien conjurer le sort et on se dit souvent entre nous que c’est plutôt un troisième album, au final.

Il est plus dark que le premier, plus sombre dans l’approche et aussi plus dur et plus radical dans la production. Comme avec le précédent, on a été guidé par des groupes très différents ; mais dans celui-ci, on explore encore plus en s’inspirant surtout des styles musicaux qu’on écoutait dans notre adolescence, quand on a pris notre première collocation ensemble.

Évidemment, il ne s’agit pas de faire du vintage, mais de produire une musique moderne qu’on aime et qui puise dans les tendances de la scène musicale de la fin des années 90, 2000, avec des groupes comme Underworld, les premiers Björk ou encore les Chemicals Brothers, qui nous ont influencés jusqu’au titre de notre album.

crédit : Emmanuel Brasseur
crédit : Emmanuel Brasseur
  • Ce soir, vous êtes sur scène. On peut penser qu’il y a une cohabitation complexe entre la musique électronique et le live au sens spectacle scénique ou vivant ; vous ressentez ça comment ?

On a vraiment envie d’avoir un retour sur notre nouvel album.
On réadapte beaucoup le live par rapport aux versions studio, d’une date à l’autre, en faisant des petites modifications. Surtout avec des morceaux que les gens connaissent peu, on est attentif.
Et puis, avec l’expérience du premier, maintenant, on improvise de plus en plus sur le live et aussi de plus en plus facilement. Alors c’est pas toujours parfait, mais ça colle à une approche rock qu’on souhaite mettre en place, même si on fait de la musique électronique. Le live aussi est plus rock dans sa formule. Maintenant, on utilise une basse et une guitare avec les deux batteurs qui étaient déjà présents lors du premier album.
Et puis, sur l’aspect scénique, avec les nouveaux morceaux, on a un peu contourné le problème en faisant travailler un collectif génial, « Dent de Cuir », qui projette sur grand écran tout un univers visuel qui habille les morceaux et en donne une autre lecture, plus enrichie, parfois appuyant encore plus le thème.
Jusque là, on détestait carrément le VJing, on avait toujours refusé ; mais là, les gars nous ont proposé un truc tellement fort, tellement calé, qu’on a été séduit de suite par l’utilisation des photos, des vidéos, des tableaux qui, sur la musique, donnaient quelque chose de très compact et intégré.

  • Chaque artiste a son propre processus de création, parfois très émotionnel, parfois très rationnel et construit. Comment procédez-vous pour créer vos chansons ?

Ce n’est jamais le même système et on ne prend les choses par aucun bout, ou plutôt jamais par le même, surtout sans l’intellectualiser. Il y a des morceaux qui ont été faits en une heure et d’autres en un an et demi, parfois en travaillant ensemble, parfois à distance. Il arrive qu’un morceau commence juste par une blague ; on aime bien se marrer !
Chaque morceau est différent et le travail avec les featuring, les invités vocaux, alimente aussi et enrichit en fonction des rencontres. On laisse la place au hasard en s’imaginant plutôt comme des artisans qui fabriquent un objet, un disque, sans trop savoir la forme qu’il aura. Au final, on se laisse surprendre et on travaille un peu comme avec du collage et du patchwork.
Le hasard est important donc, dans la création et dans les rencontres.

  • Les rencontres… Vous avez, depuis le premier album, travaillé à la production avec d’autres artistes aux styles très variés, qui semblent parfois loin de l’image qu’on peut avoir de vous. Quelle influence cela a-t-il eu sur votre musique ?

Déjà, avant le premier album, on avait travaillé sur la production de l’album de Gaëtan Roussel. On y a vraiment compris l’intérêt de ne pas tout faire tout seul et l’apport que représentait le producteur. Ça nous a décidé à en avoir un pour notre premier album et on a vraiment eu la chance de travailler très bien avec Lexxx (NDLR : Alex Dromgoole, qui a collaboré avec Björk et Madonna, entre autres). Pour le deuxième album, c’est Ash Workman qui nous a produits, comme Christine and the Queens ou Metronomy.
Être producteur chacun de notre côté ou ensemble nous a permis de progresser et d’explorer encore plus notre univers. L’album de Woodkid, par exemple, qui a été un succès et où on pu a monter le live. Benjamin a travaillé avec Raphaël, et toutes les recherches sonores, on s’en est aussi inspiré pour les intégrer au futur album. Benjamin vient également de finir la production de l’album de Sage. Toute cette expérience nous a enrichis et a enrichi le futur album aussi.

crédit : Emmanuel Brasseur
crédit : Emmanuel Brasseur
  • Justement, tout ce travail vous a-t-il aidé à préciser votre identité musicale, mais aussi le public auquel vous vous adressez ?

Avec le temps, on progresse et on est moins naïf aussi.
On n’a jamais été intéressé par l’envie de faire des chansons post-rock de dix minutes, même si on en écoute et qu’on adore ça, comme plein d’autres styles musicaux. Nous, ce qui nous plaît, c’est de faire des chansons pop ; alors on s’inscrit plus dans un truc grand public, parce que c’est aussi ce qu’on aime. Sans vouloir faire un hit pour autant.
Mais c’est vrai qu’on serait heureux si on plaisait autant à ta maman, à ta petite cousine et à ton petit frère de 14 ans qui fait du skate ! On aime que notre musique parle à tout le monde, même si on ne le prévoit pas toujours à l’avance. La définition de la pop, c’est que ce soit populaire, et on s’influence grâce à toutes les tendances. Une forme de retour de la fusion !


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