[EP] Reptile Youth – Away

« Away » aurait pu s’intituler « Anyway ». Car, à l’écoute du nouvel EP de Reptile Youth, une puissance de composition incontrôlable, qui se déjoue de tout pour mieux se la jouer, transpire et transperce à chaque expi(r)ation de son leader Mads Damsgaard Kristiansen aussi bien qu’à chaque note portée sur une portée dont la clé aurait été délibérément perdue.

Reptile Youth - Away

Le projet copenhagois, formé initialement en 2009 avec Esben Valløe, avait déjà brisé la glace lisse et polissée de son territoire d’origine pour faire fondre moult platines et salles de concerts. Des morceaux énergiques, des prestations énervées : les deux briscards vikings avaient déjà tout pour être les nouveaux Kings nordiques.

Le départ d’Esben début 2015, pour une aventure en solitaire dans un registre électro avec son projet Antonio Gram, n’aura pas gelé l’aventure Reptile Youth. Mads, jamais las et ne comptant pas s’arrêter là, nous propose cinq titres brouilleurs de pistes, telle une motoneige perdue dans un désert de sable.

Avec, en guise d’avertissement, cette intro musicale, « New Age », au titre prémonitoire pour un EP bâti comme une tour de Babel ou un Atlantide introuvable. Sensations aériennes ou diluviennes, le vent, l’eau, l’horizon sans fin s’ouvrent comme des précipices propices à vous déstabiliser pour mieux vous installer, sans plus aucun repère spatio-temporel, dans les morceaux suivants. Lorsque débute le titre « Away », il faut admettre que l’on se surprend à penser que Chk Chk Chk, Hot Chip et Sparks réunis sont venus taper l’incruste chez les jeunes reptiles. 6 minutes 23 diaboliques, en apnée et sans acné, qui forcent et surtout qui forgent le respect.

Et comme le dit « Keep On Moving » avec son riff à la « Are You Gonna Go My Way » sous acide, on garde la pose et on ne pense pas à autre chose qu’à se frayer un chemin dans cette spirale psychédélique certes pleine de clichés, mais qui ne fait pas photo avec
nombre de tentatives actuelles ridicules et vouées à l’échec. La brutalité du tempo fait corps et écho à la finesse et la truculence des artifices sonores qui font feu de tout bois. « Young Academics » ne l’est certes pas et donne l’impression d’écouter un morceau de The Horrors en se regardant dans un miroir déformant après avoir bu quelques shots.

crédit : Justin Tyler Close
crédit : Justin Tyler Close

On vacille sous l’évanescence des notes qui donnent naissance à un titre troublé et troublant. Mais également fourbe, car se permettant une fausse sortie à trois minutes comme pour mieux vous faire comprendre l’emprise totale qu’il a sur vous ; le vocoder final restant un des derniers codes que l’on maîtrise dans ce superbe morceau. S’ensuit une longue sortie printanière en passant par l’Arabie avec « Arab Spring Break, Part 1 and 2 », piste la plus circonspecte mais qui force le respect en finissant de nous amener sur une terre inconnue peuplée de mirages et de reflets insaisissables, et conduisant à un trou noir orgasmique terminé par cinq minutes de piano parées pour vous faire revenir à la vie avec douceur, avec préciosité, alors que vous ne vous étiez même pas aperçus que vous aviez quitté votre enveloppe corporelle durant ce voyage lointain, très lointain, away…

« Away » de Reptile Youth est disponible depuis le 8 juin 2015 chez Internet Rec., en partenariat avec Mercedes Benz.


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Nicolas Nithart

grand voyageur au cœur de la musique depuis plus de 20 ans