[Live] Rendez-Vous et Balladur au Transbordeur

De retour à Lyon presque deux ans après leur dernier passage, lors d’un extra des Nuits Sonores 2017, et pour la première fois depuis la sortie de leur très attendu premier album « Superior State », les Français de Rendez-Vous ont délivré le 13 février au Transbordeur un concert tout en puissance, preuve de leur désormais incontestable place au sommet de la scène post-punk / indus française, pourtant florissante. Les Lyonnais déjantés de Balladur s’occupaient de la première partie.

Rendez-Vous – crédit : James Giles

Chose étrange et inhabituelle pour un concert au Club Transbo, le duo Balladur officie au milieu de la fosse, leurs machines posées sur des tréteaux, incitant à la manière de A Place to Bury Strangers le public à venir faire corps autour des musiciens. Public un peu timide ce soir-là qui garde quelques distances, mais regarde, de plus en plus curieux, l’étrange ritournelle électronique et psychédélique des deux compères prendre forme et nous envoûter. Machines, bidouillages électroniques et guitare / voix blindées d’effets sont ainsi au programme d’une session qui vire rapidement à la transe hypnotique, où les rythmes ou mélodies vaguement caribéennes sont pris dans des boucles vicieuses et survoltées. Nourrie par les voyages de ces musiciens aux quatre coins du monde, leur musique échappe aux étiquettes : pop, noise, psyché, électro… il y a un peu de tout ça sans doute, mais on ne peut leur enlever une capacité à faire nos jambes et nos bassins s’agiter tous seuls. Les titres souvent assez courts de leur album « Plage noire, plage blanche » prennent en live une ampleur très différente, incantatoire. Sans doute est-ce une musique qui s’apprécie différemment à des horaires plus tardifs et avec un peu plus d’alcool – ou autres – dans le sang, mais en l’occurrence ce soir-là le contrat était rempli, et quand le duo achève une version sidérante et carrément flippante d’un de leurs derniers morceaux, « Che voce misteriosa sembra venire dalle viscere », ils sont en nage et nous aussi.

Après une pause bière bien méritée, Rendez Vous débarque sur scène dans le noir et la fumée, une tape d’intro angoissante s’intensifiant à mesure que les musiciens en plaquent les notes répétées sur leurs synthés, machines, basse, puis batterie. Le tout se fait vite assourdissant, implacable, et le groupe débute enfin dans un éclair stroboscopique sur « Euroshima », un des titres phares de leur EP « Distance ». Double constat : le groupe qui joue devant nous n’est vraiment plus le même que celui que nous avions connu à leurs débuts, convaincants, mais timides en comparaison de la déflagration qu’on se prend dans la tronche dès l’entrée en matière, et le public, pourtant très jeune aussi, semble connaître jusqu’à la moindre face B absolument par cœur. La fosse se fend en deux et un énorme (et violent) pogo débute instantanément, dans lequel se jette à corps perdu un ami qui était à côté. Il revient quelques instants plus tard, en rigolant de honte, les deux mains sur son nez, qui commence à saigner abondamment. Une belle entrée en matière on vous dit. Rapidement défilent des titres du premier album de Rendez Vous, « Superior State ». Ce sont ainsi « Lakes », « Sentimental Animal », « Paralyzed » ou « Double Zero » qui s’enchaînent, comme autant de bombes vicieuses qui nous éclatent à la figure. Le son est incroyablement dense et massif, le style du groupe sur scène rappelle deux autres formations vues un an plus tôt exactement au même endroit, Frustration et Trisomie 21, décuplant l’attitude des premiers et amplifiant le son monstrueux des deuxièmes dans une orgie indécente de lumière et de bruit. Au centre, Elliot et Max se déchaînent, à gauche, Francis frappe furieusement sur sa basse et aboie les paroles des morceaux dans son micro avec un charisme ébouriffant. Ça frappe dans tous les sens, mais c’est précis et très frontal. Lorsque débarque à mi-concert « Exuviae », notre petit chouchou de l’album, il est alors difficile de résister à l’appel de la fosse et nous nous jetons à notre tour dans les pogos, pour ne plus jamais en ressortir.

Suivent encore des morceaux de l’EP, qui font monter la tension d’un cran et versent carrément dans l’indus, avec « Distance », « Unforeseen Death » et « Workout ». Mais finalement, c’est la conclusion à total contre-emploi sur « Last Stop » qui nous laissera hagards, le groupe délaissant pour la fin de leur show le son et lumière tapageur qui seyait si bien à leur style martial pour construire une petite cathédrale de noirceur méthodique avec une fausse ballade lente tout en crescendo, qui enfle dans l’obscurité avant d’exploser façon noise-rock ou shoegaze maladif. Une vraie surprise qui fait office de point d’orgue pour un show viscéral et parfaitement maîtrisé de bout en bout par un groupe, sinon au sommet de son art, du moins en pleine phase ascendante.


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Maxime Antoine

cinéphile lyonnais passionné de musique