[LP] Pura Fé – Sacred Seed

L’artiste américaine nous offre rien de moins que la définition mémorable d’un blues bercé d’influences indiennes, entre hommage et profonde créativité.

Pura Fé - Sacred Seed

Parmi tous les genres musicaux, le blues reste l’un des seuls à permettre aux musiciens de baigner leurs compositions d’influences autant artistiques que personnelles. Ici, la chanteuse et créatrice américaine Pura Fé préfère orner le genre de passions ethniques surprenantes au premier abord, mais rapidement attachantes, voire inévitables. Avec « Sacred Seed », elle fouille toujours plus les racines de ses origines indiennes, ou plus précisément celles du peuple des Tuscaroras, dont elle est la descendante. Au premier abord, une telle démarche pourrait sembler hermétique ou trop osée pour être découverte. Ce serait se tromper et passer à côté d’un album empreint de vécu, de puissance émotionnelle et de dévotion totale de la part de cette grande dame.

On traverse ainsi de nombreux paysages bien connus des amateurs de bleus au cœur, mais en allant toujours plus loin et en mêlant des atmosphères enivrantes et bienvenues. Que ce soit lors d’une rencontre impromptue entre cordes (River People) et harmonica (Hiyo Stireh) ou sur les bases échevelées et complexes d’une improvisation en roue libre (Spirit in the Sky), Pura Fé et ses musiciens, tous parfaits et dévoués à leur art, laissent leurs différents langages s’unir dans un courant à la fois intime et majestueux. Les rythmes indiens sont admirablement ancrés dans ces terres gorgées d’eau revigorante (Mohomoneh, True Freedom), dans ces cascades scintillantes où chaque source vitale caresse nos corps brûlants et en transe (la délicatesse des chœurs de « Woman’s Shuffle » et de « Idle No More », les généreuses berceuses que sont « Sacred Seed » et « My People My Land »). Chacun trouve ainsi une voie par-delà les étoiles, alors que le feu nous réchauffe et que l’on écoute, avec respect, les histoires et contes d’un passé qui n’a jamais autant été d’actualité.

La voix de Pura Fé devient intemporelle, à la fois puissante et calme ; une force instinctive qui s’éprend de ses passions originelles afin de mieux les transmettre. Son timbre nous transporte au sein de la sixième nation iroquoise, charriant avec elle les légendes et refuges mélodiques d’un peuple que l’oubli n’a finalement jamais guetté. On ne peut également pas penser une seule seconde que l’envie de l’artiste se résume à une simple résurrection d’une culture qu’on ne connaît pas ; car elle met son cœur et son âme dans un blues mémorable, suspendu dans le temps et prenant corps sous nos yeux. Sa voix, éraillée et parfaite, oscille continuellement entre graves invocateurs et aigus délicats. Grâce à sa nouvelle forme d’expression, elle a trouvé la liberté nécessaire à son propos, son besoin immédiat de prolonger la transmission d’époques qui surmontent l’inexorabilité du temps filant comme le sable entre nos doigts. Marier avec une telle perfection la richesse de la musique noire américaine et les douces complaintes indiennes semblait risqué ; mais l’album, plutôt que de devenir l’ombre de lui-même, éclate au grand jour et pénètre nos sens pour nous mener ailleurs. Au-delà des flammes. Là où résident la vérité et l’Histoire.

crédit : Peggy Fontenot
crédit : Peggy Fontenot

Un disque dont la genèse pourra certainement effrayer, mais qu’il serait dommage de ne pas parcourir. Les yeux clos, alors que les ancêtres de Pura Fé nous regardent et la remercient.

« Sacred Seed » de Pura Fé est disponible depuis le 27 janvier 2015 chez Nueva Onda Records.


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Raphaël Duprez

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