[Live] Pitchfork Music Festival Paris 2014

Un festival de musique sur plusieurs jours est toujours une aventure. On y va pour la musique elle-même, la programmation bien sûr, mais ce sont surtout les détails périphériques qui font le sel de l’expérience, qui cristallisent dans notre mémoire les souvenirs des différents concerts entre eux. Peut-être plus encore qu’un autre, le Pitchfork Music Festival Paris ne déroge pas à cette règle. Il fallait bien un retour détaillé sur les temps forts de ces trois jours de folie, mais aussi quelques mots pour les instants moins intenses ou les moments les plus décalés et improbables du festival.

JOUR 1 – Jeudi 30 octobre 2014

JOUR 1 – Jeudi 30 octobre 2014

Je rate, pour des raisons bêtement logistiques, la toute première prestation, à savoir celle de Ought. Doublement dommage, car l’ami qui faisait le festival avec moi et qui a pu y assister m’en dit le plus grand bien et le retient au final dans son top 10 des concerts des trois jours. En outre, c’est un des rares vrais sets rock et punk du festival, dont la programmation cette année était nettement dominée par des sonorités électro et downtempo parfois un peu redondantes. La formule logistique ne change pas, une scène à chaque bout de la Grande Halle de la Villette et des concerts en alternance, histoire que tout le monde puisse tout voir et tout entendre, avec autour différents lieux situés à l’étage et qui constituent le village du festival et le cœur de ses animations.

Ought - crédit : Sarah Bastin
Ought – crédit : Sarah Bastin

J’arrive en plein concert de How To Dress Well, qui joue sur la plus petite des deux scènes. N’étant pas spécialement fan du genre, et encore moins en live, j’y assiste d’un peu loin et distraitement. Le cœur du set est une sorte de longue improvisation pratiquement instrumentale et seulement percée des glapissements tragiques de Tom Krell, d’une rare mollesse. Conforté dans mon sentiment, je commence à faire la queue pour Notwist et finir d’écouter de loin. Je reconnais toutefois que le monsieur est un excellent chanteur. Notwist est donc la première baffe du festival. Les Allemands délivrent un math rock carré et inventif, truffé de sonorités électroniques parfois inattendues, et leur jeu solide et impassible colle relativement bien à la froideur de leur musique. Leur dernier album, « Close to the Glass », est remarquablement mis en valeur et prend en live une dimension beaucoup plus rock et dynamique. On regrettera la durée du set – le gros défaut tout au long du festival, où les shows de plus d’une heure se comptent vraiment sur les doigts d’une main – qui ne leur permet pas de jouer beaucoup de vieux morceaux. Le son est très fort, limite assourdissant, et on admire l’ersatz teuton du cousin Machin qui se déchaîne derrière ses xylophones.

Notwist - crédit : Sarah Bastin
Notwist – crédit : Sarah Bastin

On enchaîne, juste le temps de choper une bière au vol, pour aller écouter, malheureusement d’assez loin, The War on Drugs. Pas grand chose à redire sur le concert, très carré et toujours aussi planant, si ce n’est que le format festival ne sied guère au groupe : set encore une fois trop court, surtout comparé aux deux heures de show qu’avait données quelques mois plus tôt le même groupe à la Flèche d’or, et le son de la petite scène du Pitchfork, nettement plus faible que celui de sa grande sœur. Autre défaut : comme les morceaux sont assez longs, le groupe en joue peu et les pioche uniquement dans leur dernier album, le par ailleurs très beau « Lost in the Dream ». Toutefois, certains choix paraissent malheureux dans le cadre d’un festival et l’univers du groupe semble un peu en décalage avec le reste de la programmation, ce qui se manifeste à travers un public au mieux poliment ennuyé, au pire limite irrespectueux. Néanmoins, l’imparable « Red Eyes » clôt le concert sur une note plus énergique qui met tout le monde d’accord.

The War On Drugs - crédit : Sarah Bastin
The War On Drugs – crédit : Sarah Bastin

21h20, c’est l’heure de la première vraie tête d’affiche du festival. Les écossais de Mogwai sont attendus sur la grande scène par une foule immense et compacte, presque fervente. Ils bénéficient d’un créneau d’une heure (enfin !) et vont revisiter pratiquement tout leur répertoire en jouant un grand nombre de morceaux, pourtant parfois longs. Le son est absolument énorme, le jeu de scène et le lightshow assez sobres et minimalistes, mais qu’importe, le but est de se laisser porter par la musique essentiellement instrumentale des écossais. Le plutôt terne dernier album, « Rave Tapes », est le plus joué. Je redécouvre ce disque sous un nouveau jour avec le son live puissant du groupe et les saillies électroniques apportées par des claviers entraînants. Inlassablement, la setlist explore les vieux albums du groupe, jusqu’à l’extase absolue du gros quart d’heure de trip intersidéral qu’est « Mogwai Fear Satan », pièce maîtresse de leur tout premier album. Si ce titre est un indispensable de leurs concerts, je crois tout de même rêver, puisque c’est la première fois que j’ai le plaisir de les voir sur scène. Sans conteste un des grands moments de la soirée et du festival tout court. On regrettera simplement que les morceaux les plus faibles du spectacle soient ceux qui furent chantés, et qui paraissaient déplacés, en tout cas plusieurs crans en deçà du reste. Mais l’ensemble est formidable.

Mogwai - crédit : Sarah Bastin
Mogwai – crédit : Sarah Bastin

Je me laisse ensuite tenter par un ami qui me traîne vers Jon Hopkins. Installation vidéo à l’appui pour le DJ seul sur scène, le show provoque dans une premier temps ma relative indifférence, puis remporte mon adhésion à mesure que la musique se fait moins cérébrale et plus dansante. Je passe le reste de l’heure qui suit dans une sorte de rêve éveillé, hypnotisé par les images étranges qui défilent sur l’écran et emporté par la house dynamique du sorcier derrière ses platines. Un très bon moment qui fait oublier sans difficulté la faim qui me tenaille.

Vient ensuite le concert qui va m’attirer les foudres de nombre de fans. La vraie tête d’affiche de la soirée – voire du festival – c’est lui : James Blake. Le jeune (26 ans) pionnier britannique de ce qu’on appelle déjà le post-dubstep (tout un programme !), qui avait déjà été l’invité du festival il y a deux ans et qui, plus généralement, est adoubé par Pitchfork et son grand manitou Ryan Schreiber – j’appris par la suite que ce dernier assistait au concert dans la fosse réservée aux photographes et à quelques VIP. Malheureusement, je n’adhère pas vraiment à ce style de musique qui, si elle passe encore en studio, est d’une incroyable mollesse en concert. Je suis dans un premier temps les amis qui m’accompagnent mais laisse très vite tomber. A mesure que les lentes pulsations s’égrènent et que la répétition devient un geste fort sur scène, je m’assois dans la fosse – c’est dire si le public est dynamique ! – et contemple les mollets des gens qui m’entourent. Vite autant passionné par ce morne spectacle que par ce qui se déroule sur scène, je décide de faire un tour à l’étage dans les différents stands. Je découvre donc le « Playground », ou cour de récré, qui propose des jeux d’arcade vintage gratuitement et en libre-service (un Pong sur écran géant et un Pacman sur Atari), un twister-hipster (avec des logos Pitchfork en lieu et place des taches de couleur) et surtout des balançoires. Je décide donc de finir d’écouter le concert en me balançant nonchalamment, et j’avoue que la musique n’en est sortie que grandie de ce moment de détente. Je suis sans doute un peu difficile et très minoritaire, mais ce James Blake, si mignon soit-il, chante certes très bien mais sa musique ne me parle vraiment pas, malgré une ou deux reprises (de Feist notamment) qui sortent un peu du lot. Les deux soirées suivantes du festival confirmeront jusqu’à l’excès un engouement des programmateurs pour ces sonorités désincarnées, lentes et vaguement électroniques. Avec quelques bonnes surprises et pas mal d’ennui.


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Photographies par Sarah Bastin pour Ricard S.A Live Music :
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Maxime Antoine

cinéphile lyonnais passionné de musique