[Live] Mount Kimbie et Jam City au Grand Mix

Pour le dernier gros concert avant sa fermeture, le Grand Mix a décidé de mettre les petits plats dans les grands en invitant à la fois Mount Kimbie et le talentueux Jam City. C’était aussi une grande date pour les deux groupes, qui marquaient ici l’ultime arrêt de leur tournée. Après avoir fait couler beaucoup d’encre, que ce soit lors de son passage au même lieu trois années auparavant ou à travers ses trois albums déjà essentiels dans l’histoire musicale de la décennie, dont l’excellent « Love What Survives » sorti en septembre dernier, le duo formé par Dominic Maker et Kai Campos semblait déterminé à proposer une nouvelle soirée mémorable ; et c’est exactement ce que nous avons eu la chance de vivre.

Mount Kimbie – crédit : David Tabary

A voir l’arrivée timide de Jam City, accompagné uniquement de sa guitare, devant un public parsemé, il était difficile d’imaginer l’explosion provoquée quelques secondes plus tard par la fulgurante succession de samples imposants faisant vibrer jusqu’aux tréfonds de la salle, attirant immédiatement le public. Comme sur album, Jack Latham met en avant une approche musicale audacieuse et imprévisible, utilisant des instrumentations méticuleusement pop dignes du meilleur PC-Music comme base tumultueuse pour tresser ses mélodies entrelacées de guitare et de clavier. Il devient rapidement impossible de savoir si les sonorités pop prennent une allure expérimentale sous sa coupe, ou si nous sommes témoins du phénomène inverse. Le musicien, plongé dans ses pas de danse, ne paraît pas se soucier de cette confusion et martèle les mélodies du pas de ses grosses bottes, comme pour donner encore plus d’emprise aux vrombissements des percussions. Secondées du jeu splendide de lumière inondant la salle, les parties musicales se développent selon un jeu arbitraire de formes et de couleurs, chaque fraction musicale comme pièce d’un puzzle se complétant au fil du concert. Ce dernier culmine enfin avec la construction frénétique d’un drop qui restera finalement éternellement maintenu en suspens par le musicien quittant rapidement la scène avec un sourire au coin des lèvres ; peut-être sa manière de laisser le puzzle inachevé et, ainsi, de cultiver le mystère entourant sa musique. Ou peut-être qu’il considère les applaudissements nourris succédant à son départ comme l’élément recherché pour compléter la performance.

Cet échauffement nécessaire au vu de la température glaciale attendant dehors nous laisse devant une scène peuplée des nombreux instruments, consoles et synthés: regard privilégié sur l’arrière du décor de la production studio de Mount Kimbie, permettant de visualiser les grands moyens nécessaires à l’élaboration de leur riche musique. L’arrivée du duo se fait sous la forme de l’intro en arpèges de « Four Years And One Day», nous frappant sur-le-champ par la beauté des textures avant que l’apparition du beat et de la basse ne nous assomment de nouveau, leurs mains virtuoses finissant d’animer tout ce matériel sous nos yeux émerveillés. Le choix d’un vrai batteur est payant : sa précision mécanique forme un véritable noyau autour duquel le duo et l’autre invitée, Andrea Balency, peuvent graviter librement. Le concert prend la forme d’une jam session, les instruments changeant organiquement de mains selon les besoins des chansons sans que les transformations de configuration ni l’ajout de lignes vocales ou de guitare ne troublent la cohérence collective de la performance.

Au-delà de la maîtrise électronique qui a fait leur réputation – cette capacité à accumuler des mélodies pour en créer d’autres par contraste -, le groupe fait le choix réussi d’altérer les structures des titres pour en dégager une tension entre les parties prolongées et celles maintenues en place, formant ainsi des espaces musicaux aussi familiers qu’entraînants. On a beau connaître leur artt par cœur, l’aspect intemporel ainsi provoqué invoque un élément de surprise palpable à chaque fin de morceau, celui-ci étant toutefois systématiquement étouffé par des applaudissements appuyés. La forte place du dernier album dans la setlist, sept des onze chansons ayant été jouées, met en valeur l’évolution plus instrumentale du projet, qui frôle désormais parfois le krautrock ou le post-punk. Les quelques pistes plus anciennes, quant à elles, perdent leur minimalisme originel en s’inscrivant sur scène, les regards captivés et les pas de danse émergeant de la foule et les empêchant de rester bien longtemps sobres.

Le jeu de lumières répond impérativement au rythme du concert, donnant l’impression que les spots eux-mêmes profitent du moment avec un enthousiasme similaire au nôtre ; impression confirmée à la vue des membres de l’équipe technique dansant facétieusement à côté de la scène. Plusieurs voix jaillissent du public pour demander si Archy Marshall, invité la veille à Paris, serait de nouveau présent aujourd’hui, et le groupe décide d’en jouer en faisant flotter une partie de « You Took Your Time », avant d’enchaîner de manière spectaculaire sur le débridé « Delta », nous faisant nous demander s’il y aurait même de la place sur scène pour un cinquième musicien. Cette chanson laisse place à un départ de scène des plus brefs, le public ne laissant pas l’espace se vider d’applaudissements avant de voir les Anglais revenir. Ceux-ci paraissent déterminés à finir leur tournée de manière magistrale en lançant « Maybes », qu’ils font repartir trois fois, avant de clore leur set énergétiquement sur l’hymne UK garage aux basses amplifiées « Made To Stray ». Les dernières notes résonnent à peine que l’équipe du groupe envahit la scène pour célébrer la fin du concert et de leur tournée, imprégnant l’atmosphère d’une aura de joie certaine.

Ces deux shows ont certainement tenu leurs promesses, confirmant le choix du Grand Mix de marquer le coup de leur fermeture ; c’est à juste titre qu’on s’attendait à être surpris et exaltés et, dans ce parfait état d’esprit, que l’on quitte le lieu avec un sentiment de satisfaction qui durera, on l’espère, au moins jusqu’à la prochaine tournée.


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Noé Vaccari

Étudiant passionné par le post-punk et la musique alternative en général