[Live] Montreux Jazz Festival 2015

Le Festival de Jazz de Montreux, à l’aube de ses 50 ans, est une impressionnante machine à rassembler les légendes internationales et intemporelles à côté de jeunes moussaillons prêts à traverser le lac Léman, et bien plus encore. Chaque soir, dans plusieurs salles, telle une danseuse à qui on ne la fait pas, la programmation fait le grand écart entre dinosaures venus des US et d’Europe (tels des Santana, Toto, Lionel Ritchie et Tony Bennett) en cohabitation intense avec des valeurs montantes, voire de jeunes débutants, probablement
pour un premier concert. Ne cherchez pas de logique ; il n’y en a pas, si ce n’est d’offrir aux festivaliers un florilège excitant et représentatif de ce qui s’est fait de mieux, de ce qui peut se faire de mieux, de ce qui va se faire de mieux.

Foals - crédit : Daniel Balmat
Foals – crédit : Daniel Balmat

Sur quinze jours, les groupes défilent sur de superbes scènes, dans des conditions techniques et scénographiques réglées comme des montres suisses et que doivent leur envier nombre de festivals. Tout est net, carré, bien organisé, contrôlé pour que les groupes puissent donner le meilleur d’eux-mêmes, dans la fidélité et la consistance de leur image et de celle du festival.

indiemusic a donc posé ses valises (sans lingots d’or) les 11 et 12 juillet derniers pour suivre quatre concerts parmi l’imposante liste proposée et vous en restituer l’ambiance.

Nous retrouvons d’abord les musiciens de Kid Wise devant le 2m2c, quelques minutes avant de monter sur scène alors qu’ils sont en train d’être photographiés par le festival. L’ambiance est bon enfant et les kids, qui attendaient cette date depuis longtemps, sont relativement sereins, après s’être détendus l’après-midi non loin de là dans l’eau à 27 degrés du lac.

Un calme relatif qui ne tarde pas à voler en éclats lorsqu’ils rentrent plusieurs minutes plus tard sur l’imposante scène du Montreux Jazz Lab. Car, après les coups de soleil, pas question d’avoir des coups de sommeil durant ces cinquante minutes maintes et maintes fois construites et revisitées dans leurs têtes. Clément, qui ouvre les hostilités avec son violon magique, mène d’emblée la salle à la baguette – ou plutôt à l’archet – avant le lâcher d’énergie d’Augustin et de ses acolytes. Le gros millier de spectateurs, pour qui Kid Wise semblait jusqu’alors inconnu, se retrouve instantanément charmé et tétanisé par les volutes des morceaux qui s’enchaînent sans répit. L’écriture du groupe trempe sa plume directement dans le sang de leurs veines et puise une énergie qui tétanise la salle de bonheur. Très peu de projets comme Kid Wise peuvent se vanter de pouvoir embarquer, durant chaque escale, autant de nouveaux migrants vers leur musique. La Suisse n’aura elle non plus pas été épargnée.

Le temps de sortir et marcher quelques minutes au bord du lac pour se rafraîchir les poumons que Foals débarque sur la scène helvète qu’il connaît déjà bien. Montreux fait partie des villes qui ont cru en eux dès les premiers instants, et ces retrouvailles avec le canton de Vaud est un plaisir plus que partagé.

À un mois de la sortie de son nouvel album, on aurait pu s’attendre à une répétition publique de ses nouveaux morceaux ; crainte vite dissipée, car Foals est venu s’amuser et nous entraîner dans ses riffs pour un kiff gigantesque. Jukebox géant achevant le public titre après titre, Foals est assurément revenu en Suisse pour clamer à l’Europe entière qu’il est le patron et qu’il compte bien le rester. Sans fioritures et sans déconfiture, le best of du groupe s’abat sur la salle, prête à demander grâce pour cause de climatisation insuffisante. « What Went Down », premier single du prochain album, les achèvera au bout de soixante-dix minutes de concert intense avant qu’ « Inhaler » ne vienne puiser dans un râle jubilatoire le dernier souffle de mille paires d’oreilles qui n’en demandaient pas tant.

Une nuit sans sommeil pour cause de canicule et quelques brasses dans le lac plus loin, notre seconde soirée s’annonce plus intellectuelle et moins tribale. Quoique…
James Blake investit la scène devant une foule encore plus nombreuse que la veille – la salle n’étant pourtant pas extensible – et visiblement ultra au fait de tous ses morceaux et agissements potentiels sur scène. Celui qui semble être une sorte d’icône pour beaucoup
s’accapare le lieu en un tour de main et un tour de chant sans reproche et sans peur. Sa voix difficilement comparable ne faillit pas, ne faiblit jamais, et rentre en osmose avec les notes presque diatoniques des nombreux synthés sur scène. Le plus souvent a capella, la chapelle s’emplit de sonorités pures, vivantes, troublantes, enveloppantes, soutenues ou pas par des notes électroniques couvrant la salle à 360 degrés, comme pour mieux se perdre, comme pour mieux nous prendre.

Adepte du voice-over, James Blake alterne morceaux lancinants et tristes ou nous réveille sur des tempos dont la grammaire, au premier abord difficile à apprivoiser, prend toute sa résonance au fil du set. Au royaume du jazz, le gospel électro de l’Anglais prend toute sa légitimité. Blake nous a montré à Montreux que, comme le bon vin, tout n’est finalement histoire que d’équilibre et d’assemblage.

La salle ne désemplit pas pour s’assurer d’être aux premiers rangs du concert à venir de Hot Chip. Mais a-t-on déjà vu des nightclubbers se battre pour être au plus près du DJ ? La salle du Montreux Jazz Lab va rapidement se transformer en dancefloor et disséminer les rangs pourtant bien formés mais prompts à ne pas perdre une miette d’un show qui s’annonce d’emblée d’anthologie.

Et lorsque le groupe au complet appuie sur le bouton « ON », c’est On and On and On que vont défiler les prochaines quatre-vingt-dix minutes à grand renfort de ce qui fait le meilleur du projet britannique. On en viendrait même à regretter de trop nous en donner, car le set est intense, sans relâche, dans une continuité rythmique et énergétique qui fait battre en retraite les plus anciens. Le frontman Alexis Taylor capte la plupart des sunlights, mais c’est en véritable travail d’équipe, à l’instar d’un LCD Soundsystem ou d’un !!!, que Hot Chip remporte le titre du groupe le plus chaud et show du festival.

On a déjà hâte de découvrir la programmation du 50e Montreux Jazz Festival qui, sûrement, va amener son lot de surprises et de collaborations inédites.
Prévoyez donc un petit passage en Suisse l’été prochain. Les Helvètes peuvent vraiment être underground !


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Nicolas Nithart

grand voyageur au cœur de la musique depuis plus de 20 ans