[Live] Les Innocents au Trianon

Blur, The Libertines, et maintenant, dans un genre plus pop, les Innocents ; l’année concert 2015 brille notamment par les reformations de groupes qu’on n’attendait plus.

crédit : Richard Dumas
crédit : Richard Dumas

Voilà surtout une occasion parfaite d’exposer à la lumière du jour ces Innocents, séparés pendant seize ans, mais qui comptent parmi ce que le rock français a fait de mieux. Groupe décalé, les Parisiens sont à un croisement unique de la musique française, capables de convoquer avec élégance à la fois le meilleur du rock indépendant et la grande chanson française.

Le seul bémol à cette histoire est la déception de les voir en formule duo ; on est en effet un peu chagriné en pensant à tous les arrangements magnifiques des versions studios qui devraient forcément manquer au set. Craintes vite balayées dès les premiers accords.

Les deux têtes pensantes du groupe sont donc les seuls maîtres à bord. Deux voix et deux guitares, parvenant à saisir la quintessence des morceaux, mais aussi et surtout à leur octroyer un traitement véritablement cristallin. Le mot qui vient à l’esprit est « élégance ». Élégance des chansons, des accompagnements d’arpèges sublimes, des harmonies vocales, du décor, des textes oniriques. Les morceaux les plus doux sont ainsi joués. La délicate « Dentelle », la belle à pleurer « Le dernier soldat », « Raide raide raide » et son finish apocalyptique ; JP et Jean-Chri font mouche à tous les coups.

Mais les Innocents, ce sont aussi des coups de semonce rock comme « Un monde parfait » ou « Le cygne », à la fois insolites et fascinants. Ou, dans un genre plus pop, « Les cailloux » est une chanson vouée à donner des frissons à quiconque étant, au moins une fois dans sa vie, tombé amoureux et s’étant trémoussé sur la musique de The Kinks.

Plus d’une heure de concert sans temps faible, pendant laquelle les morceaux du dernier album font agréablement leur trou ; et on se rend compte qu’il reste encore toute une panoplie de tubes à jouer.
Les Innocents sortent ainsi l’artillerie lourde et proposent une bande-son de notre vie pendant les années 90. « L’autre Finistère », qui rappelle à quel point le texte est fort et la mélodie fédératrice, « Colore », ou encore « Un homme extraordinaire » en clôture, pour un public aux anges.

À domicile, les deux musiciens ont à cœur de proposer un spectacle exigeant, reflétant sans cesse leurs deux personnalités diamétralement opposées (le frondeur et l’introverti), et pourtant tellement symbiotiques. L’un blague, jacasse, improvise sur les morceaux comme si personne ne le regardait. L’autre est tempéré et plus contemplatif. Le mariage des deux est ainsi touchant lorsqu’il s’exprime dans une telle complicité musicale.

crédit : Richard Dumas
crédit : Richard Dumas

Cette reformation est bel et bien synonyme d’un très beau succès, dont le show accomplit l’exploit d’être à la fois intimiste et électrisant. Les Innocents sont plus que jamais uniques : une magnifique anomalie sur la scène française, qu’il faut absolument aller voir.


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Sébastien Weber

chroniqueur attaché aux lives comme aux disques d'exception