[Interview] Keltoum

En cinq titres parus il y a presque deux ans, Keltoum est parvenue à accomplir rien de moins qu’un pur et simple miracle : réconcilier, grâce à son écriture et son sens de la composition, les intonations jazz éternelles de grandes divas de l’Histoire et un R’n’B mâtiné de pop offrant à sa musique la modernité qui la rendra indispensable aux générations actuelles. Bercée par ses émotions et inspirations sentimentales, l’artiste envoûte, caresse les sens de l’auditeur et ouvre une voie vers la lumière et la compréhension de nos sensibilités, de nos joies, de nos mélancolies. Aujourd’hui, elle nous raconte de quelle manière son EP a vu le jour mais, plus que tout, comment celui-ci a changé sa vie, bien plus que la nôtre, pourtant d’ores et déjà embellie par ses charmes immortels. 

crédit : Kévin Froly
  • Bonjour et merci de bien vouloir répondre à nos questions ! Tout d’abord, ton EP est sorti depuis un peu plus d’un an ; peux-tu nous parler des échos que celui-ci à reçus, tant en France car l’international ? En effet, il semble s’être magnifiquement bien exporté, ce qui est amplement mérité…

Bonjour, c’est avec grand plaisir !

En effet, il est sorti en France avec un bel accueil aussi bien côté public que médias, et de jolis coups de cœur et playlists (France Bleu, Nova, FIP, CStar…) ; en tout, plus de cent radios ont diffusé mes titres. Mais également en Angleterre, notamment sur Londres et cela sans aucune promo au départ (JazzFM, Worwilde FM, Wonderland Magazine, MiSoul Radio). Assez surprise, car cela a fait très vite boule de neige côté radios UK. J’ai aussi eu la chance de participer au Gilles Peterson’s Worldwide Festival et de rencontrer Gilles, qui est une institution au Royaume-Uni et un peu partout dans le monde.

  • Ce disque explore de nombreux genres, du blues au R’n’B, sans essayer à aucun moment de s’enfermer dans des formats préconçus ou réducteurs. Comment as-tu envisagé sa conception, sa composition ?

J’aime la musique, la musique afro-américaine anglo-saxonne spécifiquement ; du coup, cela se ressent dans mes compositions. Je ne calcule pas tout ça, je me laisse juste guider par mes inspirations du moment. On peut y entendre du R’n’b, de la neo soul, de l’acid jazz, de la pop, de la soul music de manière plus globale… Ce sont mes influences. J’aime bien mixer ces styles aussi, parfois dans une même chanson, qui peut commencer en ballade et finir en mode plus hip-hop ou autre. J’ai même proposé cet été un remix house électro et, finalement, le public a adhéré ! Je ne veux surtout pas être placée dans une case et perdre cette liberté !

  • Avais-tu, durant ce processus, des artistes qui, selon leur façon de concevoir la musique, ont motivé tes propres choix artistiques ? Et si oui, lesquels, et pourquoi ?

Il y en aurait tellement à citer… Mais si je devais choisir, je dirais qu’il y a pas mal d’artistes soul, avec aussi bien toutes les stars de la Motown (Stevie Wonder, Marvin Gaye, Aretha Franklin) que pop avec Mickael Jackson ! Difficile de passer à côté. Ensuite, au niveau du R’n’B/neo soul, je parlerais d’artistes comme Jill Scott, Erykah Badu , SZA, Solange, The Internet, Franck Ocean , Tom Misch, Di Angelo, Raphael Saadiq, etc…, et hip-hop (Q-tip, Common , De La Soul…). Ce sont des artistes que j’aime, que j’écoute ; du coup, je pense que cela m’inspire ! Je suis plutôt sensible aux mélodies et à l’ambiance des morceaux ; à l’interprétation, également.

  • Tu soignes énormément le timbre vocal, tant sur tes pistes principales que sur les chœurs. Comment t’es-tu préparée avant l’enregistrement, et quelle a été ta formation musicale pour atteindre un tel résultat ?

Je suis complètement autodidacte, dans tout d’ailleurs ! (rires) Donc je prends cela comme un vrai compliment ! En fait, lorsque je préparais cet EP, j’ai choisi de travailler ma voix, de faire des exercices, de bosser un peu plus la technique pour la scène, puis pour le studio. Aussi, avec ma coach (Pascale, de JAM Montpellier) et Maugan (Studio Kiwi Records), on a travaillé les harmonies ensemble.

  • De même, chacun des titres paraît en constante évolution, comme si tu voulais trouver différentes expressions mélodiques dans une seule et même piste. Est-ce une façon de créer un langage particulier, qui soit ton propre moyen d’expression ?

En effet, c’est ce que j’expliquais plus haut : j’aime bien l’idée d’un voyage, sortir du cadre, avec des ponts différents ou bien des outros. C’est un peu ma patte. Cela m’amuse beaucoup. Quand je crée, je peux partir d’une mélodie, d’un rythme puis dévier complètement. S’il y a autre chose qui arrive et que ça me plaît, je garde ! Cela me laisse plus de liberté de création. C’est mon terrain de jeu, alors j’y vais à fond. Sur scène, c’est encore plus vrai puisqu’il y a pas mal d’autres arrangements dans cet esprit. Grâce à cette interview, les gens savent maintenant qu’il faut écouter chaque chanson jusqu’au bout ! (rires)

  • Même si le disque est admirablement bien arrangé, il émane de lui un intimisme constant, une façon d’inviter l’auditeur à la confidence. Comment as-tu réussi à unir aussi bien le travail intensif sur les compositions et cette façon, bien à toi, de sembler convier celles et ceux qui t’écoutent à te rejoindre dans ton univers ?

Tout d’abord, merci à nouveau ! Je ne sais pas comment l’expliquer… Tant mieux si c’est le cas, c’est vraiment ce que je recherche. Je peux dire qu’il y a eu pas mal de travail en amont car je préfère sortir des titres de qualité. Je voulais viser haut avec cet EP. C’est surtout un travail d’équipe, aussi bien par les musiciens qui ont apportés leurs touches d’interprétations, que le studio tenu par deux musiciens de talent qui m’ont accompagné dans cette réalisation en comprenant mon « univers ».

  • L’adjectif qui me vient le plus à l’esprit, en écoutant l’opus, est « organique ». Peux-tu nous parler des musiciens et ingénieurs du son qui t’ont aidée à trouver cette alchimie, cet équilibre donnant à l’ensemble aussi bien sa cohérence que ses couleurs chaudes et sensuelles ?

Je devance un peu les questions… Oui, peut être. Déjà dans ma voix, ma façon de chanter, me semble t-il. Le fait de jouer avec des musiciens et des choristes n’est pas anodin, cela ajoute de la « chaleur », un côté plus authentique. Enfin, le mixage a été orienté dans ce sens. C’est un ensemble, je dirais. Il faut savoir que je jouais déjà ces morceaux sur scène avant l’enregistrement, donc nous étions tous préparés.

  • « Misunderstanding » est une chanson vraiment particulière : d’une ambiance piano bar, il monte peu-à-peu vers des teintes célestes, aériennes. Il annonce une suite qui part de l’introspection vers une universalité de la musique. Es-tu d’accord avec cette définition ?

C’est une des chansons les plus structurées, il y a environ cinq parties avec beaucoup d’évolution en effet. C’est une ballade puis, au fur et à mesure, j’avais envie d’une « explosion » dans tous les sens du terme, en tout cas émotionnellement et, musicalement, un peu en mode gospel, avec quelque chose qui s’ouvre. On peut le voir comme cela.

  • Du fait de te donner corps et âme sur disque, comment parviens-tu à recréer une telle exposition lorsque tu es sur scène ? Que représente la performance en public pour toi ?

Ce sont deux ambiances et exercices complètement différents. Il est vrai que j’ai énormément donné sur ce disque. En live, eh bien je me lâche davantage encore !

  • La mise en scène de cette confidence doit être importante, primordiale dès lors que tu montes sur les planches. Quelles sont tes envies quand les lumières s’éteignent et que tout commence ? Et comment te sens-tu une fois que la salle se rallume ?

C’est un des meilleurs endroits où j’ai envie d’être ! Ce partage avec le public et avec mes musiciens… Je me livre complètement, je suis dans l’émotion avant tout. Aussi, j’explique au public mes chansons, je communique avec lui, on danse, on s’émeut… Je reçois et donne beaucoup d’amour, que de bonnes énergies ! À la fin des concerts, les remerciements font vraiment plaisir. Je ressens le sentiment d’une mission accomplie : réussir mon concert et passer tous ensemble un bon moment.

  • Que peut-on attendre de toi dans les mois à venir, après le succès de ton EP ?

Un plus grand succès du deuxième qui devrait arriver en 2020 … et pour les autres à venir ! On croise les doigts et, surtout, je vais continuer à bosser à fond !


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.