[Interview] J.C Sàtan

Quelques semaines après la sortie de son cinquième album, « Centaur Desire », J.C Sàtan nous accueillait dans ses loges avant de donner l’un de ses concerts épiques entre garage foutraque et désinhibé et rock psychédélique habité et convaincu. C’était à l’occasion de la 4e édition du Wine Nat White Heat, festival dédié aux vins naturels, que nous avons pu taper la discute avec la bande loquace au complet. Tentative de réassemblage d’une entrevue sans langue de bois.

crédit : Antoine Delage
  • Pour un projet qui approche doucement des dix années d’existence, votre nom de scène a-t-il aujourd’hui pris une autre signification que celle que vous lui donniez au début ? D’ailleurs, comment est venue cette dualité dont vous vous amusez ?

Étant donné qu’il n’en avait pas beaucoup à la base, on peut dire que oui. Aux débuts du groupe, on s’appelait seulement Satan. Le J.C, lui, est venu parce qu’on ne nous trouvait pas avec « Satan » sur Internet. On n’arrivait même pas à trouver notre MySpace. Ce genre de raison est encore valable, car on arrive désormais à nous trouver sur Google. C’était une bonne chose de l’avoir fait.

  • Est-ce que, à ce sujet, vous avez quelques anecdotes à propos du nom qui aurait offusqué, à tout hasard, des catholiques intégristes ?

Ce n’est jamais arrivé ! Il y a souvent des demandes d’amis d’Africains qui essaient de rejoindre l’église de Satan. Ils disent qu’ils aiment Satan aussi (rires). Au niveau anecdote, au sujet de notre nom, vu qu’on n’est pas si connus que ça des catholiques, je pense que seule une partie de la population catholique assez intégriste pourrait s’énerver de ça, du nom assez second degré d’un groupe de rock. Mais le jour où ils entendront parler de J.C Sàtan, c’est éventuellement que la planète ira un peu mieux.

Comparé à des noms comme Viet Cong (désormais Preoccupations, NDLR) ou Violence Conjugale, par exemple, qui sont sur des événements de l’Histoire qui existent, Satan, honnêtement, n’existe pas ; ce n’est pas quelqu’un qui est venu me taper ou taper mon frère. Les Viet Congs, eux, ont tué des gens. Satan, c’est un truc inventé par la religion. Il n’y a rien d’offensant. Si tu lis la Bible, à la base, c’est un ange envoyé par Dieu sur terre pour juger les humains. Le seul truc à la limite offensant, ce serait d’utiliser le nom JC, mais JC et Satan, c’est plutôt une relation logique. Cela n’insulte personne.

  • Est-ce une force d’avoir une Italienne dans l’équipe ? Selon vous, les gars ?

C’est trop bien ! Quand on se balade à Naples, on va boire des super cafés, on va manger des pizzas… Bon, là, c’est la jolie partie de l’histoire. Après, tu as les phases où tu te fais crier dessus (rires). Enfin, ça serait bête de taper sur les Italiens. Nous, les Français, on est les pires chauvins de la terre. Voilà !

  • On dit parfois que certains albums sont conçus pour les stades. À quel qualificatif pourrait-on identifier la musique de J.C Sàtan ?

On est multi scènes. On est aussi à l’aise dans des caves que dans des festivals, je trouve. Après, pour les gens, c’est sûrement plus intéressant de nous voir sur une scène un peu réduite. Là, on peut comprendre l’intensité qu’on peut avoir. Un gros système ne retranscrit pas les événements de la même manière. Une salle un peu intermédiaire, avec un gros son de scène derrière, dans ma tête, c’est le mieux. En fait, pour tous les groupes du monde, ce serait le cas. Enfin, pour les groupes avec des amplis, c’est important. Le son des amplis des groupes, c’est ça qui est vraiment important !

  • L’an dernier, nous souhaitions les dix ans de Born Bad Record, qui a produit vos deux derniers albums. Le big boss du label, Jean-Baptiste Guillot, dit qu’il préfère produire une musique « de la seconde division » (cf Rock & Folk, avril 2005). Est-ce que c’est ce genre de discours qui vous a séduits ? Qu’avez-vous senti de différent en bossant avec lui, en rejoignant son catalogue ?

C’était pour construire une première division, justement (rires). Je me rappelle de cette interview. Il parlait de Magnetix, de groupes comme ça. Les mecs ne sont pas techniques mais, dans la façon de jouer, ce sont des sauvages. À l’époque où il les a découverts, c’était dantesque. C’était un homme et une femme des cavernes qui faisaient n’importe quoi. Pourtant, tu n’avais jamais vu ça avant ! Lui, quand il parle de première division, il parle de groupes trop chiants : il venait d’une major, à la base. Pour lui, les groupes de seconde division, ce sont des groupes humains. Il ne veut pas travailler avec des gens chiants.

  • Ce dernier album vous a donné une visibilité bien plus importante en ayant de nombreuses interviews dans un paquet de médias plus ou moins spécialisés, parfois même très généralistes. Quel est, pour vous, ce qui a fait la différence, cette notoriété nouvelle avec cet album ?

Je ne trouve pas qu’on en a plus que pour l’album précèdent. C’est juste qu’avec le dernier, on avait fait des médias plus gros et que, cette fois-ci, c’est un peu plus vaste. On ne sent pas de différences. Je ne suis pas sûr qu’on n’ait vraiment plus de visibilité. Le Born Bad bosse toujours de la même manière. Attention, on ne se plaint pas ! On est hyper contents, mais on n’a pas l’impression d’un truc hallucinant. L’album est surtout juste un peu plus diffusé sur plus de radios.

  • Vous êtes passés récemment dans « L’album de la semaine » de Stéphane Saunier sur Canal, certainement l’un des meilleurs et derniers plans télé dans un esprit rock. Avez-vous une anecdote à nous raconter sur l’émission ?

C’était la deuxième fois, en fait. L’autre fois, c’était même mieux. On avait toute une semaine. Là, on avait un plateau à trois. C’est juste qu’eux, à « L’album de la semaine », ils n’avaient plus de budget avec la Coupe du Monde qui arrive. Ils ne pensaient déjà pas faire un plateau avec tous ces groupes français, mais il les a regroupés à cause de la Coupe du Monde. Ça avait sapé son budget. Du coup, la fois d’avant, c’était beaucoup mieux (rires).

  • C’est un label américain, Slovenly Records, qui a signé vos deux premiers albums. Ça me rappelle le cas des Limiñanas, avec qui nous échangions il y a quelques semaines et qui ont, eux aussi, d’abord percé d’abord outre-Atlantique. Les labels américains sont-ils de meilleurs producteurs de musique garage rock que nos labels français ? Doit-on leur laisser cette production et garder celle du fromage ? 

C’est eux qui font, à la base, la production de garage. En France, on ne fait qu’apprendre de leur façon de produire et de faire aussi, un peu. Ce soir, il n’y a que des groupes ricains, on est les seuls Français. Ce sont eux qui ont amené cette musique, mais de là à dire qu’on ne sait pas le faire…

  • Qu’est-ce qui vous a fait revenir sur un label français ?

On ne s‘est jamais posés la question. Quand on a sorti le premier album sur Slovenly, on ne tournait pas en France, mais plus en Europe. C’était un peu plus logique. Slovenly fait plein de choses pour les groupes européens. C’était logique de faire ça. Mais quand on a été un peu plus connus chez nous, à un moment, on est revenus en France. On n’appartient pas à une famille. Personnellement, on pourrait dire à JB de Born Bad qu’on veut faire autre chose. Ce n’est pas qu’on n’est pas contents de bosser avec JB ; le cheminement, c’est juste qu’on jouait plus en France, alors on s’est tournés vers des labels qui vont nous sortir en France. Pour tourner, c’est plus simple. Si on veut de nouveau jouer plus en Europe, on envisagera autre chose. Après, on est venus sur Teenage Menopause pour le troisième album parce que ce sont nos potes. Mais il n’y a pas de réflexion là-dessus.

  • Pour parler un peu de votre vie de groupe, avez-vous un rituel inavouable lors des enregistrements ?

Ah là, non. On n’a plus de rituels pour les concerts. On boit beaucoup ! En fait, je (Arthur, NDLR) fais tous les morceaux tout seul chez moi, ensuite j’envoie les idées à Dorian. Donc on n’enregistre pas en groupe, de toute façon. Du coup, on a moins de rituels, même si on enregistre de plus en plus en groupe.

  • Sur vos albums, il y a des changements de rythmes radicaux entre les morceaux (certains sont rageurs et d’autres plus proches de la ballade). Comment trouve-t-on un équilibre entre le calme et la tempête ?

Ce sont des choses qui viennent naturellement. Je te répondrai par l’absurde. Est-ce qu’il serait logique qu’un groupe veuille correspondre à un seul rythme ? De le décider ? Un groupe qui sort un hit et que tu vas voir ? Si tu trouves le reste décevant, au final, je préfère composer une ballade et, ensuite, un morceau puissant que de faire une pseudo-ballade à la « Scorpions ». L’homogénéité de l’album va se retrouver dans la façon d’écrire. Ce que j’aime bien, c’est que, malgré la différence des morceaux, ça reste homogène, enfin je l’espère. On reconnaît un peu l’écriture, je crois. J’espère, en tout cas. Moi, j’aime bien quand j’écris un album et qu’il y a des creux. Il ne faut pas que tu sois à 100% tout le temps. Il faut que ça vive. C’est que, naturellement, ça se fait. Qu’on ait des moments où on souffle et puis, juste après, tac ! On ne se pose pas de limite, on fait ce qu’on veut faire, comme dans la vie. Un moment où tu es triste, un moment où tu veux déconner et tout… On n’a pas fait un groupe que pour faire des hits (rires). On ne réfléchit pas trop… Enfin, Arthur, si tu lui mets cinq morceaux calmes de suite sur scène, il ne voudra pas le faire. Pour moi, il faut que tous les morceaux soient géniaux ! Mais certains doivent être un peu moins géniaux. Il faut un morceau qui tue puis, après, un morceau hallucinant ! (rires). Il y a des morceaux moins bien, c’est normal. Même chez Weezer, ils ne sont pas tous géniaux… le premier Weezer, pas le dernier, hein ! (rires)

  • Il y a une photo particulièrement drôle de Titouan Massé (que vous utilisez d’ailleurs comme image de votre profil sur votre page Facebook) qui vous montre de dos en train d’uriner sur le collage des gars de Frustration, également signés chez Born Bad. On peut espérer une revanche de leur part ?
crédit : Titouan Massé

À mort les vieux, place aux nouveaux (rires) ! On est vraiment des potes ! On était avec un pote qui nous a pris en photo. En plus, il y avait déjà un groupe qui avait fait ça avant. On a fait ça pour se marrer. Il n’y a pas de message. Tu vois juste tes potes en gros sur un mur, t’as envie de pisser dessus (rires).

  • Last question : si vous deviez nous conseiller des groupes à découvrir absolument, quels seraient-ils ? Pour la petite anecdote, Lionel Liminana nous conseillait de nous pencher sur votre cas lors de cette même question.

Holiday INN, Minneapolis Uranium Club, Aquaserge, April March, Sam Fleisch (Gaspard joue dedans) et Octobre/Novembre.


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Nicolas Halby

Parce que notoriété ne rime pas forcément avec qualité. J'aime particulièrement découvrir l'humain derrière la musique.