[Live] Hocus Pocus et Tom Misch à Jazz à Vienne

Le Jazz n’est pas le seul style musical représenté dans le festival isérois de Vienne, et c’est une soirée aux confins du hip-hop et de son hybridité avec la soul et le funk qui se déroulait ce 5 juillet 2019.

Hocus Pocus – crédit : Arthur Viguier

Pour l’un de ses deux seuls concerts de l’année en France, Tom Misch avait choisi de faire un stop par Jazz à Vienne pour la première fois de sa jeune carrière. Avec son timbre de voix tout à fait particulier – dont la maturité, l’insolente clarté et l’enveloppante rondeur confèrent immédiatement à la soul – l’Anglais de 24 ans était chargé d’ouvrir les festivités. Dans une ambiance chill de début d’été, la profondeur de la basse et les riffs des premiers morceaux se muaient en partenaires idéaux pour accompagner le coucher du soleil. « It Runs Through Me », issue d’une collaboration avec De La Soul, fait d’emblée parler ses accents exotiques, joliment rehaussés par des percussions tropicales.

Alors qu’on laisse échapper quelques frissons jouissifs au détour de « Losing My Way », autre featuring sur lequel le talentueux FKJ est venu poser sa patte, on prend pleinement conscience de l’hybridité dont la musique de Tom Misch est empreinte. Le jeune Britannique sait jongler avec les styles, glissant d’une neo soul sur « I Wish » à un tempo pop-funky bondissant sur « Disco Yes », pour synthétiser l’ensemble de ses influences au fil du presque 100% instrumental « Day 4: Everybody Get Down », ode moderne à la beauté du saxophone, et de « Tick Tock ».

Passée cette introduction extrêmement vive, l’atmosphère devient plus lounge, comme le veut souvent le temps du mi-concert. Si bien que la setlist du soir finit manquer de relief et peine à tenir la distance après s’être trop longtemps appesanti dans l’accalmie. Il manque un emballement, une montrée en puissance, une envolée instrumentale ou lyrique – dont on sait Tom Misch et son armada de musiciens parfaitement capables – pour basculer dans la communion générale.

Tom Misch – crédit : Simon Bianchetti

Un medley hip-hop en forme de jam aurait pu nous mener vers ces sphères extatiques, mais le groupe ne nous récupèrera sur la route que dans l’exode du concert, au long d’un « Lost In Paris ». Après une année 2018 intense en concerts, les prochains mois seront certainement l’occasion pour Tom Misch de définir les lignes d’un nouvel opus. Nous attendrons avec impatience le successeur de « Geography » et les singles qu’il délivrera pour étoffer les lives futurs. Si l’on en croit le dernier inédit en date, l’ultra référencé « Money » signé avec Michael Kiwanuka, les collaborations seront encore légions !

Quand Hocus Pocus a annoncé son retour sur scène en 2019, c’est par la date de Jazz à Vienne que le groupe a ouvert le feu. Et à peine eurent-ils soufflé sur les braises que les six Nantais enflammèrent un Théâtre Antique bondissant et impatient. Après une introduction démente orchestrée par DJ Greem aux platines, 20Syl débarquait rapidement pour placer son flow si caractéristique. Il confiait d’ailleurs plus tôt dans la journée, lors d’une conférence au théâtre de la ville où il revenait sur les premières années du groupe, l’importance qu’il accorda très vite au placement rythmique et à sa manière de découper les mots, avant même de se focaliser sur le champ lexical des textes.

Durant 1h30, le théâtre romain s’est imposé comme un écrin idéal pour valoriser le son d’Hocus Pocus, grâce à l’acoustique exceptionnelle qui en émane. Chaque rupture rythmique soulignée par le trio de cuivres d’Electro Deluxe – véritable signature sonore de la bande – s’est imposée de façon jubilatoire et mieux que dans n’importe quel festival multiscènes. En offrant un panorama de ses trois albums officiels sortis en 15 ans – « 73 Touches », « Place 54 » et « 16 Pièces » – le groupe a su faire corps avec le public, jusqu’à se rendre physiquement au milieu de la foule sur le monumental « Hip Hop ». Même les quelques gouttes de pluie dans le dernier tiers du concert n’ont guère réussi à entamer la communion gigantesque qui se déroulait.

Avec son trio porteur formé de 20Syl, DJ Greem (qui constituent également à eux deux la moitié du quatuor C2C) et Ledeunff, le groupe fait preuve d’une aisance déconcertante lorsqu’il se retrouve sur scène. Pas besoin de traverser l’Atlantique pour se retrouver aux racines de la soul et du hip-hop, il suffit de faire confiance aux hommes venus de l’Ouest français. Les titres d’Hocus Pocus offrent un voyage dans le temps et rendent toujours si bien hommage à la virtuosité de la musique noire américaine. Par-delà la mélodie et les arrangements, c’est bien entendu dans les samples que les références sont les plus sensibles. Du bluesjazz de Miles Davis sur « 73 Touches » à la soul de Z.Z. Hill sur « Mr Tout le Monde » en passant par l’homme le plus samplé de tous les temps, James Brown, sur « Comment on faisait avant ? », le rap de 20Syl et le timbre à la fois profond et éraillé de Ledeunff s’accrochent aux bribes de sons de leurs idoles.

Le groupe se permet même un passage acoustique qui ne sonne pas creux à ciel ouvert, ou encore un beatbox loopé en direct, avant d’asséner le coup de grâce avec le puissant « Vocab! » accompagnés par le MC invité, Mr. J. Medeiros, et par la chorale des 7000 spectateurs martelant les paroles.

Hocus Pocus ne s’y trompe pas en concluant autour de deux de ses titres les plus forts, « Le Majeur qui me démange » – qui laisse s’exprimer le débit infernal de 20Syl – et « Beautiful Losers » – autre exemple d’écriture habile et synthèse absolue des multiples penchants musicaux de la bande.

Si un nouvel album n’est pour l’instant pas à l’ordre du jour, la tournée estivale pourrait bien raviver l’envie de se retrouver ensemble en studio. C’est en tout cas ce que le public – déjà conquis avant le concert, et qui quitta les lieux transporté – implore. Mais entre les nombreux projets parallèles de chaque membre, et l’impatience générale de voir C2C se reformer, 20Syl, Greem et les autres ont de quoi s’occuper !


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Florian Fernandez

Florian Fernandez

"Just an analog guy in a digital world". Parfois rock, parfois funk, parfois électro, parfois folk, parfois soul, parfois tout à la fois.