[EP] Gliz – Only Sunday

Il suffit parfois de quelques secondes pour tomber sous le charme d’un groupe, et devenir foncièrement adepte d’une identité sonore, comme celle du trio jurassien Gliz. Au-delà d’une formule peu courante, confrontant la candeur du banjo, la rondeur du tuba et la vigueur de la batterie, nos trois musiciens démontrent, avec leur deuxième EP, la force d’une écriture énergique et poétique, qui pourrait nous faire facilement verser dans l’humeur dithyrambique.

N’ayons pas peur des mots : Gliz est une révélation, qui a réveillé chez nous le souvenir ému d’un très grand groupe belge, Venus. Notre trio fait en effet partie de ces groupes capables en quelques instants de sublimer des climats émotionnels avec une intensité surprenante et rare. Le punk n’est jamais bien loin, mais un punk rural et romantique qui fornique allègrement avec le jazz, la country et le rhythm’n’blues comme au plus beau jour des Violent Femmes. « J’ai essayé de te respecter, mais finalement je n’ai pas pu », c’est ainsi que nous pourrions traduire les mots introductifs du single « Only Sunday », où les sentiments et la passion se télescopent, définissant en anglais l’amour comme « un western où tu embrasses l’ennemi ».

À travers cinq titres aussi forts que différents, les trois instruments complices se répondent, se narguent, et s’embrassent dans un ballet émouvant et fragile. Sans être forcément complémentaires, ils attirent des contraires, provoquent des contrastes et emmènent la musique vers une forme de lyrisme, entre profane et sacré. Punk dans les faits donc ! À travers cette envie de piétiner les règles de la pop music, Gliz emprunte également au blues originel cette obsession à chanter l’amour déçu et impossible, celui qui fait mal et nous pousse vers tous les excès. « In the Garret » est certainement le plus bel exemple, dans le fond comme dans la forme, de cette capacité à transposer les frustrations et les douleurs amoureuses dans une intense construction acoustique, qui sait profiter de l’électricité au bon moment. Tout au long du disque, nous sentons un groupe qui maîtrise son art, mais recherche en permanence le point de rupture ; cet espace instable et mouvant, lieu de vérité et d’humanité. Forcément, le groupe trouve dans les intentions frontales et habitées de son chanteur, Flo, à mi-chemin entre David Eugene Edwards (16 Horsepower, Wovenhand) et Maynard James Keenan (Tool), l’incarnation de désirs brûlants qui ronge l’âme et les sentiments.  « 2413 » clôture cet EP, en nous perdant dans les méandres sonores d’un harmonium omniprésent et cathartique. Des fantômes surgissent alors de notre cerveau. Nico, Ian Curtis, Alan Vega apparaissent par instants, figures éternelles d’un certain anticonformisme musical et culturel dont Gliz semble interroger à sa manière l’héritage pesant, mais très loin de toute forme de révérence et encore plus du piège de la nostalgie.

crédit : Camille Duboubs

« Only Sunday » est, de toute évidence, une promesse pour un futur exigeant et intense tant il met en lumière une identité singulière et déjà complètement assumée. Le rendez-vous est donc fixé avec Gliz, formation qui a su et prend encore son temps, pour franchir les étapes d’un processus artistique intègre et captivant.

« Only Sunday » de Gliz est disponible depuis le 14 avril 2017 chez Youz Prod.


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Laurent Thore

Laurent Thore

La musique comme le moteur de son imaginaire, qu'elle soit maladroite ou parfaite mais surtout libre et indépendante.