[Live] Gaël Faye à la Mairie de Gentilly

Il pouvait y avoir des doutes. Marcher dans les rues désertes de Gentilly. Dépasser un PMU qui ferme ses portes. Croire que le silence enveloppera la scène. Que le calme habitera la salle. Pourtant peu à peu, les pas amènent à destination. Peu à peu, les pas amènent jusqu’à Gaël Faye. Et alors, comprendre que la nuit sera douce et bienveillante. Chronique d’un concert qui rend fort.

crédit : Solène Patron
crédit : Solène Patron

Ce qui prend en premier, ce qui palpite dans les veines et les corps, n’est pas une voix, n’est pas un homme, n’est pas une âme. Ce qui capte, ce qui porte est d’abord une délicieuse musique. Saveur de contrés, d’ici et d’ailleurs. La scène et les mélodies comme des traits d’union tirés entre les nations, entre les langues et les épices. Des instruments pour danser avec chaleur et joie. La musique émane, il y a comme un air de fête de village. Ces odeurs et ces chaleurs ramenées de voyages dans des valises chahutées.

Mais il n’est pas seulement question de soirées endiablées, de danses effrénées, la musique amène tout ce qu’il y a de plus noble, de plus sage, de plus frappant. Force portée par les chœurs aux timbres terriblement habités par le continent africain.

Qui parle de chœurs parle de voix. Et si on parle de voix, parlons de flow. Celui de Gaël Faye marque. Poignant, par le poids qui est donné aux mots quand les textes martèlent et se déversent lentement dans le fleuve humain. La verbe est soulignée par le découpage magnétique des gestes qui se dessinent sur l’immense corps du rappeur. Le temps est laissé aux mots. Le temps est laissé à la poésie.

Pourtant tout ce qui est dit vit dans l’urgence, dans l’envie de briser les chaînes et les mensonges. Gaël Faye et ses textes se dressent tels des poings levés face à la colonisation et à ses nouveaux dérivés. Pourtant, jamais il n’est question de morale ou bien de leçon. De sa hauteur, le garçon livre un regard à taille humaine. Noble et pourtant si humble. Il est ce Petit Prince riche de philosophie et d’aventure. Lavé de toute agressivité, de toute haine et tout regret. Comme s’il avait parcouru son chemin, celui qui amène à la sérénité et au pardon. Si le corps et le flow sont apaisés, c’est dans le texte que le brasier continue de brûler. Silhouette sinistre et pourtant si fascinante du Rwanda et des génocides. Ce sont ces absurdités haineuses qui hantent au plus profond l’âme de son rap. De là-bas à ici. D’un piment Pili Pili à un croissant au beurre. De Burundi à Paris, Gaël Faye dresse une chronologie, une cartographie loin de la détresse. Loin, mais empruntée des vérités les plus sanglantes.

La soirée est belle et puissante. Parce qu’elle mêle l’allégresse et la prise de conscience. Comme un mariage en pleine guerre civile. Comme « Bouge(r)à Buja » lorsque « Président » assoiffe. Comme se dire « Je pars » et savoir qu’on pleurera son « Petit pays ». Gaël Faye est ce sage. Celui qui sait apaiser et fédérer. Celui qui sait dire et qu’on aime écouter. Celui qui donne cette chaleur, ce courage. Là, à gauche, en dessous des côtes, dans notre chair, on sent la palpitation plus forte. Plus chaude.


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Juliette Durand

étudiante en cinéma, arpenteuse des scènes parisiennes et passionnée des musiques qui prennent aux tripes