[Interview] Driving Dead Girl

« J’ai 10 ans, t’ar ta gueule à la récré » ! C’est un peu ce qui anime les joyeux lurons de Driving Dead Girl, groupe décagénaire et apatride dans la jungle luxuriante de la scène belge. Coincés entre Flamands et Wallons, mais pas étriqués dans leur rock garage et destroy, indiemusic a risqué un moment avec le groupe et son manager avant leur montée on stage, histoire de voir de quelle gueule de bois se chauffent ces Stooges vêtus de Spencer.

Drving Dead Girl par Fred Lombard
de gauche à droite : Ronald, Vincenzo, Dim et Ruggero.
  • Bonjour les Driving Dead Girls, on se fait un petit tour de table pour savoir qui est qui ?

Driving Dead Girl : – Dim, chanteur et guitariste, à l’origine du groupe avec Ronald.
– Bertrand, je m’occupe du groupe.
– Ruggero, bassiste dans le groupe depuis 1 an et demi.
– Vincenzo, batteur depuis 4 ans… non, 6 ans déjà (Bertrand : après plusieurs batteurs, ils ont enfin trouvé leur Dave Grohl !).
– Et moi je suis Ronald, le guitariste.

  • Racontez-nous un peu l’origine du groupe qui a maintenant 10 ans.

Dim : On a débuté en 2003 dans un bureau sombre d’une base militaire, car Ronald habitait justement une base militaire à l’époque. On a vraiment démarré en 2004 avec le festival de Dour (on avait gagné le tremplin pour pouvoir y jouer, grâce à Bertrand), et 5 batteurs et 6 bassistes plus tard nous voilà ! Avec Ruggero et Vincenzo avec nous maintenant, ce n’est plus un sacrifice, mais un soulagement !

  • Quelle est la signification du nom du groupe ?

Ronald : Il n’y a pas vraiment de signification, on aimait bien tous les mots et on les a mis ensemble

Dim : On était parti sur le nom d’un groupe horrible, Dead Girls Never Say No, mais on s’est dit que c’était un peu trash, on a juste gardé le Dead Girl. Le Driving, je ne sais plus trop, à l’époque on devait être dans le rock’n’roll, les bagnoles américaines. Pas mal d’Anglais et d’Américains nous ont dit que cela ne voulait rien dire…

  • Je pensais que cela signifiait « conduire une fille morte » : genre on se balade en voiture avec une fille morte dans le coffre, ambiance Tarantino…

Dim : eh non, cela ne se traduit pas… ça swingue, ça fonctionne !

  • Quelles étaient vos sources d’inspiration au départ depuis Bruxelles, d’où vous êtes originaires ?

Ronald : Surtout le punk, l’énergie.

Dim : Les Black Flag, les Dead Kennedys, ce genre de groupes. Puis on est partis sur les Oblivians qui nous ont pas mal inspirés pour le premier album, ainsi que les Jon Spencer Blues Explosion qui nous ont beaucoup influencés. On a depuis quitté ce style, mais on aime toujours !

Dim : Il y a eu aussi Rocket From The Crypt et Social Distortion, on aimait tous leurs albums, on voulait faire du rock’n’roll comme eux, avec toute cette énergie.

Driving Dead Girl © Fred Lombard

  • Vous vous sentez donc plus proche du rock US que du rock belge ?

Dim : Il n’y a pas vraiment de groupe en Belgique qui fait du rock comme cela, à part The Experimental Tropic Blues Band. Je veux dire en Wallonie… Sans vouloir faire de clivage, les Flamands n’ont pas tout à fait la même culture, ils sont plutôt orientés vers la culture anglo-saxonne, les Wallons beaucoup moins.

  • il y a aujourd’hui un vivier important de groupes belges. Peut-on dire que vous vous inscrivez comme dans une parenthèse ?

Bertrand : Moi qui ne suis pas musicien et qui aide à développer le groupe, c’est exactement le sentiment que j’ai. On est tout le temps là en parallèle, on essaye de faire les choses et comme je le dis à notre agent, Manu de l’Igloo, c’est frustrant, car on sent quelque chose que l’on peut toucher, mais on n’y arrive pas tout le temps. Mais le groupe est tout le temps-là, il n’évolue pas dans une hype, un courant et donc c’est difficile de développer, mais il y a une crédibilité qui est bel et bien là et c’est pour cela que l’on continue.

Ronald : Ce n’est pas du calcul, c’est du feeling, on est sincère, on fait ce que l’on sait faire !

Dim : On n’essaye pas de rentrer dans un courant comme certains groupes qui font un album comme ça pour suivre la tendance.

  • Avec 3 albums en 10 ans, dont le dernier est sorti il y a 1 an, peut-on dire que le groupe vit avec sa philosophie, à son rythme.

Dim : Oui, ce n’est pas qu’on est « lazy », on a tous une vie à côté, mais on cherche la bonne inspiration, des fois elle vient vite ou pas, le dernier album s’est rapidement enregistré en seulement une semaine, sans véritables morceaux à la base. On ne se laisse pas aller. Peut-être qu’on réfléchit trop… ou pas assez (rires).

  • Vous avez opéré pas mal de changements dans le groupe depuis le début, comment cela impacte-t-il l’écriture des morceaux ?

Ronald : Dimitri et moi amenons les idées de base, un riff, on a composé ensuite avec Vincenzo sauf pour le dernier album où on n’avait rien préparé vraiment, on a tout fait sur place. Et maintenant que Ruggero est dans le groupe, on sent qu’il y a quelque chose d’autre qui se passe et on va pouvoir composer tous ensemble, car il a beaucoup d’idées, il peut nous emmener autre part, il est très bon musicien.

Driving Dead Girl © Fred Lombard

  • Il y a une sérénité qui se dégage, pensez-vous avoir enfin trouvé une stabilité dans le groupe ?

Dim : Même si on se l’est dit à chaque changement, le groupe est vraiment plus stable. Ce n’est pas une critique envers les autres musiciens même si on a eu quelques déboires… On a eu de très grands moments avec certains, des instants très rock’n’roll.

  • Vous connaissez et fréquentez vos camarades de la scène belge ?

Dim : On connaît pratiquement tout le monde de la scène francophone, car la Belgique est toute petite. Surtout en Wallonie et à Bruxelles. On croise les groupes de Flandre, on se parle un peu. On a joué notamment avec Triggerfinger. J’ai été à l’école avec le chanteur des Girls in Hawaii.

Bertrand : La différence entre la scène wallonne et flamande est qu’il y a plus d’entraide parmi cette dernière. En Wallonie, chacun a tendance à faire son truc dans son coin ce qui est dommage. En Flandre, un groupe qui réussit a tendance à tirer les autres… Il y a certes de plus en plus de structures, mais il y a de plus en plus de groupes. De plus, très bons et super en place. Une sorte de concurrence s’installe.

  • Parlons de votre album le plus récent « I Think The Drums Are Good » (mai 2013). Le titre tout d’abord est plutôt marrant…

Vincenzo : Quand on a commencé à enregistrer, on n’avait pas grand-chose comme le disait Ronald.
On a composé l’album sur place avec Jim Diamond (The White Stripes), un mec super cool et quand on faisait les sessions, il disait toujours « Yes, good, but… ». Mais pour moi il disait toujours « but the drums are good » ce qui pouvait être frustrant pour les autres (rires). On lui a proposé de garder cette phrase. Jim est ainsi aussi présent dans le titre, en plus du son !

Dim : Et l’album, on l’a fait un peu comme les Stones, dans un manoir. Mais en 6 jours, pas en 6 mois.

Bertrand : L’album a reçu une réelle reconnaissance en Belgique. Les gens se sont dit qu’après toutes ces années, on avait fait un putain d’album, qui d’ailleurs est rentré dans les radios, chose qu’on n’avait jamais réussi à faire auparavant. On est sur la playlist de Pure FM qui est LA radio des groupes Belges.
Mais il y a encore des choses à faire ; dépasser un certain stade, préparer le terrain pour le reste. Il n’y a pas de stratégie, on ne s’impose rien, je suis l’instinct du groupe et je développe en m’adaptant à leurs propositions. Le truc, c’est de toujours aller plus loin, de faire des trucs qu’on n’a pas pu faire. On peut faire la première partie des Scorpions devant 12 000 personnes et aller jouer le lendemain dans un bar. On essaye de faire une grosse tournée par an, car chacun est occupé en dehors du groupe.

Driving Dead Girl © Fred Lombard

  • Il y a eu en France des reportages et sujets sur «le» rock belge. Est-ce pour vous une carte de visite, en jouez-vous ?

Ronald : Pas du tout. Les gens dans les salles nous en parlent quand nous tournons en France, mais nous ne nous sentons pas concernés par ce truc-là.

Bertrand : En tout cas, on est toujours super bien accueillis en France, même mieux qu’en Belgique ! Et les gens nous écoutent attentivement. Mais c’est peut-être le phénomène de tout groupe qui joue hors de son pays. À partir du moment où tu as joué partout chez toi, il y a peut-être moins d’intérêt pour le public.
Et si tu n’es pas dans un courant, tu rates quelques festivals… en même temps, on les a tous faits à part certains où je ne suis pas convaincu qu’on doit les faire parce que si c’est pour y jouer et que les gens s’en foutent… Les programmateurs dans les festivals belges sont maintenant dans une ère mainstream où ils bookent d’abord des têtes d’affiches comme Stromae. Aux Ardentes, pour le concert d’Heavy Trash (nouveau projet de Jon Spencer) , il n’y avait pas grand monde, je le sais, j’y étais…

Bertrand : Il y a le côté « exotique » qui y fait. On a par exemple pu jouer sur huit dates en Espagne même si cela a été dur et demandé 6 mois de préparation. A l’inverse, il y a des groupes garage belges qui jouent hors de chez nous et qui s’y retrouvent…

Dim : En France, il y a une sorte de fascination de la scène belge depuis dEUS qui a un peu chamboulé les codes artistiques. En Belgique, nous on a toujours regardé du côté de la France même si on trouve qu’il ne s’y passait pas grand-chose en rock… et on ne fait pas toujours attention à ce qui se passe chez nous. On retrouve ce phénomène partout … nul n’est prophète en son pays ! À part peut-être les Anglais et les Flamands qui sont vraiment tournés vers leur scène et leurs talents. Qui d’ailleurs mettent pas mal d’argent dans la culture, ça se développe d’une façon plutôt chouette.

Bertrand : Les Flamands ont une sorte de protectionnisme artistique. Je me rappelle d’un programmateur qui en parlant du groupe Venus disait que c’était un peu les Zita Swoon Wallons.
Et ben non, c’est bon ou c’est pas bon, t’aimes bien ou tu n’aimes pas. Les Flamands ont boudé Ghinzu alors que c’est énorme…

  • Le morceau phare du groupe pour celui qui ne connaîtrait pas encore les Driving Dead Girls ?

Dim : Le futur morceau du nouvel album !

Ronald : Peut-être « Junkie » qui est le dernier morceau sur scène. Il assure bien la transition entre l’album d’avant et le prochain… à venir pour 2015.


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Nicolas Nithart

grand voyageur au cœur de la musique depuis plus de 20 ans