[Flash #33] Double Date with Death, Uubbuurruu, Beat Sexü, Fuudge et Mon doux saigneur

Mac DeMarco, Arcade Fire, Wolf Parade, Patrick Watson, Half Moon Run sont écoutés un peu partout dans le monde. Un de leur point commun : leur succès respectif a commencé à Montréal. Plus récemment, Les Inrockuptibles ont largement plébiscité l’album « Darlène » d’Hubert Lenoir. Pourtant, ces quelques noms ne permettent pas de refléter la richesse et le dynamisme de la scène qui bouillonne aux quatre coins du Québec. On les délaisse pour vous proposer cinq actualités musicales qui mériteront tout autant votre attention durant le mois de janvier. Une sélection presque entièrement francophone et très subjective.

[LP] Double Date With Death – L’Au-Delà

10 janvier 2020 (Howlin Banana Records / Resurrection Records)

crédit : Elzo Durt

« Un sentiment étrange, la nostalgie s’empare de toi ». Ces mots du titre « Kodak » du prochain album de Double Date With Death reflètent bien notre état d’esprit. C’est arrivé sans prévenir. « L’Au-Delà » fait partie de ces sorties qui seront assurément sans fausse note. L’annonce de leur virage vers un post-punk un peu pop en français nous avait plus que ravies tant on aime le rock francophone et les routes excitantes tracées par Corridor. Les deux morceaux déjà sortis s’accompagnent de visuels qui font entrer instantanément dans ce nouvel univers mystique. L’enregistrement et le mixage ont été assurés par Guillaume Chiasson (qui était aussi derrière une partie du dernier Chocolat). Pourtant, étrangement, à quelques jours du début officiel de cette nouvelle histoire, on ne peut s’empêcher d’écouter avec un petit peu de mélancolie leur précédent album garage-punk, presque intégralement en anglais, « Headspace ». Cette légère touche de nostalgie ne devrait pas offusquer les membres du groupe tant ils sont attachés au lo-fi, comme notre cher Daniel Johnston, ainsi qu’aux références de la Nouvelle Vague. Réussir brillamment à changer de registre tout en nous faisant continuer d’adorer leur précédente expérience, c’est quand même le signe que DDWD peut intégrer la ribambelle des meilleurs groupes de rock du Québec. On vous laisse avec « Fluorescent » pour convaincre, s’ils existent, ceux qui en douteraient.


[LP] Uubbuurruu – Uubbuurruu

17 janvier 2020 pour la sortie digitale et 31 janvier 2020 pour la sortie CD / vinyle (Mothland Records)

crédit : Maryane Menard

On l’avoue : l’une des raisons qui nous a poussé à les écouter, c’est qu’on aimait dire « Uubbuuruu » en ajoutant quelques « buuruubuurruu ». Mais ces cinq Montréalais ont bien plus qu’un nom étrange pour vous accrocher. Sorti en 2015, leur EP louangé « Swamp Ritual » n’a besoin que d’une seule écoute pour révéler toutes les potentialités de ces musiciens qui ont déjà assuré les premières parties de King Gizzard et d’Elephant Stone. Les amoureux de BRMC (on espère que Noel Gallagher a été averti) ont été conquis tant ces cinq titres psychédéliques mélangent avec une grande habileté le shoegaze au stoner sans rien s’interdire, même pas un détour country blues. On se demande comment leurs fans ont pu tenir cinq ans en attendant la sortie de leur premier album. Ils doivent sûrement se douter qu’établir une meilleure communication avec des entités astrales, objectif revendiqué du band, cela prend un petit peu de temps. Avec ces guitares lourdes et abrasives, le seul titre dévoilé de cet album, « Stone Men », indique c’est un stoner-metal-psyché qui est apparu au quintette le plus efficace pour continuer le dialogue (en anglais) avec le cosmos. Ce nouveau morceau nous a en tout cas déjà conquis avec grand succès.


[LP] Beat Sexü – Deuxième fois

24 janvier 2020 (Pantoum Records)

crédit : François Lapierre – Jean-Michel Letendre-Veilleux – Ariane Petitclerc

C’est leur nouveau titre « Seulement si tu veux » qui a retenu notre attention. Les quatre de Québec qui forment Beat Sexü y démontrent en l’espace de 3 minutes et 22 secondes qu’il est possible de faire une chanson aux rythmes sexy et aux paroles sensuelles sur le respect du consentement : « T’attends mon accord / Pour emprunter les voies de mon corps / Seulement si tu veux / J’alimenterai le feu de nos vœux ». Les trois autres nouveaux titres parus montrent également qu’on peut parler de n’importe quel aspect de la sexualité tout en prenant en compte les enjeux qui irritent encore les oreilles de certains. On a bien hâte de découvrir ce que nous réservent les clinquants Beat Sexü derrière les neuf autres chansons qui composeront leur album « Deuxième fois ». On leur fait confiance sur le fait que ce sera un « joyeux festin d’afro-disco-classico-pop-cumbia-rock-psych » avec un « beat (rythme généralement dansant) accompagné de jolies et inclusives paroles sexü (cool et naïve abréviation pour « sexuel ») ». Bref, de la « musique smatte pour gens gentils… qui se danse bien paraît-il ».


[LP] Fuudge – Fruit-Dieu

31 janvier 2020 (Lazy at Work)

crédit : Adida Fallen Angel

Aux adeptes de stoner-grunge, adorateurs de Black Sabbath et de Nirvana à tous les jours : ruez-vous sur Fuudge, vous n’allez pas le regretter ! À ceux qui apprécient les enfants des groupes d’Ozzy et de Kurt avec plus de parcimonie, allez-y aussi. C’est bourré d’autres choses, empruntées au garage, au psyché et au prog. On les a écoutés parce qu’ils ont remporté en 2019 le prix pour l’album rock au Gala alternatif de la musique indépendante du Québec avec leur premier long-jeu « Les Matricides » (après avoir remporté ceux de l’EP rock en 2018 et en 2016). On avait vraiment accroché avec plusieurs titres, en particulier « nirvâna », « la chambre rouge » et littéralement tous les morceaux sans exception de leur album. Deux chansons qui seront sur leur nouvel opus intitulé « Dieu-Fruit » ont achevé le travail de conversion. Dans « enterré vivant » comme dans « mourir j’aime trop ça », le macabre est au rendez-vous. Cependant, il nous en faudrait vraiment plus pour avoir envie de couper des riffs et jeux de batterie aussi maîtrisés. Puis, après tout, ce n’est pas bien plus sombre qu’une espèce humaine en train de se massacrer à grands coups de surconsommation. Ça l’est encore moins avec quelques notes de mellotron et le chant espiègle de David Bujold : « j’ai l’goût de t’sauver mais d’te tuer j’aime trop ça ».


[LP] Mon doux saigneur – Horizon

31 janvier 2020 (Grosse boîte)

crédit : Pier-Philippe Rioux

On pourrait souligner les nombreux genres qui se laissent entendre dans la musique, extrêmement riche, de Mon doux saigneur. On pourrait aussi indiquer à quels grands auteurs-compositeurs-interprètes Emerik St-Cyr Labbé a déjà été comparé. On pourrait vous faire saliver par l’unanimité que le projet suscite de ce côté-ci de l’océan et avec les prix déjà reçus. On pourrait même insister sur la nonchalance salutaire dont il fait preuve depuis son arrivée sur la scène musicale en 2014. On pourrait surtout parler pendant des heures de ces textes : des urgences à transcrire en mots les pensées qui viennent, certainement un peu mélangées, à tous les jours de l’existence. Une existence qui continue de rouler à toute allure, peu importe les à-coups. Une plume qui se laisse à voir franche, directe, sans contrainte, sans retouche. Presque de l’écriture automatique, un peu comme ce qui se dégage des mots de ceux qui nous touchent le plus, Koltès, Duras. Des textes qui ne se laissent jamais saisir complètement, qui se transforment un peu à chaque écoute. On est embêté, car la meilleure façon dont vous auriez pu rencontrer Mon doux saigneur, ça aurait été assis dans un bar peu fréquenté ce soir-là, mais dans lequel vous vous sentez bien à cause de la pénombre et du bois chaleureux sur les murs. Quelqu’un serait monté avec une guitare sur la scène. Vous l’auriez à peine noté. Puis, vous vous seriez retourné en entendant ce qui se jouait. Vous pouvez aussi lancer le titre « Content » qui sera sur son nouvel album « Horizon », fermer les yeux et faire comme si c’était le cas.


Les autres sorties de janvier qui feront tendre l’oreille : Petite papa – Fraîche Heure (10 janvier) ; Frédéric Hébert – L’Aube (14 janvier) ; Alex Météore – Notre histoire n’est plus qu’un jeu de mémoire (17 janvier) ; La faune – Demain c’était hier (24 janvier) ; Marie-Pierre Arthur – Des feux pour voir (24 janvier chez Simone Records) ; Wolf Parade – Thin Mind (24 janvier chez Sub Pop Records) ; Jed Arbour – Inconnu (24 janvier) ; Gus Englehorn – Death & Transfiguration (24 janvier) ; Marie-Ange – Le plein de réconfort (24 janvier) ; Cheshire Carr – Dawn Comes Crashing (30 janvier 2020) ; Les Martyrs de Marde – Grossière Incandescence (31 janvier) ; Mort Rose – Nés pour aimer (31 janvier chez Return to Analog Records et Bonbonbon Records) ; Loïc April – Ressusciter les stigmates (31 janvier) ; Dany Placard – J’connais rien à l’astronomie (31 janvier chez Simone Records) ; Les Chercheurs d’Or – Voyous (31 janvier) et Clay & Friends – Grouillades (31 janvier).

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Lise Brun

En quête perpétuelle d’émotions dans les salles de la ville aux cent clochers