[Création #27] [Exclusivité] Claire days

Ce vendredi, la Lyonnaise Claire days sortira son premier album, plus d’un an après en avoir finalisé l’enregistrement aux côtés d’un complice d’envergure internationale inespéré, le très respecté Fink. Certes pour elle, l’attente aura été longue, mais loin d’être vaine. « Emotional territory » illustre magnifiquement le cheminement entier d’une artiste sensible et particulièrement inspirée. Ce périple fait de questionnements, de tentatives, de rencontres et d’amitiés heureuses, de révélations également tant du côté de la production que des courts-métrages qui ont accompagné chacun de ses premiers singles, Claire nous le partage aujourd’hui avec sincérité et une émotion certaine, dans le cadre de ce 27e épisode de notre format Création. L’occasion pour la musicienne de nous offrir avec une courte demi-journée d’avance, l’écoute intégrale de ce bijou folk alternatif confidentiel et délicat, aux trouvailles harmoniques élégantes. On ne pouvait décidément pas rêver meilleure compagnie pour accompagner cette carte blanche dédiée aux souvenirs intacts et aux émotions vitales d’un premier album sur le point d’éclore.

crédit : Aurélie Raidron

« Emotional territory » est mon premier album. Mon premier projet long. Il prend la suite d’une poignée d’EP qui a accompagné mes tous premiers pas et mon évolution personnelle et artistique.

« Emotional territory » vient d’ailleurs d’un bout de phrase tiré de « Old Self », le huitième morceau de l’album :

« People will leave, there’ll be holes in your city / Les gens partiront, ça fera des trous dans ta ville
Empty spots on the map / Des espaces en creux sur la carte

Of your emotional territory / De ton territoire émotionnel
»


Le processus

L’album sort demain. Il a été écrit ces dernières années et mis en forme en plusieurs étapes, de mai 2020 à septembre 2021. Je l’ai co-réalisé avec Fin Greenall, aka Fink, qui a également joué sur certains morceaux, puis mixé tout l’album.

Comment ça a commencé ? J’ai d’abord rassemblé une quinzaine de morceaux et je les ai maquettés (guitares, voix, chœurs) chez moi pendant le premier confinement. Je les ai ensuite envoyés à Fin.

Je dois faire un bond en arrière pour préciser qu’en novembre 2019, je rencontre Fin après son concert au Trianon. Il est partant pour bosser avec moi sur cet album et prendre la casquette de réalisateur ou directeur artistique ou ce qui me semblera pertinent dans le processus.

Et je fais encore un autre bond en arrière pour indiquer que je découvre la musique de Fink dix ans plus tôt, par hasard à la télé, puis à la radio (Nova). Et je deviens sincèrement fan de cet artiste et son groupe.

But back to 2020. Toute l’année a été consacrée à mettre en forme la quinzaine de maquettes, à en bosser certaines en trio avec Cyril (basse, contrebasse, claviers) et Lucien (batterie), à faire des essais avec Fin et à chercher nos appuis. C’était un travail assez collectif, qui contrastait avec les moments d’écriture et de composition, qui sont des moments où je travaille seule.

En décembre 2020, on a pris trois jours au home studio Le Chien Bleu, partagé par Lucien et Matteo (qui s’est occupé de la prise son) dans le Beaujolais. On a enregistré les instruments de quatre morceaux : « Fall asleep », « Order », « Benny » et « Nice Ride ».

Les premiers mois de 2021, j’étais dans l’indécision et le doute. Je commençais à enregistrer toutes les voix chez moi, mais j’étais un peu perdue sur la suite du processus. J’ai décidé d’avancer de mon côté sur de nouveaux morceaux : « The ground », « My sister », « Claire you don’t want to be saved ». Cette fois-ci, j’ai travaillé différemment. Plutôt que de jouer mes morceaux avec mes musiciens et de les « assouplir » par le jeu en groupe, j’ai fait le processus inverse : j’envoyais les morceaux presque tout faits, avec les guitares, les voix et les chœurs et Cyril et Lucien posaient leurs instruments par-dessus. Ensuite, c’était un travail de bricolage avec les pistes de chacun.

Mon partenaire de travail et ami Karim Attoumane a aussi écrit des arrangements de cordes sur « Nice ride » et « Claire you don’t want to be saved ». Je lui avais donné carte blanche et le résultat est magnifique.

« Are we a team ? » et « Watch me turn » sont arrivées en dernier, dans un travail plus solitaire et resserré entre Fin et moi, pendant l’été 2021.

Toutes les voix et la plupart des guitares ont été enregistrées dans mon appartement à Lyon.


Les émotions

crédit : Aurélie Raidron

J’ai donné ce titre à l’album parce qu’en le faisant, je me suis rendu compte que, pour moi, écrire de la musique, c’était me plonger sans retenue dans une émotion, m’immerger et en extraire une mélodie avec des mots qui tentent (vainement, bien sûr !) de l’exprimer. Quand je rassemblais mes chansons pour les enregistrer, j’étais comme face à une bibliothèque d’émotions figées, face à une vitrine d’images troubles, mais bien tangibles.

Troubles parce que c’est si difficile de savoir ce qu’on a voulu dire quand on a écrit le morceau ! Souvent, je ne veux rien « dire », je veux juste sortir de ma tête des flux de choses.

Tangibles ensuite, parce que, même si la musique ne s’attrape pas, elle peut se figer sur des supports et durer dans le temps.

Moi qui suis attachée au fait d’attraper le temps et de le garder, je suis bien contente d’avoir trouvé ce moyen de le retenir – enregistrer de la musique toute ma vie, c’est une perspective qui me plaît.


Les images

Anne-Laure Étienne (derrière les clips de « Fall Asleep », de « The Ground » et les photos de presse), Pierre Paturel aka Peter the Moon (aussi derrière le clip « The Ground » ainsi que les capsules vidéo autour de la genèse de l’album), Aurélie Raidron (qui a réalisé les photos de la pochette et certaines photos de presse) et Cyrielle Formaz (réalisatrice du clip « My Sister ») ont donné à « Emotional territory » une existence visuelle.


Fall asleep

Un clip très esthétique et symbolique réalisé par Anne-Laure Étienne. On a voulu évoquer la bascule du sommeil, l’imaginaire.


The ground

On a laissé cet endroit perdu dans l’Ardèche nous inspirer ce plan séquence qui comprend une marche à l’envers – heurtée et presque somnambule – et une course vers l’avant.


My sister

Cyrielle a dessiné un clip en stop motion sur des images entre douceur et chagrins, affirmation de grande personne et imaginaire de l’enfance.


Le mot de la fin

L’album sort demain, mais on l’a terminé il y a un an. C’est plus facile aujourd’hui de mettre des mots dessus, de l’écouter et de l’apprécier comme si ce n’était pas moi qui l’avais fait.

J’ai une grande fierté en l’écoutant. J’ai grandi au rythme de sa création et il est désormais comme une pièce d’archive pour moi ! Dans 10 ans, je pourrai l’écouter et me dire « ah, mais oui, Claire, à l’époque c’est ça que tu ressentais ». C’est donc ça, un objet magique ?

J’espère sincèrement que chaque chanson va trouver de nouvelles maisons dans les têtes et les imaginaires des autres.

Je voudrais finir sur les noms des artistes et des albums qui ont peuplé mon imaginaire pendant toute la création de l’album : « High Violet » de The National, « Song for Our Daughter » de Laura Marling, « Pleasure » de Feist, « The Bearer of Bad News » d’Andy Shauf, « Free Love » de Sylvan Esso et « Perfect Darkness » de Fink.

« Emotional territory » de Claire days, sortie le 28 octobre 2022.


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Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques