[Interview] Christophe Bize, programmateur du festival Lost in Limoges

Les 8 et 9 juillet prochains, le festival Lost in Limoges revient pour une seconde édition avec Foals, Peter Doherty, Les Wampas et Naive New Beaters en tête d’affiche. Prometteur et ambitieux donc ! Après Iggy Pop et Nada Surf l’an passé, l’évènement « pop-rock » de la région de Limoges ambitionne de se faire une place parmi les incontournables rendez-vous estivaux tout en apportant une nouvelle dynamique à son territoire. Entretien avec Christophe Bize, son programmateur.

Une partie de l’équipe de Lost in Limoges avec Christophe Bize (3e en partant de la gauche)
  • Bonjour Christophe, tu es à la fois programmateur et président de l’association Limoges Here We Come qui porte le festival Lost in Limoges. Tu es également bénévole comme le reste de l’équipe. Comment est né ce projet de festival en Haute-Vienne ?

Il est né d’un constat d’absence de festival d’envergure dans notre territoire, d’un manque que nous étions nombreux à déplorer. Se déplacer pour faire des festivals, c’est sympa, mais pourquoi pas en vivre un chez nous. Mais attention, il y avait déjà une offre locale importante en manifestations ou petits festivals, souvent ciblés musicalement et de très bonne qualité, donc il ne s’agissait pas d’en faire un de plus. D’où le Lost et l’idée de marquer les esprits dès la première édition.

  • Dans quel esprit était ton équipe au moment de se lancer dans cette grande aventure musicale et pourquoi avoir choisi de l’implanter à Limoges ?

La première étape était de rassembler des personnes capables de se lancer dans une telle aventure, très lourde, faite de hauts et de bas. De bouches en oreilles, des passionnés de musique, de festivals se sont rejoints pour donner vie à l’association. Il y avait ainsi une équipe de passionnés enthousiastes, mais inquiets quant à notre capacité à organiser un tel événement. Et pourquoi Limoges ? Pour qu’« être limogé » ne soit plus une référence à la Première Guerre et que cette ville soit bien identifiée sur une carte.

  • Le festival se déroule dans la ville voisine de Couzeix, sur l’Esplanade du Mas de l’Âge, un ancien terrain militaire. Comment l’équipe de Limoges Here We Come a-t-elle mis la main sur ce lieu immense et parfaitement adapté à un évènement de cette envergure ?

Alors que le projet devait se faire à Beaublanc (palais des sports situé dans le parc des sports de la ville de Limoges, NDLR), nous avions déjà repéré ce site pour en faire un parking du festival. Aussi, au changement de site en novembre 2015, nous avons revu la Ville de Couzeix pour leur proposer de faire en fait le festival sur l’Esplanade du Mas de L’Âge. Ils ont été très enthousiastes sur ce projet et après un mois intense en réunions, la solution a été validée et cet écrin de verdure est devenu un lieu magique pour un festival.

  • La première édition l’an passé affichait en têtes d’affiche Iggy Pop, Nada Surf, Fakear et Puggy pour une programmation à la fois ambitieuse, éclectique et familiale. Quels sont tes critères de sélection en tant que programmateur ?

L’enjeu est de permettre au public de voir des têtes d’affiche fortes, mais également de repartir du festival en ayant fait de belles découvertes. Il faut donc sortir des artistes fédérateurs capables d’être des fers de lance de la programmation, ce qui permet de programmer des pépites moins connues du public. Il faut faire abstraction de ses goûts personnels qui risqueraient d’enfermer le festival dans une programmation de niche, mais il faut surtout éviter cette uniformité des programmations que l’on constate aujourd’hui. En tant que nouveau festival, il faut imprimer une marque de fabrique. Trois autres critères rentrent également en compte : pour les têtes d’affiche, leur rareté sur les festivals d’été nationaux, et globalement leur présence scénique et le fait qu’ils ne soient jamais ou très rarement passés sur notre territoire. Il faut proposer de la nouveauté, tout en gardant notre ligne éditoriale pop-rock et une cohérence générale dans la programmation.

Iggy Pop à Lost in Limoges en 2016 – crédit : Fred Lombard
  • Pour sa première édition, l’organisation du festival a été unanimement saluée de l’accueil du public au bon déroulement des festivités sur place. Un vrai professionnalisme s’est dégagé de l’évènement. Qu’est-ce qui selon toi a contribué à la pleine réussite de ce rendez-vous estival ?

Nous ne sommes pas des professionnels du spectacle, cependant nous sommes amenés dans nos métiers respectifs à monter des projets ou encore organiser d’autres types de manifestations. Nous avons reproduit nos expériences respectives. Et surtout, nous sommes des passionnés et nous avons mis en pratique tout ce que nous avions observé sur d’autres festivals et fait en sorte de ne pas reproduire les points négatifs. Il y a derrière cette réussite un travail de préparation très très important, il n’y a pas de hasard. Et aussi, la météo nous a bien facilité la logistique et le ressenti général sans oublier une équipe de près de 500 bénévoles pendant l’exploitation afin de proposer aux festivaliers des services efficaces et souriants !

  • La première édition d’un festival est toujours une étape charnière : il s’agit de se faire connaître du grand public comme des médias, de défendre une programmation qui puisse se démarquer en raison de la rude concurrence des têtes d’affiche sur les festivals d’été et de parvenir à accueillir assez de festivaliers pour faire perdurer le rendez-vous année après année. Comment as-tu vécu cette édition test et quel bilan en retiens-tu ?

Le bilan général est positif concernant l’impact médiatique et auprès du public. Le fait d’avoir sorti dès cette première édition des artistes renommés a permis l’éclairage recherché. Le résultat en termes de fréquentation a été malheureusement en deçà de notre objectif. Notre principale tête d’affiche a enchaîné les dates sur les festivals d’été (dont certains trop proches de nous et bien plus connus) pour ramener le public espéré. C’est une déception sur ce point, corrigée cette année. Ma plus grande satisfaction a été la joie du public et tous les retours que nous avons eus. Créateur de bonheur, c’est sympa !

  • Entre la première édition et celle à venir, qu’as-tu souhaité apporter de neuf avec toute l’équipe ?

Nous avons apporté deux nouveautés majeures. Tout d’abord, la mise en place d’une seconde scène sur laquelle vont se produire les groupes sélectionnés lors des deux tremplins de Couzeix et Bordeaux. Ensuite, un camping festivaliers, qui, je l‘espère, va apporter un réel plus en termes d’ambiance et de vie festivalière. Le camping est clairement un élément essentiel dans l’esprit festival. Sinon, tout ce qui a fait le succès auprès du public lors de cette première édition a été reconduit.

Le line-up de Lost In Limoges 2017
  • Malgré le déficit affiché par le festival lors de cette première édition, vous êtes parvenus à convaincre vos partenaires de poursuivre l’aventure pour une seconde édition. On imagine que doter Limoges et sa région d’un festival à l’écho national, à l’instar des Eurockéennes pour Belfort ou de Garorock pour Marmande, est l’un des arguments qui a joué en faveur de sa tenue en 2017 ?

En effet, et le nom même du festival participe à cette communication. Nous avons toujours mis en avant le fait que le Lost In Limoges devait être considéré comme un vecteur de communication, un accélérateur de développement touristique et économique, dont le succès et la pérennité ne pourront que contribuer à l’attractivité de notre territoire. Quand on parle d’aménagement du territoire, de réduire les fractures territoriales, des évènements culturels tels que le Lost In Limoges participent pleinement à cette mission. C’est un message qui tend à être compris, mais cela prend du temps et nécessite une forte pédagogie. Tu parles du Garo ou des Eurockéennes, ce sont des festivals qui ont été portés par les collectivités, avec ces objectifs d’attractivité. Ils ont eu cet ancrage dès l’origine dans des territoires qui se sentaient dévalorisés. Le Lost a été monté par une association qui tente de prouver la nécessité d’une telle manifestation pour le territoire, le processus est inversé.

The Shoes à Lost in Limoges en 2016 – crédit : Fred Lombard
  • Pour sa première édition, Lost in Limoges a accueilli pas moins de 10 000 festivaliers sur ses deux journées dont 6000 sur la première soirée, boosté notamment par la présence d’Iggy Pop. Quelle est la fréquentation attendue pour cette seconde édition ?

Nous nous sommes fixé un objectif de 8 500 festivaliers payants, soit quasiment le même nombre de festivaliers payant que l’an dernier. C’est un objectif nécessaire à l’équilibre financier de cette édition et à la pérennité du festival. Nous n’avons pas droit à l’erreur !

  • Le slogan du festival Lost in Limoges, c’est « Be pop-rock » et c’est plus encore le cas cette année avec une scène rock représentée par Foals, The Inspector Cluzo, Les Wampas et Peter Doherty et la pop représentée par Talisco, Las Aves, Naive New Beaters et Holy Two. Hormis Clément Bazin cette année en représentant des musiques électroniques, ces dernières semblent moins représentées, si ce n’est qu’elles s’invitent dans la pop. Partages-tu ce regard ?

Oui, tout à fait, nous avons réussi à créer un bel équilibre pop-rock. Sachant que la pop actuelle est fortement habitée par l’électro ou sinon s’oriente plus vers le son des années 80. Nous avons été plus attirés par l’électro pop et ces groupes qui dégagent une réelle énergie sur scène. Cette scène électro pop est très riche par ces sonorités et influences. Dans ces conditions, programmer des musiques électroniques n’était plus dans la logique de la programmation. Exception faite avec Clément Bazin, qui est atypique par ses instrumentations telles que le steelpan : c’est un coup de cœur.

  • Si tu devais dresser ton top 3 des concerts de la première édition, que retiendrais-tu ? Et quels sont les concerts que tu ne manqueras pour rien au monde sur cette édition 2017 ?

Même si je n’ai pas pu voir grand-chose pendant deux jours, difficile de ne pas dire que le show d’Iggy Pop n’était pas le meilleur moment (avec une demi-heure de plus que prévu !). The Shoes a été énorme. Et coup de cœur pour Last Train, que j’adore.

Cette année, j’aime encore plus la programmation, peut-être parce qu’elle a été faite en direct, sans intermédiaire… J’ai hâte de revoir Foals. J’adore cette scène électro pop, donc je vais tâcher de me faire un petit plaisir à chaque set. Mention spéciale pour The Inspector Cluzo, deux sur scène, ça envoie.

  • Pour terminer : que peut-on souhaiter à Lost in Limoges samedi 8 et dimanche 9 juillet prochain ?

Que ce soit une nouvelle fois deux jours de plaisir et de découverte pour les festivaliers, que notre objectif de fréquentation soit atteint afin de pouvoir continuer cette belle aventure et préparer une 3e édition, qui installerait le Lost In Limoges dans le paysage des festivals d’été.


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Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques