[LP] Bazar Bellamy – Jusqu’ici tout va bien

Ce qui ressemble, au premier abord, à un énième album de rock français se révèle beaucoup moins opportuniste qu’il n’y paraît ; car tout l’art de Bazar Bellamy réside dans une poésie dont l’encre corrosive imprègne nos épidermes jusqu’aux frissons ultimes. 

La route est longue pour tracer son sillon au fil d’un genre exsangue et dénaturé ; défi à la hauteur des exigences musicales et lyriques de ce « Jusqu’ici tout va bien », dont l’énoncé confesse sa propre fatigue originelle. Même son premier titre, « Démodé », sonne comme une désillusion : celle d’un art des guitares et des mélodies usé à l’extrême, ombre d’un rôle de composition qui lui a complètement échappé. Sans pour autant se considérer responsable de la déchéance, Bazar Bellamy prendra le temps d’analyser la chute et de vivre cette dernière comme une introspection qui va le porter bien au-dessus d’un tout-venant commençant passablement à nous énerver. Des poèmes abyssaux, des aveux de faiblesse, des questions que personne ne posent mais qui font de l’opus un noyau dur, une carapace qui se fissurera au fur et à mesure de sa progression ; inéluctable, inévitable.

Bazar Bellamy creuse et déterre les corps encore fumants d’un rock abrasif, aux riffs s’enchaînant à la perfection sans être étouffants ou exagérés. Une complémentarité sauvage avec un texte qui enchaîne les lettres ouvertes du regret, les rejets du progrès, les effacements programmés d’émotions sacrifiées sur l’autel de l’apparence. « À tout jamais » oppose l’éternité à l’immédiateté du paraître, l’exil à l’importance de la démonstration, et s’oppose à « Démodé » dans son affirmation d’une identité sincère et plus fiable que le papier glacé ou tout autre pixel impersonnel. Plus loin, « Mercy » métamorphose la mélancolie d’une ligne de basse terriblement émouvante en testament éclairé, efficace et hurlé pour mieux impacter un auditeur doutant de vérités surréalistes et fondées sur le vide. Des espérances résonnent enfin : « Un homme », ode à l’écoute et à la simplicité d’un quotidien vite égaré dans les méandres de l’artificiel, nous motive à fracasser les murs étouffants de nos sociétés égocentriques, à l’aube du départ « Via Frattina », de la libération. Celle qui se mérite, qui s’impose au fil de l’éclosion, de l’explosion.

« Jusqu’ici tout va bien », ou l’amertume essorée et pressée pour en extraire la sève libératrice. Bazar Bellamy inscrit son épopée électrique au cœur des tourments de chacun, accueillant celles et ceux qui souhaitent, plus que tout, émerger de l’abîme.

crédit : Raphaelle Darricauy

« Jusqu’ici tout va bien » de Bazar Bellamy, sortie le 8 novembre 2019 chez M&O Music.


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Raphaël Duprez

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