[Live] Baxter Dury et Halo Maud à Stereolux

Complet, complet, complet… Ce lundi 5 mars, le panneau affiché à l’entrée de Stereolux annonce déjà la liesse à venir alors que la foule prend ses aises dans la fosse et dans les gradins. L’intime sera au cœur des titres joués par les deux artistes à l’affiche ce soir sans être cependant abordé de la même manière. Deux faces bien distinctes d’une même pop.

Baxter Dury – crédit : Fred Lombard

Kind of blue… La scène restera nimbée de bleu tout au long du concert de Halo Maud. Outre l’esthétique, c’est dans une harmonieuse continuité que se succèdent les titres qui composeront « Je suis une île » dont la sortie est prévue le 25 mai 2018. Succédant à l’EP « Du Pouvoir » à la beauté déjà flagrante sorti à l’automne 2017, ce premier album s’annonce au vu de la prestation donnée ce soir comme un joyau de la pop française. Accompagnée d’un backing band 3 étoiles composé de O alias Olivier Marguerit aux claviers et de transfuges de Frànçois and the Atlas Mountain (Amaury Ranger) à la basse et Isaac Delusion (Cédric Laban) à la batterie, Halo Maud habite l’espace avec aplomb sous des atours laissant poindre une relative fragilité. La voix est cristalline sans être frêle et se pose avec grâce sur les arpèges solides de la Danelectro et les nappes électro-antiques des claviers. « Baptism » plante le décor d’une rivière mystérieuse et emprunte en toute logique l’emphase de chœurs gospel. L’issue se fait crescendo alors que cymbales et fûts sont frappés avec une folle subtilité et que la basse abandonne la rythmique pour lancer dans le cours d’eau des notes aiguës provoquant d’envoûtantes encyclies.

Le calme apparent cache une fougue retenue et une réelle audace. Les transitions entre les morceaux sont particulièrement réussies et ajoutent à la qualité de la performance passionnante de bout en bout sans qu’elle ne fasse à aucun moment preuve de facilité. Il est question de fuite lorsqu’une sérénade mélancolique prend place et enveloppe l’auditoire avant que le groupe n’ose la rupture avec l’apparition saugrenue d’accords dissonants proches d’une europop faisant brutalement irruption dans le tableau onirique peint jusqu’alors. Loin de rompre le charme, ces claviers rebelles ouvrent la porte à ce morceau qui s’embarque vers des sphères psychédéliques au sein desquelles les musiciens donnent à entendre leur indéniable talent. Le tour de magie est réussi et convainc le public qui a apprécié à sa juste et grande valeur cette excellente performance.

Baxter Dury et ses musiciens entrent sur scène sous un air d’opérette et nous voilà projetés dans une fin de soirée où, accoudés au comptoir d’un bar moite et déserté, nous assistons au monologue saisissant d’un type débraillé qui clame son désespoir et son cynisme nés de trop de déconvenues sentimentales. Point d’indifférence toutefois ce soir de la part du public qui écoute avec délectation le verbe haut et cru du sieur Dury.
Pitre élégant, Baxter Dury a le geste vague et l’œil qui frise. Sans pour autant le sublimer, le répertoire des albums tellement originaux (mention spéciale pour le dernier en date « Prince of Tears ») de ce beau-parleur est joué avec classe par un groupe bien en place. La batterie est on ne peut plus métronomique et, fait rare mais non moins déplaisant, la basse se taille ostensiblement la part du lion au détriment de la guitare reléguée en arrière-plan. Les bases sont posées pour une bande-son virant coup sur coup ska, pub rock, post-punk comme un clin d’œil aux heures de gloire musicale de la perfide Albion. Faisant fi de la nostalgie, Baxter Dury représente ce qui est arrivé de plus intéressant depuis le Royaume-Uni en matière de pop (dont les frontières resteront heureusement toujours impossibles à tracer). « Listen », « Pleasure », « Miami », « Cocaine Man » et les autres titres de la setlist sont géniaux par leur fausse simplicité et le flow si singulier du neocrooner Dury qui occupe, en toute légitimité, sa place au sein du club des dandys from UK à l’éloquence classe et la drague crasse que les Français s’échinent à tort à comparer à Gainsbourg pour se convaincre que leur talent devrait un peu à la France. Entente cordiale…

Pour l’heure, Baxter Dury enchaîne chorégraphies approximatives, fait des moulinets ridicules avec son fil de micro comme un pied de nez aux rockers, prend place très furtivement derrière son clavier et appelle les vivats du public en se tapant la poitrine. De chaque côté de la scène, deux choristes insufflent cette douceur qui fait la marque de fabrique et le génie des albums de Baxter Dury. L’osmose est parfaite entre ces voix pures et le grain cockney du chanteur dont l’énergie libérée fait tanguer les musiciens sans qu’aucun ne chute.

Bien qu’on aurait apprécié une transposition moins fidèle des morceaux composant une discographie excellente et atypique, on sort avec satisfaction de la salle où un chanteur réussit à faire sourire un public avec des histoires dont tout un chacun ne tirerait que des larmes et de l’amertume. Secondé par un groupe solide, Baxter Dury a su tirer de ses fêlures une bonne dose d’humour cinglant et une ovation méritée des spectateurs.


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Olivier Roussel

Olivier Roussel

Accro à toutes les musiques. Son credo : s’autoriser toutes les contradictions en la matière.