[LP] Automat – Ostwest

Parés à plonger : immersion immédiate, indice de profondeur élevé, trajectoire complexe. Mission Automat. Nom de code : « Ostwest ». Pénétrer la musique du troisième album des musiciens allemands d’Automat est une expérience exigeante et confondante, qui réunit dans un même état d’esprit le dub, le psychédélisme rock, l’electronica et le post-rock. « Ostwest » n’est, de fait, en aucune façon un disque facile, mais pouvant difficilement laisser indifférent, tant il navigue en eaux troubles, étant ainsi très éloigné des poncifs de la musique électronique actuelle.

Le propos largement instrumental de cet album exige une disponibilité évidente pour ne pas sombrer dans une forme de claustrophobie sonore. Ainsi, loin d’être un disque séducteur, « Ostwest » est une délicieuse boîte de Pandore, qui saura révéler ses mystères aux plus aventureux d’entre vous. Derrière cet élégant patronyme se cachent trois aventuriers des musiques alternatives allemandes, évoluant depuis des années dans une famille artistique qui pourrait réunir Einstürzende Neubauten, les Bad Seeds de Nick Cave, Kreidler et, plus largement, le milieu de l’art contemporain allemand issu des années 80, abordant la question de l’art sous l’angle global du multimédia.

« Ostwest » évoque ainsi, forcément, l’héritage de Kraftwerk, mais aussi l’approche sonore de Massive Attack, la liberté de Tortoise et la moiteur de la scène « abstract » autrichienne des années 90 symbolisée par l’album « Cargo » des Sofa Surfers. Au-delà de ces repères stylistiques, toute la justesse d’Automat consiste à imposer une cohérence esthétique particulière. Dès les premières notes électroniques du morceau « Ost », le ton est donné : chaque morceau ne pourra suivre qu’un seul chemin, sans pour autant fuir sa propre destinée. Il n’est pas question ici d’un zapping effréné ; bien au contraire. Construites sur des mouvements cycliques récurrents, et fondées sur une approche presque savante de la répétition, les compositions célèbrent une volonté d’aller chercher l’essence même d’un groove pervers et addictif, propice à la transe et aux envolées cosmiques. Une voix répète à l’envi sur « Fabrik der Welt » : « behind the screens ». Comme leur voisin de label, Camera, la musique d’Automat n’est pas l’objet d’un simple divertissement, tant sa pratique est un acte de résistance artistique. Sur « Europa », un dancefloor s’ouvre devant nous, mais dans une version qui tiendrait plus du chamanisme que du clubbing branché. L’album se conclue sur « Transit », qui pourrait être la bande-son d’une cérémonie secrète vaudou, avec ses lointaines réminiscences rythmiques du continent africain. Le développement est lent, enivrant et minimal. Décidément, Il ne sert pas à grand chose d’intellectualiser notre écoute ; cette musique s’apprécie assurément dans le lâcher-prise. Des images se télescopent, des souvenirs se mélangent, apparaissent et disparaissent.

« Ostwest » est sans aucun doute une œuvre généreuse, foisonnante et absolument pas opportuniste. Les mauvaises langues pourraient parler d’absorption de produits illicites pour pouvoir pénétrer cet univers étrange ; mais, en toute honnêteté, nous n’avons eu besoin d’aucune aide chimique pour apprécier pleinement cet OGNI (Objet groovant non identifié).

Crédit: Martin Walz

« Ostwest » d’Automat est disponible depuis le 11 novembre 2016 chez Bureau B.


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Laurent Thore

Laurent Thore

La musique comme le moteur de son imaginaire, qu'elle soit maladroite ou parfaite mais surtout libre et indépendante.