Dix ans d’existence et enfin un premier album qui, bien entendu, est un défi de taille pour le duo français. Alors, qu’en est-il d’Andromakers en 2017 ? La réponse est incontestable : leur disque éponyme fait montre d’une maturité et d’une originalité parfaites et osées, prenant des risques calculés en imposant la langue française dans des harmonies électro et pop décalées et concises. Un véritable tour de montagnes russes dont on se remet difficilement.
L’auteur de ces lignes garde un souvenir impérissable de sa première rencontre avec Andromakers : un soir de concert à la Flèche d’Or, à Paris, où les filles ouvraient pour Hooray For Earth et, surtout, Phantogram. Une soirée cosmopolite et une gageure de taille pour Nadège Teri et Lucille Hochet : parvenir à attirer vers elle un public tout juste naissant, afin de le transporter dans sa musique si inclassable et particulière. Mission accomplie avec une facilité et une aisance déconcertantes. Quelques années plus tard, suite à des tournées internationales et une poignée de titres répartis ça et là sur plusieurs EPs, le projet nous offre son premier véritable opus éponyme ; comme pour revendiquer une identité recherchée pendant cette longue période, nécessaire et inévitable. Le résultat est un LP à l’état brut, regorgeant d’arrangements sublimes et immédiats et prenant ses distances avec tout autre genre connu pour, au final, devenir une entité à part entière. Celle de musiciennes qui ont appris à se connaître et à apprivoiser leurs sonorités, afin de patienter jusqu’à ce que le moment idéal soit venu ; et il est là, ici, maintenant, dans cette perle musicale douce et dansante.
On aura rarement ressenti une telle perfection dans l’alternance des genres et des langues, et pour cause ; Andromakers distille ses mélodies sans les dévoiler de façon radicale, mais au contraire en les dissimulant sous des voiles vaporeux et synthétiques qui, à eux seuls, attirent l’oreille et le regard. « Fairchild », qui ouvre l’épopée, est apaisé, presque minimaliste, rythme et claviers entourant une voix entre confession et murmure, mais déjà affranchie de toute influence inutile. Une introduction à l’errance dans une ville déserte, la nuit, objet de tous les tourments et des invitations à la frénésie électronique des mouvements du corps, qui brillent de mille éclats sur « Everest » et « Beausoleil », sortis tout droit d’un club extraterrestre et où le temps semble suspendu. Paradoxalement, là où « Andromakers » devient le plus fascinant, c’est justement dans ses passages les plus contemplatifs, tant ceux-ci sont aussi inattendus que bienfaisants et marquants : « Glacier » est un monument de délicatesse qui ferait fondre le cœur des plus résistants, tandis que « B for Beaches » nous enroule de sa mélancolie la plus gracieuse et envoûtante. L’album est alors un être hybride dont les deux visages – excitation et introspection – se confondent pour ne plus former qu’un seul et même profil, attirant et sensuel, dont les yeux brillent et hypnotisent (« Ominerion », « Fascination »).
On ressort de l’écoute de « Andromakers » à la fois traumatisé et heureux, les larmes coulant le long de nos joues, de joie et de tristesse. Car la musique du duo demeure avant tout humaine, sous ses artifices électroniques, à travers des timbres et chants en français et anglais qui parviennent à saisir l’instant précis et parfait auquel ils se doivent d’intervenir pour provoquer un effet immédiat et pénétrer les pores de nos peaux autant que nos synapses. Un électrochoc d’une sagesse et d’une excellente rares, qui valait bien tous ces longs moments d’attente fébrile. Car Andromakers s’impose là où on ne l’attendait pas, avec une intelligence et une sensibilité admirables. Inestimable et inoubliable.
« Andromakers » de Andromakers est disponible depuis le 20 janvier 2017 chez Transfuges.
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