[LP] Alice Lewis – Imposture

Il suffit de quelques accords et arrangements totalement décalés de la production discographique actuelle, ainsi que d’une immense dose de passion et d’originalité, pour faire de « Imposture » d’Alice Lewis un classique en puissance, aussi remarquable dans sa forme qu’intense dans sa structure et son langage.

On reçoit « Imposture » comme une vague en plein visage ; pas de celles qui nous font souffrir et nous frappent mais, au contraire, ces embruns qui ont plutôt tendance à nous caresser et à nous rafraîchir en cas de chaleur intense. Pourtant, le disque d’Alice Lewis est, en son for intérieur, brûlant et incandescent, reflétant aussi bien un imaginaire mélodique inépuisable qu’une humanité lyrique qui, en plus de fédérer, fascine d’un bout à l’autre. La découverte de l’opus est un cadeau que l’on ouvre fébrilement, protégé dans plusieurs couches de papier coloré : chaque épaisseur est une surprise et révèle d’autres beautés intenses au fur et à mesure qu’il est effeuillé. Alice Lewis, grâce à ses chansons puissamment visuelles et intelligemment structurées, n’a absolument pas usurpé son statut de nouvelle reine d’une chanson française mêlée à des impulsions pop et psychédéliques que l’on n’est pas prêt d’oublier.

La créatrice et poète interprète et vit intimement ses monologues et incantations à l’adresse des êtres aimés, des confidents et des absents. Qu’elle se fasse cantatrice d’un univers en gestation et qui se développera dans des tonalités célestes et brillantes pendant une quarantaine de minutes (« Opéra Drogue », sublime entrée en matière où chœurs et claviers se complètent à merveille), porteuse du message mortel et des dernières heures de l’existence (« La cause et le remède ») ou révélatrice des changements d’humeur de la relation amoureuse au fil d’une pop bercée de cordes et d’élans cinématographiques intenses (« Amour asymétrique »), elle mélange les intentions, presque religieuses ou terriblement spirituelles, dans un flot acidulé et sucré d’harmonies qui laissent l’auditeur incapable de réagir, paralysé face à une telle densité tragique et réconfortante. Osant même s’aventurer dans les profondeurs de la psyché pour un mouvement synthétique bouleversant (« Les beaux draps » et leur constat passif de l’intime), la compositrice, épaulée par l’aide précieuse d’Alexandre Chatelard, essaie tout ce qui lui permet d’affirmer son incomparable identité artistique, des influences anglaises 80’s (« Les ciseaux ») aux intonations celtiques (« Ô ma douce moitié »). « Imposture » est autant un voyage dans le temps que dans l’esprit : celui de la chanteuse, dont le timbre envoûte et magnifie ses odes.

Redorant le blason d’une certaine idée de la musique populaire en démontrant qu’elle peut être à la fois intransigeante et immédiate, Alice Lewis frappe un grand coup avec « Imposture » ; une œuvre maîtresse et dont l’apparente innocence dissimule des trésors d’inventivité et de sensibilité. L’exception idéale dans la production hexagonale.

crédit : Alexandre Chatelard

« Imposture » d’Alice Lewis est disponible depuis le 26 janvier 2018 chez Bellbuoy Records / Inouïe Distribution.


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Raphaël Duprez

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