[Live] Okay Kaya et Vendège au Point Ephémère

Il y a deux ans, nous avions été renversés par la révélation Okay Kaya à la Loge, à l’occasion de l’Avant-Garde du Festival Pitchfork. Jeune Norvégienne à la voix fragile et au naturel déroutant, presque embarrassée de s’être trouvée un public parisien, elle nous avait saisis ainsi que l’auditoire en interprétant son superbe « Damn, Gravity ». Un « debut album » plus tard, « Both », la revoici cette fois-ci en tête d’affiche d’une soirée au Point Éphémère le 22 octobre. On s’est alors étonné de retrouver exactement la même artiste, sans un grain d’assurance pris en deux ans, et pas plus d’automatismes… on adore.

crédit : Cédric Oberlin

C’est presque si sur scène, elle en venait à revendiquer une forme d’amateurisme : Kaya Wilkins, de son vrai nom, nous raconte ainsi comment à un récent concert, un spectateur lui avait fait remarquer que sa performance ne faisait pas très pro, ce à quoi elle aurait rétorqué en substance : « Qu’est-ce que vous pensiez être venus voir ? Vous me prenez pour qui ? ». Sur ces paroles, la New-Yorkaise d’adoption enchaîne les pistes d’un premier disque entre pop et folk minimaliste dont les contours lo-fi mettent en exergue la sensibilité et la sensualité. Le charme est encore tout différent sur scène, où l’artiste n’échappe toujours pas à un certain malaise, confiant par exemple sa nervosité quant au fait de devoir jouer au moins quarante-cinq minutes.

Mais tout se dissipe ou presque à chaque fois qu’elle enclenche sa voix de velours sur les morceaux délicats de « Both », qui évoque féminité et sexualité avec un verbe un brin sarcastique. Seule sur scène, avec le tee-shirt du film Titanic qu’elle portait « à ses 12 ans », elle alterne entre guitare et clavier, parfois non sans maladresse, si ce n’est dans une confusion hilare sur laquelle elle aime jouer. On notera ainsi les interruptions liées à un micro inadapté à sa grande taille, sa chevelure rebelle qui la perturbe, ou ses hésitations avant de lancer une partition inachevée aux airs de démo de bedroom-pop expérimentale.

C’est avec ce mélange de grâce et d’impureté que la jeune femme triomphe et charme son auditoire. Les sublimes mélodies vocales de « Dance Like U » ou « Vampire » symbolisent l’attrait de sa musique autant sur son album qu’en live. Son chant se confond parfois avec des susurrements sensuels qui maintiennent chaque spectateur dans un calme et un silence de cathédrale, à l’image de « I Die Slow » ou de l’intermède en français « Tu me manques ». La moindre respiration semble retenue pendant cette performance qui, tel un long instant suspendu dans le temps, nous laisse planer comme pour mieux apprécier la douceur empreinte de timidité de cette artiste décidément unique en son genre.

En première partie, le duo Vendège nous avait parfaitement préparés à cette ambiance avec sa bedroom pop atmosphérique et expérimentale. Placé en plein cœur de la fosse plutôt que sur scène avec tout son matériel, le tandem a dérouté les premiers curieux Parisiens avec ses longues séquences instrumentales entre électronique et organique, entrecoupé d’éclats de voix perchés et de notes de kalimba, un étonnant instrument originaire d’Afrique subsaharienne.


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Charles Binick

Journaliste indépendant, chroniqueur passionné par toutes les scènes indés et féru de concerts parisiens