[Live] Crossroads Festival 2018

Jeudi 13 septembre

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Au deuxième jour de ce Crossroads Festival 2018, on peine à rejoindre la Condition Publique et on arrive dans la salle de concert juste à temps pour profiter de la fin du set de Bakel, seule en scène avec sa violoncelliste, droite comme un i, drapée dans sa grande robe noire. On capte tout de suite une vraie présence qui, l’air de rien, en impose. Un peu comme le duo qui s’apprête à lui faire face, les Belges de Juicy. Entrées en scène dans de grands manteaux de fourrure rouge, chapeaux mi-mexicains mi-abats-jour, les deux filles de Juicy cherchent tout à la fois à marquer les esprits tout en s’effaçant sous le costume. Mais rapidement le duo tombe le masque et explose dans un RnB féminin mêlant hip-hop féministe et pop festive qui refuse de trop se prendre au sérieux. Assurément une des sensations de la journée.

Mais voilà que le tonnerre gronde et que le duo Després entre en scène et balance un son électronique dur et froid, qui flirte parfois avec la cold wave des années 80, le tout est réchauffé par la voix à nulle autre pareille de Camille. On est peut-être influencé par ses cheveux blonds peroxydés mais on a envie de risquer un parallèle entre la chanteuse et Jeanne Added. Ses pas de danses entraînants finiront de nous hypnotiser tandis que Raphaël, plus effacé derrière ses claviers, nous délivre une partition sans cesse plus profonde et juste, qui nous donne ce vertige jouissif devenu si rare en concert.

Par opposition, c’est sans fioriture, hormis quelques ornements floraux, que le duo Weekend Affair entre en scène. Louis et Cyril sont des habitués des scènes lilloise et des Hauts-de-France. Pourtant, on s’est laissé surprendre et cueillir. Après un premier album en anglais, il y a une magie fascinante et limite sidérante dans la profonde beauté des textes écrits en français par Louis Aguilar sur leur nouvel album (produit par Yuksek). Leur showcase aura été un des plus marquants du festival.

Quand Tample entre en scène, on ressort les muscles, rockeurs limite poseurs, manifestement fascinés par la synthpop des 80’s, le quatuor bordelais sort les chœurs (les « wouhou wouhouwou » pour être précis) et les refrains fédérateurs pour une performance enivrante qu’on imagine assez bien se tenir sur une scène bien plus grande.

La soirée prend une tournure plus underground avec le set de Run Sofa. Les Belges de Charleroi sont venus réhabiliter une certaine idée de la fusion rap-rock, à base de lignes de basse minimalistes mais d’une puissance telle que tout notre corps et les murs de la Condition Publique en tremblent. Mais on franchit encore une étape avec Elefant, groupe de producteurs, qui travaillent notamment avec… Run Sofa. On avait déjà remarqué durant le set de ces derniers de drôles de savants fou, habillés et maquillés de blanc, venir se mélanger au public et l’inciter à danser. Une fois tous ces drôles de personnages réunis sur une même scène, place est faite aux distorsions, qu’elles soient vocales ou musicales. C’est loufoque, barré, massif, subtil, dérangeant, fascinant. Oui, tout ça à la fois et le moins qu’on puisse dire est qu’on ne ressort pas indemnes de ce qu’il convient de qualifier de performance !

On se dit alors que le trio Thé Vanille n’arrivera jamais à enchaîner après cela. Et pourtant le contraste saisissant fonctionne. Eux aussi barrés à leur manière, ils s’expriment sur scène dans une pop survitaminée, encore plus incarnée en live de par l’énergie déployée par Val, Théo et Nasta. Une prestation encore plus impressionnante quand on sait que les deux tiers du groupe étaient souffrants ce soir-là. La soirée se termine avec le showcase du groupe Structures, formation amiénoise qui s’est donné pour mission de faire revivre le post punk et ses glorieux fantômes du passé, rien que ça. Et c’est plutôt très, très réussi. Comment ne pas penser à Joy Division en les écoutant ? Cette expérience à la fois chaude et glaçante nous accompagnera une partie de la nuit et nous laissera avide de revenir pour une nouvelle journée de découvertes.

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David Tabary

photographe de concert basé à Lille, rédacteur et blogueur à mes heures